FOCUS – La récente prise de position d’Éric Piolle, maire de Grenoble, affichant son soutien aux “hijabeuses” qui revendiquent le droit de porter le voile lors des rencontres sportives a suscité nombre de réactions dans les rangs de ses opposants. Ce d’autant plus que l’édile a annoncé que sa majorité rendra publique sa position sur l’usage du burqini dans les piscines avant leur ouverture cet été. Des propos qui tendraient, selon ses détracteurs, à légitimer le voile trahissant ainsi les valeurs de la gauche, dont la laïcité.
« Un homme qui défend le burkini qu’il ne portera jamais, un misogyne imbu de sa supériorité d’Occidental qui crache sur le combat des musulmanes pour se libérer du corset religieux nommé hijab. On voit bien qu’il n’a jamais été traité de pute parce qu’il n’avait pas son foulard. »
Ce tweet incendiaire de l’écrivaine et journaliste Zineb El Rhazoui, sélectionnée pour le prix Nobel de la Paix 2021, l’une des femmes les plus protégée de France, n’est que l’une des multiples réactions suscitées par le soutien officiel d’Éric Piolle aux “hijabeuses”, ce 17 février 2022 sur son compte Twitter.
Ce pavé dans la mare n’était semble-t-il pas lancé au hasard car il intervenait le soir même où Émilie Chalas, députée de l’Isère En Marche et opposante municipale, organisait une importante conférence sur la laïcité à Grenoble. Et le lendemain du match de football organisé par le Syndicat des femmes musulmanes de l’Alliance citoyenne (AC) et le collectif NousToustes 38 devant la préfecture de l’Isère.
Je soutiens le combat des #Hijabeuses.
Sur le #Burkini et le rapport au corps, la majorité que je conduis à Grenoble s’est engagée dans un processus de réflexion et de formation. Nous rendrons public notre position avant l’ouverture des piscines d’été.#SpaceEcologiePopulaire
— Éric Piolle (@EricPiolle) February 17, 2022
Selon Éric Piolle concernant les hijabeuses, « la FFF tord la loi, elle ne pourra pas tenir »
En cause ? La revendication, soutenue par des militantes musulmanes de l’AC, de footballeuses parisiennes réclamant le droit de jouer au football en compétition en portant le voile islamique, le fameux hijab. Ce alors même que, dans son règlement, la Fédération française de football (FFF) proscrit formellement « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ». A contrario, la Fédération internationale de football (Fifa), elle, l’autorise, tout comme le Comité international olympique (CIO). En tout cas pour certaines fédérations.
Selon le maire de Grenoble qui s’exprimait le 18 février sur l’antenne d’Europe 1 « la FFF tord la loi, elle ne pourra pas tenir ». Pour l’édile qui reste droit dans ses bottes, « la loi de 1905 [sur la séparation de l’Église et de l’État, ndlr] est très claire : c’est la liberté de croire ou de ne pas croire. C’est la liberté de porter n’importe quel vêtement qu’il soit religieux ou non, dans l’espace privé comme dans l’espace public ».
L’élu écologiste a par ailleurs rappelé qu’Élisabeth Moreno, ministre déléguée à l’Égalité femmes-hommes avait également soutenu (avant de se rétracter) la démarche des “hijabeuses” parisiennes. « La loi dit que ces jeunes filles peuvent porter le voile et jouer au foot. Sur les terrains de foot aujourd’hui, il n’est pas interdit de porter le voile. Je veux qu’on respecte la loi », avait-elle en effet expliqué.
Un soutien vite recadré, a ironisé Éric Piolle, par « l’amicale pression de ses petits camarades » En Marche. Notamment par Marlène Chiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, laquelle a rectifié les propos de la ministre évoquant « une maladresse » sur l’antenne de RMC.
Émilie Chalas : « face à l’islamisme, Éric Piolle est à côté de la plaque »
Autant dire que cette prise de position n’a pas manqué de susciter son lot de réactions hostiles, tant localement qu’à l’échelon national. Et ce d’autant plus que le maire de Grenoble s’est également prononcé sur – autre sujet ô combien clivant – le port du burqini dans les piscines. « Notre majorité rendra publique sa position avant l’ouverture des piscines d’été », a‑t-il ainsi déclaré dans son tweet.
Parmi les premiers à dégainer à l’échelon local, le sénateur Les Républicains (LR) de l’Isère Michel Savin qui avait bataillé pour interdire « le port de signes religieux ostensibles » lors de compétitions sportives. « Aujourd’hui, Éric Piolle, agent et représentant de l’État dans la commune, soutient les hijabeuses et s’apprête à autoriser le port du burkini dans les piscines publiques grenobloises », a‑t-il déploré dans un communiqué.
« C’est une nouvelle provocation contre notre République et une nouvelle porte ouverte à toutes les dérives communautaires et séparatistes. J’appelle une nouvelle fois le gouvernement à prendre ses responsabilités », a déclaré le sénateur.
Émilie Chalas s’est, quant à elle, fendue d’un long fil posté sur son compte Twitter. « Face à l’islamisme, Éric Piolle est à côté de la plaque. Défendre la liberté des hijabeuses ? Mais les femmes sont libres dans ce pays et nous nous battons pour qu’elles le restent. Le voile n’est pas un signe religieux mais un instrument patriarcal et sexiste ! », a‑t-elle attaqué.
Pour autant, la députée ne s’arrête pas à cette seule attaque. Selon elle, « Éric Piolle est le symbole de cette gauche, défigurée, qui instrumentalise la laïcité au profit de la défense des spécificités culturelles et religieuses. Non, la laïcité n’écrase pas, depuis plus d’un siècle, elle libère ! », s’est-elle insurgée.
« Alors que des femmes dans le monde sont persécutées, assassinées, brûlées à l’acide parce qu’elles veulent retirer ce voile qui les désignent comme impures, chez nous, certains à gauche œuvrent à le légitimer. »
Quant à Naëm Bestandji, militant laïque et féministe qui était l’invité principal de la conférence sur la laïcité organisée par Émilie Chalas, il n’a pas mâché ses mots, lui aussi sur Twitter. « Pour relativiser islamisme et sexisme du voile, Éric Piolle use de la fausse comparaison avec croix ou kipa. Le voile n’est pas un signe religieux en islam. C’est un accessoire patriarcal que les islamistes brandissent en outil identitaire politique. Piolle se fait leur porte-parole », a‑t-il ainsi asséné.
Outre la diatribe épidermique de Zineb El Rhazoui, le soutien aux “hijabeuses” d’Éric Piolle a provoqué d’autres réactions. Dont celle de Céline Pina, femme politique, chroniqueuse et essayiste, fondatrice avec Fatiha Boudjahlat du mouvement citoyen Viv®e la République visant à combattre l’islamisme politique et à défendre la laïcité. Laquelle dénonce, dans un billet cinglant intitulé « EELV et le clientélisme islamiste, la preuve par Piolle ». publié sur son compte Facebook « la trahison des écologistes ».
« Alors que des femmes dans le monde sont persécutées, assassinées, brûlées à l’acide parce qu’elles veulent retirer ce voile qui les désignent comme impures, chez nous, certains à gauche œuvrent à le légitimer », les a‑t-elle pourfendus.
Enfin, citons encore la réaction de Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. « Chacun ses combats, a‑t-il répondu à Éric PIolle. Vous soutenez la soumission islamiste qui est une insulte à la liberté des femmes. À Grenoble comme n’importe où en France, il ne faut pas céder : le burkini n’a pas sa place chez nous ! »