FOCUS – Alors que la Métropole de Grenoble adoptait son budget prévisionnel lors de son conseil métropolitain du 9 février 2024, l’annonce des reprises de discussion entre Ville et Métro sur le dossier du rachat des actions Grenoble Habitat s’est largement invitée dans les débats. Mais les opposants n’ont pas oublié de critiquer les orientations budgétaires de l’exécutif, également marquées par une tentative de dépôt d’amendements du groupe Uma pour accentuer la fiscalité.
« Je pense que tout le monde a noté la bonne ambiance entre la Métropole et la Ville de Grenoble. » Ainsi s’est exprimé Jérôme Rubes, vice-président de la Métropole en charge du Logement, alors que la question de Grenoble Habitat se présentait (de nouveau) devant les élus du conseil métropolitain, le vendredi 9 février 2024, dans le cadre des débats autour du budget prévisionnel. Une phrase qui marque une reprise des discussions sur le dossier GH, et (peut-être) la fin d’un long feuilleton.
II n’aura pas fallu longtemps pour que le débat sur le budget ne dévie pour une bonne part sur la question du dossier Grenoble Habitat Et pour cause : en amont du conseil, le président de la Métropole Grenoble Ferrari avait fait savoir qu’un rachat des actions GH de la Ville de Grenoble par la Métro était envisagé, voire bien engagé. De quoi confirmer une approche esquissée en novembre 2023, après plusieurs votes hostiles à la reprise des mêmes actions par CDC Habitat.
Grenoble Habitat (encore) au cœur des débats
Les élus d’opposition n’ont, de toute évidence, pas apprécié de découvrir dans la presse que des discussions étaient sur la table. Le maire de Fontaine Franck Longo sera le premier à s’en émouvoir, en s’interrogeant sur le poids budgétaire d’un tel rachat, censé être suivi d’une recapitalisation du bailleur social.
Une « annonce de dernière minute » que déplore tout autant Michel Savin. « Au moment où on débat sur le budget, vous êtes en train de discuter sur le rachat de Grenoble Habitat ! J’espère qu’il n’y aura pas des décisions modificatives avec des millions supplémentaires pour cette opération », s’inquiète le sénateur LR de l’Isère.
En réponse, Christophe Ferrari marque un certain agacement. « Oui, les discussions ont repris. Quel aurait été votre commentaire si les discussions n’avaient pas repris ? On nous reproche quand cela ne discute pas, on nous reproche quand cela discute ! », s’exclame le président. Pas de quoi rasséréner un autre élu d’opposition, Alain Carignon. « Aucune commission n’a été informée de vos discussions. On ne sait pas si cet engagement de dépense va impliquer 10, 20, 30 millions de plus dans le futur. Vous comprendrez que les conseillers métropolitains de base vous posent ces questions », rétorque-t-il.
La forme n’est pas le seul point qui pose souci à l’opposition. Michel Savin laisse clairement entendre qu’à ses yeux, la reprise de Grenoble Habitat par un autre bailleur aurait été plus souhaitable qu’une reprise par l’intercommunalité. Dominique Escaron, maire de Sappey-en-Chartreuse, lui emboîte le pas en rappelant que le groupe CCM auxquels appartiennent les deux élus n’avait pas exprimé d’hostilité à une reprise de GH par la CDC. « C’était une chance de faire en sorte que de l’argent arrive de l’extérieur. Et on découvre la réalité de ce qui se met en place : l’argent de la Métropole va être transféré sur Grenoble Habitat sans apport d’argent extérieur », dénonce-t-il.
Éric Piolle indique que l’option CDC Habitat est « suspendue »
Face aux arguments provenant des rangs de la droite, Christophe Ferrari assume et rappelle sa volonté de maintenir Grenoble Habitat dans un statut de société d »économie mixte (Sem), qui présuppose une participation majoritaire de l’intercommunalité. « Ce qui m’intéresse, c’est que Grenoble Habitat puisse assurer les engagement pris vis-à-vis des maires. Il faut que les projets se fassent, on ne peut pas planter le système », ajoute-t-il. Quant à « l’argent extérieur », le président évoque… des discussions avec une autre Sem, Logement du Pays de Vizille.
Une chose est certaine : les relations entre Métropole et Ville de Grenoble sur le dossier GH se sont effectivement améliorées… et les deux tiennent à le faire savoir. « On avance et on permettra de trouver des solutions sur le sujet », insiste Christophe Ferrari. « Il n’y a pas de raison que cela se passe mal », note de son côté le maire de Grenoble Éric Piolle. L’enthousiasme est contenu, mais tranche avec l’aigreur des échanges qui ont pu émailler le long feuilleton autour de la vente des actions du bailleur social.
Éric Piolle, pour autant, ne manque pas de rappeler que l’option CDC Habitat n’est pas abandonnée, mais uniquement « suspendue ». Pas question pour la Ville de renoncer aux 52 millions d’euros que représentait l’opération, prévient le maire. « Ils sont attendus pour faire un plan d’investissement, ce n’est pas pour boucher un trou », ajoute-t-il à l’intention de ses oppositions. Si, pour l’heure, la Métropole entend consacrer 8 à 10 millions à l’opération, la somme engagée dans le temps sera de fait bien supérieure, comme s’en est inquiétée l’opposition métropolitaine.
Ces amendements (rejetés) du groupe Uma pour le budget
Si les relations se réchauffent entre la Métropole et sa ville-centre sur la question des actions Grenoble Habitat, les relations au sein de la majorité demeurent compliquées avec le groupe Une Métropole d’avance (Uma), auquel appartiennent les élus grenoblois, communistes exceptés. Si le groupe n’est pas allé jusqu’à voter contre le budget présenté par l’exécutif, il n’en a pas moins tenté de faire adopter deux amendements préconisant une hausse de la fiscalité, d’une part sur la taxe foncière, d’autre part sur les résidences secondaires, afin de garantir à la Métropole 7 millions de recettes supplémentaires.
