FOCUS – Six candidats s’affrontent dans la deuxième circonscription de l’Isère, à quelques jours du premier tour des élections législatives anticipées, dimanche 30 juin 2024. Candidate à sa réélection, la députée sortante Cyrielle Chatelain (Nouveau Front populaire) est soutenue par un large appel de maires de gauche du territoire. Face à elle, le RN espère surfer sur ses très bons scores locaux aux européennes, tandis que Renaissance prétend incarner une alternative. Enfin, aux deux extrémités de l’échiquier politique, LO et Reconquête joueront les arbitres, tout comme la candidate investie par la fédération LR 38.
Ils sont six sur la ligne de départ, dans la deuxième circonscription de l’Isère1qui regroupe les cantons d’Échirolles Est, Échirolles Ouest, Eybens, Saint-Martin-d’Hères Nord, Saint-Martin-d’Hères Sud et Vizille (à l’exception de Chamrousse). Avec des ambitions différentes et un enjeu principal : la députée sortante Cyrielle Chatelain (EELV / NFP) parviendra-t-elle à maintenir le territoire à gauche ? Et donc à enrayer la dynamique du RN, arrivé en tête localement aux européennes ? Quid également du camp présidentiel, déchu de son siège en 2022 ?
Lors des dernières législatives, la candidate écologiste – alors sous l’étiquette Nupes – était arrivée en tête au premier tour, avant de s’imposer avec 52,13 % des voix au second tour, le 19 juin 2022, face au député LREM sortant Jean-Charles Colas-Roy. Sa victoire avait permis à la gauche de récupérer, après cinq ans de parenthèse macroniste, l’un de ses bastions historiques, une circonscription qu’elle avait dirigée sans interruption pendant 44 ans (de 1973 à 2017).
Cyrielle Chatelain a acquis une certaine stature à l’Assemblée
Transformant l’essai pour sa première candidature, Cyrielle Chatelain entamait alors, à 34 ans, son premier mandat politique au Palais Bourbon. Deux ans plus tard, l’ex-novice a acquis de l’expérience et une certaine stature. Elle est ainsi devenue présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale – d’abord désignée coprésidente avec Julien Bayou, qui s’était mis en retrait de sa fonction en septembre 20222après la plainte pour “violences psychologiques”, “harcèlement moral” et “abus de faiblesse” de son ex-compagne.
En prenant la tête de son groupe parlementaire, Cyrielle Chatelain, par ailleurs membre de la commission des lois, s’est davantage retrouvée sous les projecteurs médiatiques. Une exposition qu’elle attribue aussi à son bilan. Le site nosdeputes.fr la classe d’ailleurs comme l’une des députées les plus actives en termes de semaines d’activités, d’interventions longues en hémicycle, de propositions de loi écrites ou de questions orales posées.
Une candidature qui rassemble la gauche dans la circonscription
« Pendant deux ans, j’ai été présente à l’Assemblée, c’est quelque chose que j’ai adoré », indique la députée sortante, qui entend bien prolonger son bail. Pour réussir son pari, Cyrielle Chatelain, candidate sous la bannière du Nouveau Front populaire, pourra compter sur le soutien des maires de gauche de la circonscription, qui ont lancé un appel en sa faveur mardi 18 juin, à l’initiative de la maire communiste d’Échirolles Amandine Demore.
« Cela montre la pluralité du rassemblement de la gauche et des écologistes », se félicite-t-elle. « Les maires sont la porte d’entrée de la République. Ils ont conscience qu’ils devront faire demain des choses anti-républicaines si le RN arrive au pouvoir », ajoute la trentenaire, qui mise également sur l’ancrage à gauche d’une partie du territoire.
Les deux communes les plus peuplées de la circonscription – et du département, derrière Grenoble -, Saint-Martin-d’Hères et Échirolles, sont en effet les dernières représentantes de la ceinture rouge grenobloise, détenues par le PCF depuis la Libération. Deux villes où, en outre, LFI (dont est membre Alban Rosa, suppléant de Cyrielle Chatelain) a mieux résisté qu’ailleurs aux européennes, arrivant à la deuxième place.
