FOCUS – La Fête du travail alpin fêtera l’année prochaine ses quatre-vingt-dix ans. Un âge qui n’entame en rien la dimension politique de l’événement, dont l’édition 2018 se déroule dans un contexte de forte opposition aux orientations sociales du président Macron. Le Parti communiste de l’Isère compte bien sur les trois jours de la Fête, du 29 juin au 1er juillet à Fontaine, pour faire valoir ses idées et enregistrer de nouvelles adhésions.
Preuve que l’âge n’entame pas la détermination : à presque quatre-vingt-dix ans, la Fête du travailleur alpin n’a rien perdu de son caractère éminemment politique. Créée en 1929 dans la région grenobloise avant de s’établir à Fontaine à partir de 1983, l’événement populaire entend bien surfer sur les nombreux mouvements d’opposition aux orientations sociales du gouvernement pour son édition 2018, du 29 juin au 1er juillet au Parc de La Poya.
Annie David, secrétaire départementale du Parti communiste Isère l’affirme sans ambages : « Face à la politique de Macron, il nous a semblé que la Fête du travailleur alpin était un lieu idéal pour permettre [le] rassemblement ». Quel rassemblement ? Celui de « toutes les forces de gauche progressistes », autrement dit « à gauche du Parti socialiste ». Des forces en mesure, juge l’ancienne sénatrice de l’Isère, de porter un projet de société alternatif et de répondre « aux attentes des personnes qui sont dans la souffrance ».
Des invités et artistes éminemment politiques
Outre sa partie musicale, la Fête du travailleur alpin va ainsi accueillir de nombreuses personnalités politiques. Des figures locales, telles que le président de la Métro Christophe Ferrari et le sénateur de l’Isère Guillaume Gontard, ou nationales comme Ian Brossat, adjoint à la Ville de Paris et chef de file des Communistes pour les élections européennes.

Bernard Ferrari, régisseur général de la Fête du travailleur alpin, et Laurent Jadeau du Parti communiste Isère © Florent Mathieu – Place Gre’net
Sans oublier Eyyup Doru, représentante du Parti démocratique des peuples, formation politique kurde de Turquie. Et, pourquoi pas, un passage de Benoît Hamon, présent à Grenoble durant le même week-end.
Les têtes d’affiche de l’édition 2018 de la Fête s’inscrivent tout autant dans cette dimension politique. « On essaye de faire en sorte d’avoir des artistes engagés », explique le régisseur général du Travailleur alpin Bernard Ferrari. Qui n’oublie pas de tacler « les artistes grand commerce que l’on peut voir dans les grandes salles de l’agglomération grenobloise ».
Les Hurlements d’Léo et Massilia Sound System en têtes d’affiche
La soirée du vendredi 29 juin sera ainsi marquée par les concerts des Hurlement d’Léo et de Massilia Sound System, deux formations emblématiques de la scène musicale française. Autre tête d’affiche, cette fois le samedi 30 juin, le groupe Touré Kunda. Un groupe qui était déjà venu jouer à la Fête du travailleur alpin… voilà 31 ans. « Nous l’avons retrouvé dans nos archives, c’était une des premières à Fontaine, et il y avait eu 15 000 personnes », évoque Bernard Ferrari.

Le duo des Grenobloises Jels figure parmi les artistes de la scène locale de la Fête du travailleur alpin © Jels
L’événement veut également jouer la carte de la scène locale, précise encore son régisseur général. Des lyonnais Running Tree ou KNTC en passant par les stéphanois Odlasta, la région Auvergne-Rhône-Alpes figurera en première partie des têtes d’affiche. La scène iséroise sera naturellement représentée, par le duo guitare-violon des grenobloises Jels ou encore la jeune formation reggae/ska et (surtout) festive Akila.
Opération Adhésions
La Fête du travailleur alpin s’inscrit dans un moment stratégique, alors que le PCF prépare son congrès extraordinaire du mois de novembre, et affiche sa volonté de renverser son mode de fonctionnement en invitant sa base à dessiner les idéaux portés par le parti. De fait, les militants comptent redoubler d’efforts pour vanter la force politique du PCF… et enregistrer de nouvelles adhésions.

Stand du Parti communiste (section de Poisat) durant la Fête du travailleur alpin 2016 © Joël Kermabon – Place Gre’net
L’argumentaire est rodé : « Les forces dominantes ont des organisations politiques costaudes, le camp du peuple a besoin de s’organiser de manière pérenne », clame Jérémie Giono, responsable de la campagne d’adhésion. Le message qu’il entend porter ? « Tous les hommes et toutes les femmes qui veulent changer la société et se reconnaissent dans l’humain d’abord ont leur place dans le Parti communiste. »
Un parti qui se targue de sa forte présence en Isère. « Quasiment un quart des habitants de l’agglomération sont dans des villes avec un maire communiste ou apparenté communiste », estime encore Jérémie Giono. Et le Parti communiste de l’Isère enregistrerait une cinquantaine de nouvelles adhésions tous les ans. « Ce n’est pas rien : nous avons une assise de masse qui est tout de même importante », souligne-t-il.
La « chasse aux communistes » de la Cour des comptes ?
La Fête du travailleur alpin ne sera-t-elle pas quelque peu gâchée par les déboires de Jean-Paul Trovero ? Le maire de Fontaine a en effet récemment passé plusieurs heures en garde à vue dans le cadre d’une enquête préliminaire pour favoritisme, à la suite d’un marché public attribué à un cabinet de conseil en 2015, et épinglé par la Chambre régionale des comptes.
Pour Annie David, qui renouvelle son soutien et celui de la Fédération à Jean-Paul Trovero, l’épisode peut au contraire apporter encore plus de mobilisation. L’ancienne sénatrice n’hésite pas à parler de « chasse aux communistes », tandis que Bernard Ferrari décrit le même « mode opératoire » que pour l’ouverture d’une enquête sur l’organisation de la Fête des Tuiles de Grenoble par l’association Fusées.
Jérémie Giono dénonce de son côté le rôle de « prescripteur politique » que s’arrogerait la Cour des comptes en matière de gestion des agents publics ou des équipements municipaux. « Les communistes ne répondent pas à ces injonctions politiques : ils servent les mandats pour lesquels ils ont été élus, développent et défendent les services publics, et se battent pour l’intérêt des populations », assène-t-il.
Une chose est sûre : personne autour de la table ne pense que l’enquête préliminaire pour favoritisme ou la garde à vue du maire de Fontaine ne puisse jeter une ombre sur la Fête du travailleur alpin. « Les gens ont d’autres soucis ! », résume Bernard Ferrari. Qui compte bien couronner de succès cette édition 2018 en attendant de souffler, enfin, les quatre-vingt-dix bougies de l’événement.