CHRONIQUE – Place Gre’net s’associe à la radio RCF Isère chaque lundi midi dans la chronique L’Écho des médias. Notre objectif ? Revenir sur une actualité, décrypter une information… ou révéler les coulisses du traitement d’une nouvelle. Pour cette chronique sur RCF épisode 103 du lundi 13 janvier 2025, retour sur les dix ans des attentats de Charlie-Hebdo.
« Aujourd’hui nous allons parler de Charlie-Hebdo. Hier soir avait lieu le premier tour de la législative partielle, mais nous avons voulu prendre le temps d’évoquer les dix ans des attaques, des attentats, du massacre de Charlie-Hebdo, survenus le 7 janvier 2015. Peut-être vous rappelez-vous où vous étiez ou ce que vous faisiez ce jour-là, et peut-être que ce souvenir s’accompagne d’un sentiment de colère, de tristesse et de sidération.
Grenoble entre émotion et division
Il y a dix ans, Grenoble manifestait son émotion… et déjà ses divisions. Les Grenoblois n’avaient pas fait exception dans le concert national d’hommages qui s’était organisé dès l’annonce de la tuerie. Le soir même, un rassemblement s’était improvisé rue Félix-Poulat, au cours duquel le maire de Grenoble fraîchement élu Éric Piolle avait prononcé un discours.
Mais déjà, au sein même du rassemblement, des sensibilités diverses étaient apparues. Ainsi, alors que certains avaient pris l’initiative d’entonner une Marseillaise, d’autres personnes présentes avaient fermement refusé d’y participer.
Quelques jours plus tard, le dimanche 11 janvier 2015, Grenoble se mobilisait de nouveau avec une marche qui allait rassembler plus de 100 000 personnes. Un cortège extrêmement impressionnant qui avait même dû se scinder en deux pour des raisons pratiques.
Mais, dans le même temps, apparaissaient sur les murs de la ville des affiches détournant le graphisme du slogan « Je suis Charlie » en le remplaçant par « Je ne suis pas islamophobe », laissant entendre que le journal satirique attiserait la haine contre les Musulmans. Au même moment, une future militante de l’Alliance citoyenne, qui allait porter le combat pour le burkini, estimait sur les réseaux sociaux que « Charlie avait tiré le premier ».
Dix ans après, où en sommes-nous ? L’hommage organisé par la Ville de Grenoble jeudi 9 janvier n’a pas attiré grand monde. Il est vrai que nous étions en pleine semaine sous une pluie battante. Et puis, peut-être, ces cérémonies donnent-elles de moins en moins l’impression d’avoir du sens quand l’horreur du terrorisme ne cesse de frapper.
Dans son discours, Éric Piolle a pourfendu l’obscurantisme, cité les noms des victimes de l’attentat de Charlie, à commencer par ses dessinateurs, mais n’a pas prononcé le nom du journal. On ne sait pas si c’est un hasard de plume ou si le titre même de Charlie-Hebdo est devenu trop sulfureux pour l’élu qui a pris soin, durant sa prise de parole, de condamner également le « racisme ciblant les musulmans ». De même que l’antisémitisme, d’ailleurs.
Charlie-Hebdo dérange toujours
Charlie dérange toujours ? Sans doute. Le restaurateur grenoblois Pierre Pavy peut en témoigner : lui qui avait affiché des unes du journal sur la devanture de son restaurant Ici Grenoble a eu la mauvaise surprise de découvrir qu’elles avaient été vandalisées dans la nuit du 9 au 10 janvier.
Ce n’est pas la première fois que Pierre Pavy fait l’objet de pressions de ce type : en 2011 déjà, le restaurant Le 5 qu’il possédait alors avait été victime de cocktails Molotov, là encore, en raison des couvertures de Charlie-Hebdo que l’on pouvait y voir.
Que Charlie puisse déranger est légitime, tant que les opinions des uns et des autres ne s’expriment pas dans la violence. L’injonction à être Charlie n’avait d’ailleurs finalement aucun sens. Elle va à l’encontre même de l’esprit libertaire qu’a toujours porté le journal. Reste juste un principe de base, qu’aucune censure ne pourra jamais éradiquer : toute chose sacrée s’expose au sacrilège. »
Retrouvez la chronique RCF 103 dans sa version radiophonique en cliquant sur le lecteur ci-dessous.
Chaque lundi midi, retrouvez la chronique L’Écho des médias sur RCF Isère (103.7 FM à Grenoble) en partenariat avec Place Gre’net. (Cliquer sur l’image pour accéder à toutes les chroniques.)