C’est peu dire, là encore, que l’opposition n’a pas goûté cette proposition, alors même que la Métropole adopte déjà dans son budget une augmentation du taux de cotisation de certaines entreprises. Laurent Thoviste, adjoint du maire de Fontaine, s’étonnera surtout d’une telle initiative du groupe Uma. Et tentera de pousser les élus du groupe Uma dans les cordes en leur demandant quel vote serait le leur en cas de rejet des amendements en question. « Concrètement, quand on pose un amendement à 7 millions d’euros, soit il est adopté, soit on ne vote pas le budget », résume-t-il.
Pourquoi présenter ces amendements ? Du côté du groupe Uma, on regrette de ne pas avoir pu débattre de ces propositions durant les séminaires organisés au sein de la majorité. « Nous mettons sur la place publique le fait que nous avons une marge de manœuvre, nous le disons et le montrons, et peut-être que l’année prochaine nous utiliserons cette marge de manœuvre », explique dès lors le co-président du groupe Lionel Coiffard. « Du théâtre ! », moquera Laurent Thoviste. Au final, le rejet (massif) des amendements n’empêchera pas le groupe de voter le budget… quitte à susciter l’ostensible hilarité des oppositions.
« Il serait judicieux que vous jouiez votre rôle d’opposition »
Au-delà des amendements du groupe Uma, et sans surprise, l’opposition métropolitaine s’est montrée très critique à l’endroit du budget proposé par l’exécutif. Ce dernier, pour sa part, défend des orientations qui « permettent de faire face aux enjeux sociaux, écologiques et démocratiques ». Si la cotisation foncière des entreprises est en hausse, sauf celle des plus petites entreprises, les taxes d’enlèvement des ordures ou sur le foncier bâti ne changent pas. La Métropole s’engage par ailleurs à limiter ses dépenses de fonctionnement.
Dans le détail ? Le budget de fonctionnement de l’intercommunalité représente 486 millions d’euros, tandis que 256 millions sont dédiés à l’investissement. « Pour 100 euros investis, 41 euros iront à l’atténuation et l’adaptation au changement climatique […] et 27 euros aux mobilités », annonce-t-elle. Et de promettre encore jusqu’à 25 millions en soutien au logement social, 44 millions à destination des mobilités via le Smmag, 12,5 millions pour le centre de tri commun à plusieurs territoires, 3,2 millions pour sécuriser l’eau potable sur quatre communes, ou 3 millions pour le réseau de chaleur de Meylan.
Michel Savin ou Alain Carignon ont, pour leur part, appelé l’intercommunalité à réaliser des économies, et fustigé le recours à l’emprunt. « Ce budget est inquiétant ! », s’exclame le sénateur de l’Isère, tandis qu’Alain Carignon fustige un « budget de la dette » et accuse la majorité de « foncer dans un budget catastrophe ». Des critiques auxquelles la vice-présidente Michelle Veyret répliquera sèchement : « Vous n’avez pas grand-chose à dire, une fois que vous avez dit que rien ne va. Il serait judicieux que vous jouiez votre rôle d’opposition. Nous attendions un budget contradictoire chiffré ».
Le groupe Uma poseur de bombes et Laurent Thoviste sexiste ?
Le conseil métropolitain de Grenoble est souvent l’occasion d’échanges acrimonieux et celui du 9 février n’a pas dérogé à la règle. La tension est même sérieusement monté d’un cran après une intervention de Lionel Picollet, qui fustigeait la proposition de ses anciens camarades du groupe Uma d’augmenter la taxe foncière, en les accusant de laisser des « bombes » à l’intention des autres groupes de la majorité.
En retour, le co-président d’Uma Lionel Coiffard a quelque peu surjoué l’indignation. « C’est inadmissible ! C’est comme si tu disais qu’on est des terroristes, personne ici ne pose de bombes », a‑t-il répliqué… avant de s’en prendre à Laurent Thoviste qui, quelques minutes auparavant, avait émis une plaisanterie jugée « sexiste » à l’endroit de l’élue Chloé Pantel. Une accusation qui a fait sortir de ses gonds le Fontainois. « C’est assimilable à de la diffamation », considérera pour sa part Émilie Chalas, coreligionnaire de Laurent Thoviste au sein du groupe MTPS.
Un incident de séance qui inspirera Alan Confesson, lequel déplorera « une certaine forme de familiarité entre élus ». « Nous sommes dans une assemblée républicaine. Nous ne sommes pas censés nous tutoyer. Restons un petit peu sobres. C’est un témoignage de respect mutuel », déclarera l’élu grenoblois. Message transmis au maire de Grenoble Éric Piolle, qui avait qualifié le conseiller municipal Maxence Alloto de « petit lapin » lors du conseil municipal de décembre 2023 ?
2 réflexions sur « La Métropole adopte son budget prévisionnel 2024… avec le dossier Grenoble Habitat en invité surprise dans les débats »
Un morceau de la dette à rembourser passe de la poche trouée de la ville à la poche trouée de la métro.
Qui paye, la ville ou la métro ?
Ni Piolle, ni Ferrari.
C’est le couillon qui paye, c’est à dire le contribuable grenoblois, vous et moi, comme toujours. Sommes nous si riches pour éponger encore et encore la mauvaise gestion ?
Mme Michelle Veyret a‑t-elle « grand chose à dire » sur le remboursement futur de la dette qu’elle fait grossir ?