Haoues Seniguer, maître de conférences à Sciences-Po Lyon et spécialiste de la politisation de l'islam, était l'invité de l'Alliance Citoyenne, lundi 6 décembre 2021, à la Maison du tourisme, pour une conférence sur le thème "Islamisme et Frères Musulmans en France: entre fantasmes et réalités". © DR

« Les isla­mistes sont contre le bur­kini », selon le poli­to­logue Haoues Seniguer, invité à Grenoble par l’Alliance citoyenne

« Les isla­mistes sont contre le bur­kini », selon le poli­to­logue Haoues Seniguer, invité à Grenoble par l’Alliance citoyenne

ENTRETIEN – Haoues Seniguer, maître de confé­rences en science poli­tique à Sciences-Po Lyon, cher­cheur au labo­ra­toire Triangle (UMR 5206) et spé­cia­liste de la poli­ti­sa­tion de l’is­lam, était l’in­vité de l’Alliance citoyenne pour une confé­rence-débat à la Maison du tou­risme de Grenoble, le 6 décembre 2021. Le thème ? « Islamisme et Frères musul­mans en France : entre fan­tasmes et réa­li­tés ». L’occasion pour ce fin connais­seur du sujet de dépas­sion­ner le débat sur la place réelle de l’is­la­misme en France.

Pourquoi avez-vous choisi de tra­vailler sur l’islam et l’islamisme ?

Haoues Seniguer – La rai­son prin­ci­pale, c’est un évè­ne­ment majeur : le 11 sep­tembre 2001. C’est un évè­ne­ment pla­né­taire qui a sidéré nombre de gens et qui a été com­mis au nom de l’islam. Surtout, ces atten­tats venaient per­cu­ter mes deux repré­sen­ta­tions de l’islam.

D’une part, celle venant de mon héri­tage et mes ascen­dants d’origine algé­rienne : un islam pra­ti­qué sim­ple­ment, pai­si­ble­ment et paci­fi­que­ment, comme c’était tou­jours le cas dans la pre­mière géné­ra­tion d’immigrés – et c’est encore le cas de bien des musul­manes et musulmans.

Invité par l'Alliance citoyenne, Haoues Seniguer décrypte l'islamisme

Haoues Seniguer, maître de confé­rences en science poli­tique à l’IEP de Lyon, était l’in­vité d’une confé­rence-débat orga­ni­sée par l’Alliance citoyenne à la Maison du tou­risme de Grenoble, le 6 décembre 2021. DR

D’autre part, ces atten­tats, et l’idéologie mor­ti­fère qui les jus­ti­fia, entraient en contra­dic­tion avec mes ensei­gne­ments reçus en phi­lo­so­phie arabe, dis­pen­sés par Michel Fattal, à l’université Pierre-Mendès-France1Ancienne uni­ver­sité qui a dis­paru avec la créa­tion de l’Université Grenoble Alpes. Ce der­nier, en mobi­li­sant les apports de grands phi­lo­sophes arabes de confes­sion chré­tienne et musul­mane, démon­trait l’accord et la conci­lia­tion pos­sibles entre rai­son et foi, théo­lo­gie et philosophie.

D’où vient l’islamisme ? Dans quel contexte his­to­rique est-il né ?

Haoues Seniguer - Les ori­gines de l’isla­misme remontent à la pre­mière moi­tié du XXe siècle. La date fon­da­trice, c’est 1928, avec la nais­sance des Frères musul­mans fon­dés par Hassan al-Banna, en Égypte.

Deux élé­ments ont conduit à cela. D’abord, l’abolition du cali­fat otto­man par Mustapha Kemal en 1924, qui a pro­vo­qué une onde de choc impor­tante dans le monde arabe, au nom d’une hypo­thé­tique union. Ensuite, et conco­mi­tam­ment, la colo­ni­sa­tion occi­den­tale et bri­tan­nique, vécue comme une agres­sion cultu­relle, poli­tique et éco­no­mique. Les Frères musul­mans se sont consti­tués dans ce contexte anticolonial.

Néanmoins, il n’y a pas que ça. On ne peut pas se limi­ter à cette lec­ture anti-impé­ria­liste. Hassan al-Banna récla­mait en effet l’application stricte de la cha­ria et nour­ris­sait la volonté de sou­mettre les musul­mans à une pra­tique rigo­riste de l’islam avec, par ailleurs, l’idée de ser­vir de guide pour l’humanité.