Le RN en tête dans 20 communes sur 24 aux européennes
Mais c’est là aussi, précisément, que le bât blesse. Car, si toutes deux ont fini dans un mouchoir de poche, séparées de moins d’un point à Saint-Martin-d’Hères comme à Échirolles, c’est néanmoins la liste de Jordan Bardella qui a devancé celle de Manon Aubry. Plus globalement, ce sont 20 des 24 communes de la deuxième circonscription de l’Isère qui ont placé le RN en tête lors de ce scrutin européen.
Édouard Robert, candidat du Rassemblement national (et de « l’alliance des droites » avec les LR d’Éric Ciotti), espère ainsi surfer sur ces très bons résultats locaux. Le parti lepéniste a, par exemple, dépassé les 35 % à Vizille et frôlé les 45 % à Champ-sur-Drac, réalisant aussi de gros scores dans la quasi-totalité des communes rurales.
Édouard Robert veut transformer l’essai aux législatives
Même à Eybens, ville traditionnellement de gauche – où réside Cyrielle Chatelain -, Jordan Bardella a décroché la première place avec près de 26 % des suffrages, quasiment six points devant Raphaël Glucksmann (Place publique). Édouard Robert pourra-t-il convertir cette suprématie dans une élection où les enjeux locaux ont plus de poids qu’aux européennes ?
C’est certainement la grande inconnue de ces législatives anticipées. Candidat aux départementales 2021 sur le canton de Vienne 2 et suppléant de Benoît Auguste dans la huitième circonscription de l’Isère en 2022, l’entrepreneur domicilié dans le Nord-Isère est moins connu dans le sud du département. Mais ce n’est pas forcément un handicap auprès de l’électorat RN et Édouard Robert juge la circonscription « gagnable », comme il l’a déclaré à plusieurs reprises.
Quatre candidats pour troubler le duel entre Nouveau Front populaire et RN
Qui pourra venir troubler le duel annoncé entre le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national ? Outre les deux favoris, quatre autres candidats se présentent devant les électeurs : Louve Carrière (Renaissance), Raphaele De Carvalho (Les Républicains, soutenue par la fédération iséroise), Bruno Lafeuille (Reconquête) et Chantal Gomez (Lutte ouvrière).
À l’exception de cette dernière, repartie en campagne une énième fois pour le parti trotskiste, ce ne sont ni des poids lourds de leur mouvement ni des personnalités très connues des électeurs… Ce qui vaut de même pour Édouard Robert, et était également le cas de Cyrielle Chatelain il y a deux ans, sans l’empêcher pour autant d’emporter la mise.
Louve Carrière, l’outsider de la majorité présidentielle
Au sein de ce quatuor, la principale outsider semble être logiquement Louve Carrière. Mais la candidate Renaissance part toutefois dans un certain brouillard. En 2017, Jean-Charles Colas-Roy avait profité de la division de la gauche et de la dynamique portant le camp macroniste. Cinq ans de gouvernement sont passés par là et aujourd’hui, la majorité présidentielle a beaucoup moins le vent en poupe.
À seulement 25 ans, Louve Carrière a cependant déjà l’expérience d’une campagne électorale. C’était lors des départementales 2021, qui avaient vu l’étudiante, en binôme avec Alain Cœur, échouer au second tour dans le canton de Grenoble 1, face à la gauche du Printemps isérois. Cette fois, la native d’Échirolles suit la ligne nationale de Renaissance sur le “ni-ni” (ni NFP ni RN) et se présente comme une « alternative aux extrêmes ».
Raphaele De Carvalho veut incarner la ligne « républicaine » de LR
Même stratégie et discours similaire de la part de Raphaele De Carvalho, qui entend incarner la ligne « républicaine » de LR. Celle des candidats investis et soutenus par la fédération départementale du parti, et donc hostiles à l’alliance des Républicains partisans d’Éric Ciotti avec le Rassemblement national. Un positionnement que l’ancienne élue à Bresson assume et revendique mais qui ne sera peut-être pas suffisant pour se démarquer.
