FOCUS – Le collectif « Touchez pas à nos bibliothèques ! » lance une pétition dans le cadre du dispositif mis en place par la Ville de Grenoble. Mais la validation de cette dernière se fait, curieusement, attendre… L’enjeu pour le collectif sera ensuite de recueillir les 2 000 signatures puis de gagner la votation citoyenne afin de maintenir ouvertes les trois bibliothèques de quartier : Hauquelin, Prémol, et Alliance.
Dans le cadre de son plan d’économies, la Ville de Grenoble a décidé de sacrifier trois bibliothèques de quartier : Hauquelin (secteur 2) et Prémol (secteur 6) dès cet été, ainsi qu’Alliance (secteur 4) en 2017.
Malgré les pétitions citoyennes, moult manifestions d’usagers, de syndicats et d’habitants destinées à perturber la tenue de conseils municipaux et à se faire entendre, l’exécutif reste droit dans ses bottes et ne transige pas.
Mais, de leur côté, les citoyens n’ont pas l’intention d’abdiquer… D’où la décision du collectif « Touchez pas à nos bibliothèques ! » de se saisir du dispositif d’interpellation et de votation de la Ville de Grenoble.
Le texte de la pétition ne semble pas convenir tout à fait… aux élus
Le collectif « Touchez pas à nos bibliothèques ! » réunissant usagers, bibliothécaires et citoyens a déposé sa pétition auprès de la mairie, le 9 novembre dernier. Les services se donnent un mois pour valider le texte [lire encadré ci-dessous].
Alors que celui-ci semble clair, sa validation ne paraît pas aller de soi… Au cours d’échanges avec le pétitionnaire, il a notamment été suggéré de scinder la pétition qui englobe les trois bibliothèques en trois pétitions distinctes.
Ruse de la Ville ou sincère souci de clarté ? Dans tous les cas, « c’est hors de question ! », s’offusque le collectif.
Et ce lundi, l’adjoint à la démocratie locale, Pascal Clouaire, a indiqué aux pétitionnaires que les élus de la majorité allaient également en discuter entre eux.
« Les élus jouent la montre ! »
Le texte de la pétition ne semble pas convenir tout à fait… Les tergiversations des élus ont le don d’agacer le syndicat CGT de la Ville, qui dénonce cette ambiguïté dans un communiqué de presse : « […] la municipalité refuse la pétition du collectif d’habitants qui se bat pour le maintien du service de lecture publique de proximité, elle ne lui convient pas, et pour cause ! La municipalité veut bien de la démocratie participative, mais pour les choses sérieuses, comme les pigeonniers contraceptifs ».
Pour cette bibliothécaire, c’est évident : « Les élus jouent la montre ! Moins on a de temps pour nous mobiliser, plus ils vont pouvoir avancer sur les projets de réaffectation des locaux. »
ll faut en effet rappeler que les bibliothèques Prémol et Hauquelin ont déjà fermé leurs portes. Ainsi, alors que la page semblait définitivement tournée pour la Ville, les citoyens sont bien déterminés à ne pas en rester là…
« Récemment, les services de la Ville nous ont concertés pour la réutilisation des locaux de la bibliothèque Prémol. Mais nous, on ne veut pas avancer sur ce terrain ! Ni nous engager dans des solutions irréversibles, puisque nous voulons faire aboutir la pétition ! », indique Cécilio Sanchez, vice-président de l’Union de quartier Village-olympique Vigny-Musset.
Rouvrir le débat en conseil municipal
Une pétition, encore une donc… « Il n’y a pas plusieurs solutions pour nous faire entendre », constate Julia, l’une des porte-paroles du collectif. « On va donc rentrer dans ce processus de pétition et de votation qui permettra d’ouvrir le débat en conseil municipal et de mobiliser les citoyens. L’objectif est d’abord de faire parler des bibliothèques. Car on voit déjà les impacts négatifs qu’engendre la fermeture des bibliothèques Hauquelin et Prémol. »
Une bibliothécaire abonde dans le même sens et développe : « Nous constatons une surcharge de lecteurs dans les autres bibliothèques, et donc un mauvais accueil du public […] »
Une maman du quartier interroge : « Imagine-t-on réaliste, en terme de temps, de faire déplacer les écoles à la bibliothèque Kateb Yacine de Grand’Place ? [où le fond jeunesse va-t-être constitué, ndlr]. C’est toute une expédition… Qui plus est avec les marches d’escaliers en prime qui ne sont pas pratiques pour les tout petits. »
N’y a‑t-il pas la solution du bibliobus qui peut venir devant les écoles, faute désormais de bibliothèque dans le quartier ? « Ça n’a strictement rien à voir ! Un bibliobus, c’est huit enfants à la fois qui peuvent monter dedans. Et puis c’est très compliqué à gérer pour les enseignants. Et ce n’est simplement pas envisageable à l’école Sidi Brahim », affirme Carole, qui semble bien informée .
Bref, les plans B envisagés par la Ville sont loin de contenter les divers usagers des bibliothèques. « Je pense qu’Eric Piolle, de par son capital socio-culturel, n’appréhende pas ce qu’est la réalité des gens dans les quartiers et les difficultés qu’ont certains à se déplacer pour aller dans une bibliothèque, considère un bibliothécaire dans la trentaine. Ce réseau de proximité, ces services publics qu’on détricote, c’est pourtant ce qui fait société ! »
Le maintien des bibliothèques vaut-il 20 000 voix majoritaires ?
Réunir 2 000 signatures pour le « maintien des bibliothèques » ne devrait pas être trop compliqué. En revanche, ce sera une autre affaire que de rassembler 20 000 voix majoritaires pour remporter la votation citoyenne. « On sait très bien que c’est impossible, déclare Julia. Nous espérons que la Ville tirera les enseignements de la première votation d’octobre dernier et révisera le seuil… » Sur ce point notamment, le comité d’évaluation du dispositif d’interpellation et de votation citoyenne rendra prochainement son avis.
Séverine Cattiaux
Le texte de la pétition en cours de validation par les services de la Ville
« Titre : OUI au maintien des bibliothèques PRÉMOL, HAUQUELIN, ALLIANCE
Texte : Les 14 bibliothèques du réseau grenoblois ont été pensées géographiquement pour desservir tous les habitants, dans la proximité. Elles ont toutes leur rôle à jouer. A la croisée du culturel, du social et de l’éducation, elles servent l’ensemble des citoyens. Les bibliothèques sont des lieux d’accueil ouverts à tous, gratuits, qui contribuent à lutter contre l’isolement et la fragmentation sociale. La municipalité grenobloise doit poursuivre une politique forte de lecture publique de proximité, notamment au travers de ses animations.
Nous demandons la réouverture des bibliothèques PRÉMOL et HAUQUELIN, le maintien de la bibliothèque de l’ALLIANCE et celui des professionnels permettant leur fonctionnement. »