« Musulmans de France, l’ex-UOIF, a une filia­tion réelle avec les Frères musul­mans mais cela n’ex­plique pas tout. Ils s’en écartent en effet par bien des aspects. »

En France, l’is­la­misme est-il dominé par les Frères musulmans ?

Haoues Seniguer - Les pre­miers mou­ve­ments isla­mistes de France, appa­rus à la fin des années 1970 et au début des années 1980, étaient influen­cés par la pen­sée fré­riste. Mais l’origine, comme l’affirme l’historien Marc Bloch, n’est pas une expli­ca­tion. Je pré­fère, s’a­gis­sant des isla­mistes fran­çais, par­ler de néo-fré­risme et néo-isla­misme. L’héritage ne dit en effet pas tout de ce qu’ils sont réel­le­ment car ils sont tenus par les contraintes ins­ti­tu­tion­nelles et cultu­relles du lieu où ils évoluent.

Poursuivez votre lecture

Il vous reste 78 % de l’article à lire. Obtenez un accès illimité.

Vous êtes déjà abonné.e ? Connectez-vous

Manuel Pavard

Auteur

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

A lire aussi sur Place Gre'net

Alliance Citoyenne, Mois décolonial... Alain Carignon fustige une Grenoble "capitale de l'islamo-gauchisme"
Alliance Citoyenne, Mois déco­lo­nial… Alain Carignon fus­tige une Grenoble « capi­tale de l’islamo-gauchisme »

FLASH INFO — Alors que le maire de Grenoble adresse un courrier au chef de l'État pour alerter sur "l'ultra-droite", le groupe d'opposition municipale de Lire plus

L'observatoire isérois de la parité entre les femmes et les hommes se déclare "contre le burkini dans les piscines"
Pétition pro-bur­qini dans les pis­cines de Grenoble : l’Alliance citoyenne joue la carte de la démo­cra­tie participative

REPORTAGE – Après leurs actions chocs pro-burqini dans les piscines municipales de Grenoble, les militants de l'Alliance citoyenne  jouent, cette fois, la carte de la Lire plus

L'Association des femmes élues de l'Isère condamne les actions burkini de l'Alliance citoyenne à Grenoble
L’Association des femmes élues de l’Isère condamne les actions bur­kini de l’Alliance citoyenne à Grenoble

FLASH INFO — "Ne rien lâcher face aux tentatives de force ou d’intimidation des pro-burkini". C'est ainsi que l'Association des femmes élues de l'Isère (AEFI) Lire plus

Opérations burkini: la Ville de Grenoble dénonce des "provocations déplorable"... et l'Alliance citoyenne la "répression policière"
Opérations bur­qini : la Ville de Grenoble dénonce des « pro­vo­ca­tions déplo­rables »… et l’Alliance citoyenne la « répres­sion policière »

EN BREF - La question du burqini portée par l'Alliance citoyenne de l'agglomération grenobloise continue d'agiter les bassins grenoblois. Alors que la Ville de Grenoble Lire plus

Naëm Bestandji, qui se définit comme militant féministe universaliste et laïc, était l'invité de la conférence sur la laïcité d'Emilie Chalas - prévue le 9 décembre 2021 et finalement reportée - où il devait présenter son livre "Le linceul du féminisme" consacré au voile islamique, outil selon lui "au service du patriarcat islamiste". © DR
Naëm Bestandji, mili­tant laïque : « Les isla­mistes pres­crivent le voile pour apai­ser leur obses­sion sexuelle »

ENTRETIEN - L'écrivain isérois Naëm Bestandji, fondateur du comité grenoblois de "Ni putes ni soumises", interviendra à la conférence sur la laïcité organisée par Émilie Lire plus

Émilie Chalas organise une conférence à l'occasion de la Journée de la laïcité à l'école le 9 décembre
Émilie Chalas orga­nise une confé­rence à l’oc­ca­sion de la Journée de la laï­cité à l’é­cole le 9 décembre

FLASH INFO — À l'occasion de la Journée de la laïcité à l'école le jeudi 9 décembre, la députée de l'Isère Émilie Chalas organise une Lire plus

Flash Info

Les plus lus

Agenda

Je partage !