De fait, l’espace politique entre Renaissance et l’extrême droite s’est progressivement rétréci à l’échelon national, d’où la difficulté pour LR de fidéliser son électorat. Et la guéguerre interne entre Éric Ciotti et les autres ténors du parti quant au rapprochement avec le RN n’aide pas à dissiper la confusion.
Pour compliquer le tableau, Louve Carrière et Raphaele De Carvalho doivent bousculer les pronostics dans une circonscription où les résultats de leurs camps respectifs aux européennes ont souvent été en-deçà de la moyenne nationale. Dans de nombreuses communes, la liste de Valérie Hayer a ainsi oscillé autour des 10 %, tandis que celle de François-Xavier Bellamy a peiné à atteindre les 5 %.
Chantal Gomez, six législatives consécutives avec LO
Aux deux extrémités de l’échiquier politique, Chantal Gomez et Bruno Lafeuille tenteront chacun de tirer leur épingle du jeu, avec des ambitions et programmes naturellement diamétralement opposés. La première nommée est candidate pour ses sixièmes législatives consécutives depuis 2002, sous les couleurs de Lutte ouvrière, dans la circonscription. Rodée aux campagnes électorales, elle était aussi tête de liste LO aux régionales 2021.
Comme tous les militants présentés par le parti d’extrême gauche, Chantal Gomez ne se fixe pas d’objectif chiffré pour ce scrutin, qui vise d’abord à défendre « le camp des travailleurs ». La syndicaliste CGT, retraitée de la fonction publique « s’adresse à tous ceux qui sont révoltés et écœurés par cette situation, avec des capitalistes qui font la pluie et le beau temps pendant que, de l’autre côté, il y a des familles qui se privent et de plus en plus de misère ».
Parmi ces candidats majoritairement marqués à droite, Chantal Gomez est la seule, avec Cyrielle Chatelain, à être étiquetée de gauche. Pourtant, contrairement au NPA qui soutient le Nouveau Front populaire, LO ne fait aucune confiance à cette alliance. « Tous ceux qui nous disent “votez pour moi, je vais changer les choses”, ils ne changeront rien, ils nous mentent », assène la candidate.
Bruno Lafeuille, l’un des cinq candidats isérois de Reconquête
À l’autre bout du spectre, Bruno Lafeuille fait, lui, partie des cinq candidats investis par Reconquête en Isère. Si le parti d’Éric Zemmour a choisi de se retirer dans cinq circonscriptions, il concurrencera donc, dans la deuxième, l’union des droites représentée par Édouard Robert. Et ce, sous le mot d’ordre annoncé par son président : « Pour la défense de notre idées et contre l’islamo-gauchisme ».
Bruno Lafeuille est toutefois loin d’être un nouveau venu sur la scène politique locale puisqu’il s’est déjà présenté à trois reprises en législatives en Isère, en 2012, 2017 et 2022, dont la seconde fois déjà dans la deuxième circonscription. Des candidatures qui étaient cependant estampillées Debout la France, avant que l’ingénieur retraité ne quitte le parti de Nicolas Dupont-Aignan pour Reconquête.
Alors que cette campagne express touche déjà à sa fin, les six candidats n’ont plus qu’une poignée de jours pour convaincre les électeurs. La circonscription restera-t-elle à gauche ou tombera-t-elle dans l’escarcelle du RN ? Une troisième force peut-elle créer la surprise ? Premiers éléments de réponse dimanche 30 juin, au soir du premier tour…
Une réflexion sur « Deuxième circonscription de l’Isère : Cyrielle Chatelain veut maintenir la gauche aux commandes face à un RN ambitieux »
Pierre Arditi : « Cette fois, je ne peux pas ». Comme la majorité des électeurs de Glucksmann, il se refuse à soutenir la Nupes, morte puis renommée « Nouveau Front Populaire », parce qu’elle est dissolution de la gauche dans LFI.
https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-question-n-est-pas-macron-ou-non-par-pierre-arditi-comedien-1000583.html