PORTRAIT – Après un accident de bucheronnage, le jeune Gaspard Forest s’est lancé dans le nettoyage des cours d’eau, avant de devenir, en peu de temps, un lanceur d’alerte reconnu, pointant du doigt le désastreux état de nos rivières. Rencontre.
Gaspard Forest, nettoyeur bénévole des rivières. © Richard Collier
Des parents enseignants et éducateurs spécialisés. Difficile de trouver du côté familial l’origine de son initiative écocitoyenne. Certes son enfance à la campagne à Crolles, au pied des falaises, peut expliquer un attachement profond à la nature. Mais il faudra aller chercher le moteur de son engagement ailleurs…
Après des études en gestion forestière à Annecy, puis un master de géographie aménagement du territoire à Lyon, Gaspard Forest dévie d’une voie professionnelle toute tracée. « J’avais – et j’ai toujours – une peur viscérale du salariat et je commençais à m’ennuyer à mourir. Du coup, en même temps que je finissais mes études, j’ai construit une yourte. » L’édifice bâti, il crée une micro-entreprise proposant un large panel de prestations allant du bûcheronnage à l’entretien d’alpage.
Retour à la ville
C’est en 2018 pour rejoindre sa compagne que Gaspard décide de s’installer à Grenoble et d’y poursuivre son activité. Celle-ci sera de courte durée car un grave accident lors de la taille d’arbres le contraint brutalement à y mettre un terme : il ne sera plus jamais bûcheron.
« À partir de là, j’ai mené de front deux réflexions : d’une part, trouver une reconversion professionnelle et, d’autre part, être utile socialement. » Si sa reconversion est toujours à l’étude, avec la volonté revendiquée de ne pas être salarié, son engagement social bénévole trouve rapidement son champ d’action.
Gaspard débute ses actions de nettoyage dans la rue et dans les parcs, afin de les débarrasser de leurs déchets, avant de s’attaquer aux cours d’eau. Une véritable mine d’or : « Comme dans une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber ! », plaisante-t-il.
Gaspard Forest et sa récolte insolite. © Page Facebook du Projet Rivière
« Au début, je sortais seulement les objets que je trouvais dans les rivières et je les posais en bordure. Mais beaucoup de gens pensaient qu’il s’agissait d’un nettoyage effectué par des services publics », explique-t-il. Le jeune homme décide donc alors d’ajouter des panneaux d’information à ces tas d’ordures. « Je voulais que les gens se rendent compte de l’état de nos rivières et du manque d’entretien. »
Un portrait dans Le Postillon, puis plusieurs articles dans les médias locaux, dont un reportage de France 3, et le voici reconnu pour ses actions. Pris en exemple par les associations, contacté par les politiques, médiatisé à coup de clics et de partages. D’autant que Gaspard bénéficie depuis peu d’une page Facebook.
Lanceur d’alerte
Sa méthode s’inscrit-elle dans la stratégie agit-prop d’une ONG, d’un mouvement écologique ou tout simplement d’une association ? Que nenni ! Gaspard ne fait pas référence à Nicolas Hulot, Pierre Rabhi ou Yannick Jadot. C’est Jacques Attali, ancien conseiller de François Mitterrand et visiteur du soir de nombreux responsables politiques, qu’il désigne comme une source d’inspiration pour son engagement.
Un choix pleinement assumé et revendiqué : « Je lis son blog très régulièrement et j’aime sa façon de bousculer les pensées dogmatiques et les habitudes afin de construire une nouvelle société. »
Une proximité de pensée avec une volonté partagée de mettre en lumière les dysfonctionnements ? « Je veux agir sur les politiques, reconnaît le jeune homme. Je leur demande de prendre des décisions concernant le nettoyage des rivières. Et s’ils ne le font pas, je ferai en sorte que ça se sache », prévient-il.
La machine est en route et les obstacles ne semblent pas près d’avoir raison de sa ténacité, tant son action lui semble cruciale et légitime. Son initiative a déjà suscité des réactions, généré des prises de contacts, le député de l’Isère Olivier Véran lui a récemment rendu visite… Et si ce n’était qu’un début ?
Richard Collier