ENTRETIEN – C’est une première dans la vie démocratique française : Grenoble lance un “droit d’interpellation” facile d’accès, pour quiconque veut faire bouger sa ville. Une mesure inédite qui mise sur l’intelligence collective… Quels peuvent en être les bénéfices, les risques et aussi les coûts pour Grenoble ? En marge des Assises citoyennes (acte 2), nous sommes allés à la rencontre de Pascal Clouaire, adjoint à la démocratie locale.
Il est le plus grand des élus de l’équipe municipale grenobloise, par la taille. Pascal Clouaire se tient en revanche, avec ses 49 ans, dans la moyenne d’âge de la majorité arrivée aux manettes en avril 2014. Il n’est issu d’aucun parti politique - caractéristique qu’il partage avec quelques autres nouveaux élus de Grenoble.
Avant de rejoindre la liste de l’écologiste Eric Piolle, Pascal Clouaire milite dans le « Réseau citoyen de Grenoble » qui envisage, un temps, de se présenter aux élections municipales. Ce directeur informatique dans la vie civile est également passé par Go citoyenneté, mouvement politique local de gauche « construit avec les citoyens grenoblois engagés ». A l’époque où il n’est encore qu’un simple militant associatif, l’adjoint d’Eric Piolle « participe à la création d’une association dans son quartier pour défendre les intérêts des habitants », apprend-on dans une courte bio officielle. Bref, Pascal Clouaire semble bien « avoir la fibre démocratie participative ».
Aujourd’hui élu, il déclare lui-même situer son action dans le prolongement de celle d’Hubert Dubedout, maire de Grenoble de 1965 à 1983 qui a fondé dans les années 60 « les groupes d’actions municipaux ». A quasi mi-mandat, Pascal Clouaire n’a pas perdu de temps : création des conseils citoyens indépendants, lancement du budget participatif.
Il lui restait à faire aboutir, le troisième pilier - et non le moindre - de cette démocratie participative réinventée promise par l'équipe d'Eric Piolle : le droit d’interpellation (engagement 6 du programme). « Déjà vu ! », commenteront les esprits blasés. En fait, non : c'est bien une nouveauté en France. A la différence du “classique” droit d’interpellation qui débouche, au mieux, sur un débat en conseil municipal - celui de Grenoble « lie » la pétition à un système de votation. D’où son nom : « dispositif d’interpellation et de votation d’initiatives ». Contacté par nos soins pour authentifier le caractère “inédit” de l'objet, Loïc Blondiaux, professeur de sciences politiques et expert de la démocratie participative (récemment venu à Grenoble), est affirmatif et commente à chaud : « Je trouve que c'est assez fort. Cela peut modifier réellement les équilibres politiques. »
Vous travaillez depuis plusieurs mois à la mise en place d'un “droit à l'interpellation”. Avez-vous levé tous les obstacles ?
Oui, nous avons travaillé pendant de longs mois avec des universitaires grenoblois, des spécialistes en Droit public, en Sciences politiques.
Ils nous ont accompagnés, tout au long de la mise en place de ce dispositif, de manière très opérationnelle, pour à chaque fois essayer de lever au maximum les impossibilités ou les complications juridiques, éviter tous les recours qui pourraient apparaître, nous inscrire complètement dans la loi !
Il faut aussi rappeler qu’une collectivité en France n’a pas le droit de décider de la façon dont décident les citoyens ! C’est une prérogative de l’État. Partant de là, nous avons mis en place un système d’interpellation citoyenne, qui soit le plus souple possible, le plus ouvert possible…
Comment fonctionnera ce droit à l'interpellation dans les grandes lignes ?
Il y a deux chiffres à retenir : 2 000 et 20 000. Le principe est le suivant : tout Grenoblois de plus de 16 ans peut faire une pétition. Le pétitionnaire dépose sa pétition.
Tout type de pétition peut être lancé, à trois conditions. Il faut que l’objet de la pétition soit bien dans les compétences de la commune, qu'il soit bien légal et qu'il ne présente pas d’élément discriminant ou diffamatoire. Ce sont des réserves républicaines et aucunement politiques.
Si cette pétition recueille 2.000 signatures de Grenoblois, elle est débattue en conseil municipal. Et ensuite il n’y a que deux choix possibles. C’est cela qu'il est important à comprendre, et c’est cela qui est puissant ! Soit le conseil municipal la prend pour lui et dit « Bon, écoutez : c’est une bonne idée, on accepte ! », et dans ce cas-là, le conseil municipal a trois mois pour préparer une délibération qui valide et qui fait passer la pétition. Soit le conseil municipal ne veut pas se prononcer et fait passer la pétition à la votation !
Si l'objet de la votation recueille 20.000 « oui » minimum, alors nous serons obligés de l’appliquer, même si nous ne sommes pas d’accord. Aucune pétition ne peut passer aux oubliettes. Cela permet de dire aux Grenoblois : « Tout cela, c’est pour de vrai : vous avez du pouvoir ! » On renforce vraiment le pouvoir d’agir.
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