FOCUS – Une baisse du niveau moyen de particules fines dans l’air de trois microgrammes par mètre cube ferait diminuer la mortalité d’un tiers à Grenoble comme à Lyon. C’est ce qu’avance une récente étude menée en Rhône-Alpes par une équipe de chercheurs. Mais celle-ci conclut aussi à la nécessité de mettre en place des actions sur un large périmètre. Et de se poser la question de la justice sociale… en amont.
Baisser de 3 microgrammes/m3 le niveau moyen de particules fines dans l’air permettrait de faire baisser la mortalité d’un tiers. C’est ce qu’affirme une étude conduite à Grenoble et Lyon par des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’Inra, d’Atmo Auvergne Rhône-Alpes et de l’Université Grenoble Alpes (UGA) sur ces poussières essentiellement émises par le chauffage au bois défectueux et le trafic routier.
Si cette baisse était de 10 microgrammes/m3, soit conforme aux préconisations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cette mortalité que les chercheurs attribuent aux particules fines serait même réduite de moitié. À condition toutefois de voir… large. En effet, notent les chercheurs qui ont passé en revue plusieurs scénarios, ceux axés uniquement sur les zones les plus exposées ont eu peu d’impact global.
L’étude souligne la nécessité d’atténuer les inégalités sociales d’exposition
« Les scénarios de réduction ciblant uniquement les points chauds de la réduction de la pollution atmosphérique ont peu d’impact attendu sur la santé de la population, soulignent les auteurs de l’étude. Les scénarios cherchant à atteindre une exposition homogène dans l’ensemble de la zone d’études ont été plus efficaces pour atténuer les inégalités sociales d’exposition. »
Objectif de l’étude, restée très discrète ? Guider les politiques publiques alors que se multiplient les actions pour tenter de faire baisser les niveaux de pollution et répondre aux injonctions de Bruxelles, la Commission européenne ayant saisi la justice. En effet, les chercheurs ont également estimé le coût de cette pollution : à Grenoble et Lyon, ils l’ont chiffré à 1 200 euros par an et par habitant.
Des actions plus ou moins larges à Grenoble
À Grenoble, certaines actions voient large, comme la prime air-bois instaurée sur la Métropole mais aussi sur le Grésivaudan et le Voironnais. Son montant a été doublé dans la capitale des Alpes pour rendre plus efficace la conversion des trop anciennes installations de chauffage au bois.
D’autres actions gagneraient à s’élargir. Grenoble est ainsi la seule ville en France avec Paris à avoir mis en place une zone à faibles émissions, alors que 227 ont été créés en Europe depuis les années 90. Mais cette zone est encore limitée et a quelque peine à englober tous les axes dans son périmètre sans disposer de moyens de contrôle adéquats.
D’autres actions encore sont, elles, très… circonscrites. À Grenoble, l’idée était ainsi de faire baisser la pollution dans l’hyper-centre de la ville via l’opération Cœurs de ville, cœurs de métropole (CVCM).
Avec le risque que les nuisances, pollution et bruit, ne se reportent plus loin. Risque avéré ? Atmo a, tout au long de l’année 2018, réalisé une campagne afin de tenter de couper court à la polémique qui a suivi la mise en place de cette opération. Laquelle s’est traduite par un changement du plan de circulation dans le cœur de ville de Grenoble et la fermeture de certains axes aux voitures.
À ce jour, les résultats de l’étude n’ont toujours pas été rendus publics. D’après nos informations, ils devraient toutefois confirmer ce que de premières évaluations avaient constaté fin 2017 : une hausse de la pollution modérée au dioxyde d’azote, polluant routier par excellence, coïncidant avec la mise en place de CVCM.
Se poser la question de la justice sociale en amont
Voir plus large et plus loin, c’est ce que préconisent les auteurs de l’étude publiée dans Environment international. « Il serait pertinent de comparer les scénarios de réduction de la pollution en termes de justice sociale, c’est-à-dire d’identifier a priori si certaines classes sociales bénéficieraient plus que d’autres d’un scénario de réduction donné ou si un plan permettrait de réduire les inégalités d’exposition à la pollution atmosphérique », suggèrent-ils.
« Pourtant, à notre connaissance, aucune étude n’a examiné si des scénarios hypothétiques de réduction des PM 2,5 pourraient modifier les inégalités sociales en cas d’exposition à la pollution atmosphérique. »
À Grenoble, une étude parue en 2016 sur les impacts sur la santé de la pollution de l’air avait mis en cause les PM 2,5. Ces poussières, responsables de 3 à 10 % des nouveaux cas de cancer du poumon, touchent en effet surtout les quartiers défavorisés, proches des grands axes de circulation, loin de CVCM…
Patricia Cerinsek