FOCUS – La chaîne Public Sénat diffuse, ce samedi 17 octobre à 22 heures « La Villeneuve, l’utopie malgré tout ». Un film documentaire en réaction au reportage d’Envoyé spécial diffusé le 26 septembre 2013 « La Villeneuve, le rêve brisé », jugé stigmatisant pour le quartier. Les journalistes Vincent Massot et Flore Viénot accompagnés du producteur John Paul Lepers le présentaient, en avant-première le mardi 13 octobre à l’Espace 600 à Grenoble. Impressions.
Il a failli ne pas être diffusé mais le film « La Villeneuve, l’utopie malgré tout » passera bien sur la chaîne Public Sénat, ce samedi 17 octobre à 22 heures.
Amandine Chambelland, journaliste auteur du reportage « La Villeneuve, le rêve brisé », diffusé le 26 septembre 2013 sur France 2, avait en effet menacé de déposer un référé contre la chaîne pour interdire sa diffusion. L’utilisation d’extraits de son reportage nuisait, selon elle, à l’intégrité de ce dernier et à son droit moral sur son œuvre.
Les habitants de la Villeneuve ont cependant déjà pu visionner ce documentaire – fruit de plus d’une année de travail en immersion dans leur quartier –, comme s’y étaient engagés les journalistes Vincent Massot et Flore Viénot. Plus de trois cents personnes ont ainsi assisté à la projection du film à l’Espace 600, le mardi 13 octobre 2015, en présence du producteur John Paul Lepers.
Dans le public, des habitants bien sûr, dont de nombreux jeunes présents à l’image. Des incontournables aussi, tels Alain Manac’h de l’association Villeneuve debout, Willy Lavastre, coordinateur de l’association Afric’impact et de la BatukaVi, ainsi que quelques journalistes et représentants de la sphère politique. Quant au public, nul besoin d’être grand clerc pour deviner qu’il était tout acquis à la cause du film. Une impression confirmée par la longue salve d’applaudissements qui a suivi la projection.
Les initiatives citoyennes à l’honneur
« On ne fait pas un film sur les habitants, mais avec les habitants », expliquait Flore Viénot juste avant la projection. De fait, c’est bien l’impression que donne ce documentaire. Celui-ci retrace, dans un premier temps, la mobilisation du collectif d’habitants de la Villeneuve contre le documentaire d’Envoyé spécial. Il raconte leur combat, mais aussi les initiatives nées après le procès en diffamation intenté au groupe France Télévision.
Les objectifs ? Reconstruire l’image du quartier, se le réapproprier. Mais pas seulement. Il s’agissait aussi de s’interroger sur les médias, suspectés pour certains d’entre eux de tabler sur du sensationnel pour faire de l’audience. Le tout en instillant la peur des quartiers dits “sensibles”. Une réflexion sur le traitement médiatique illustrée par une séquence où l’on peut voir des élèves du collège Lucie Aubrac analyser le reportage d’Envoyé spécial.
« La Villeneuve, l’utopie malgré tout » évoque également d’autres initiatives citoyennes. Comme la création du média hyper-local Le crieur de la Villeneuve ou encore la tenue du forum intitulé Médias et quartiers populaires. Ce n’est pas une zone de non-droit qui est décrite mais bel et bien un quartier qui vit et qui sait faire preuve de créativité.
C’est ainsi que l’on voit Teddy Lukunku, l’un des acteurs du court-métrage Guy Môquet – lui aussi tourné à la Villeneuve –, en train de réaliser son tout premier film. Mais aussi l’hyperactif Willy Lavastre, les gamins de la BatukaVi, et ceux qui ne voudraient pas « vivre ailleurs ».
En fil rouge, les commentaires et impressions de Pauline Damiano, présidente de l’association des habitants de la Crique sud, à l’origine de la plainte contre France Télévision.
L’écueil de l’angélisme
A l’inverse du film « La Villeneuve, un rêve brisé » qui s’était focalisé dessus, « La Villeneuve, l’utopie malgré tout » évite certains sujets délicats. Pas question de drogue, de jeunes traînant dans les allées… Les relations tendues de certains d’entre eux avec la police sont bien évoquées mais le côté lisse, presque bon enfant de ces scènes, laisse subodorer une communication très maîtrisée par la police nationale, si ce n’est une frilosité ou un parti pris du réalisateur. Un côté quelque peu aseptisé qui, pour le coup, ne semble refléter qu’une partie de la réalité.
Pour autant, les deux journalistes estiment ne pas avoir trébuché sur l’écueil de l’angélisme. « C’est vraiment quelque chose dont nous nous sommes méfiés. Si on parle trop des choses qui vont bien, ce n’est plus un débat et ça ne fait pas avancer les choses. Nous nous sommes vraiment creusé les méninges pour trouver la bonne mesure », explique Vincent Massot.
Sans compter que les habitants se méfiaient des caméras après l’épisode Envoyé spécial. D’où le choix de l’équipe de consacrer trois mois au repérage et aux échanges sans tourner.
Seule mention des incivilités : les ordures jetées du haut des immeubles. « A force de discussions et de rencontres, ce qui nous est apparu comme le plus flagrant, c’était les incivilités et tout particulièrement les déchets balancés par les fenêtres. On voulait traiter des choses à travers lesquelles les habitants pouvaient se trouver très directement concernés ». Force est de reconnaître que ce passage du film, très réussi, en dit long sur ces pratiques vraiment exaspérantes pour nombre d’habitants, notamment ceux des rez-de-chaussée…
Joël Kermabon
L’article a été modifié le 21 octobre 2015. Les associations Allons quartiers ! et la Force citoyenne populaire s’étant désolidarisé du collectif des habitants de la Villeneuve.
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