ENTRETIEN – Haoues Seniguer, maître de conférences en science politique à Science Po Lyon, chercheur au laboratoire Triangle et spécialiste des rapports entre islam et politique, a publié, en septembre 2022, La République autoritaire : islam de France et illusion républicaine (2015−2022), aux éditions Le Bord de l’eau. Dans ce livre, il analyse « la suspicion » et « la répression » visant, selon lui, les musulmans engagés ou visibles. L’occasion pour le politiste d’évoquer le cas grenoblois, un an après la polémique sur le burkini. Mais aussi de contester le lien établi par certains observateurs entre l’islam, l’immigration et les émeutes de fin juin 2023.
Certaines personnalités politiques, à l’instar du sénateur LR Bruno Retailleau, ont fait un lien entre les émeutes et l’immigration, en particulier d’origine maghrébine… et donc avec l’islam. Que leur répondez-vous ?
Haoues Seniguer - Certaines personnes à droite et à l’extrême droite ont établi un lien : « quartiers populaires » égale « terre d’immigration », égale « islam », égale « émeutes ». C’est une approche culturaliste et raciste ! Déjà, je rappelle que les habitants des quartiers populaires, souvent d’origine immigrée, n’ont pas forcément choisi d’y habiter. Ensuite, ça revient à isoler la variable culturelle dans la commission d’actes répréhensibles.
Le dernier livre d’Haoues Seniguer, « La République autoritaire : islam de France et illusion républicaine (2015−2022) », est paru en septembre 2022 aux éditions Le Bord de l’eau. DR
Mais quels éléments objectivables permettraient d’attribuer ces violences à une culture ? C’est impossible de prouver que celle-ci est l’explication du phénomène émeutier. Il faudrait démontrer que les personnes qui agissent dans les émeutes le font au nom de cette culture. Or, je n’ai pas vu d’images de drapeaux français brûlés ou de slogans anti-français. On parle de vols, de pillages et de casse pour la casse.
Comment ont réagi les autorités musulmanes à ces émeutes et à la mort de Nahel ?
Haoues Seniguer - Les représentants de l’islam de France ont pris la parole, à l’image de Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui a publié un communiqué mettant en avant son statut de citoyen responsable. Comme lui, la plupart des imams et responsables musulmans dénoncent les violences, la casse, la destruction de bâtiments publics, tout en comprenant l’indignation des jeunes victimes de contrôles policiers.
Des émeutes ont éclaté partout en France après la mort de Nahel, notamment à Grenoble où de nombreux magasins du centre-ville ont été pillés et vandalisés le soir du 30 juin 2023. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Cette attitude citoyenne est largement partagée. Ils ne veulent pas éluder les raisons profondes de cette colère mais sans pour autant justifier les émeutes, que tous condamnent. D’autre part, beaucoup tiennent à souligner un point : il y a fort à parier que ces jeunes émeutiers ne vont jamais dans les mosquées.
Dans votre livre, vous voyez dans ce lien entre quartiers, immigrés et islam une « approche raciste ». Pourquoi ?
Haoues Seniguer - Oui, cela dit autre chose : certains observateurs, politiques ou journalistes considèrent les habitants des quartiers populaires dans une forme d’extranéité1caractère de ce qui est étranger, pour ne pas avoir à assumer une co-responsabilité, de nature politique en l’occurrence, dans ce qui arrive. En fait, ceux qui se gargarisent de République sont ceux qui la respectent le moins. Car la République française ne fait – du moins en théorie – pas de distinction selon les origines ou la couleur de peau.
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Une réflexion sur « Haoues Seniguer, politiste et spécialiste de l’islam : « Grenoble est un bon laboratoire à ciel ouvert des tendances nationales » »
L’islam une victime ? C’est tout le contraire explique Karl Marx :
« Le Coran et la législation musulmane qui en résulte réduisent la géographie et l’ethnographie des différents peuples à la simple et pratique distinction de deux nations et de deux territoires ; ceux des Fidèles et des Infidèles. L’infidèle est « harby », c’est à dire ennemi. L’islam proscrit la nation des Infidèles, établissant un état d’hostilité permanente entre le musulman et l’incroyant. »
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