Tribune libre | Jérémie Giono (PCF 38) : « Proche-Orient : agir, com­prendre et avan­cer, pour une paix juste et durable »

Tribune libre | Jérémie Giono (PCF 38) : « Proche-Orient : agir, com­prendre et avan­cer, pour une paix juste et durable »

TRIBUNE – Début février 2024, le bilan des bom­bar­de­ments israé­liens sur Gaza, déclen­chés le 7 octobre 2023 en réac­tion à l’at­taque ter­ro­riste du Hamas, dépasse les 26 000 morts. Alors que le Proche-Orient semble de nou­veau engagé dans la spi­rale d’une guerre sans fin, Jérémie Giono, secré­taire dépar­te­men­tal du PCF Isère, qui a, comme des mil­liers de Grenoblois, défilé à plu­sieurs reprises en sou­tien au peuple pales­ti­nien, appelle, dans une tri­bune pour Place Gre’net, à sur­mon­ter les obs­tacles menant à « une paix juste et durable ».

Le 7 octobre 2023 res­tera une date clé du XXIe siècle. En com­met­tant un mas­sacre de civils sur le sol même d’Israël, les ter­ro­ristes du Hamas ont ouvert une nou­velle page de l’horreur au Proche-Orient. L’extrême droite israé­lienne a saisi l’occasion pour enga­ger une offen­sive sans pré­cé­dent contre l’enclave de Gaza, alliant bom­bar­de­ments mas­sifs, blo­cus huma­ni­taire et com­bats terrestres.

Jérémie Giono, secré­taire dépar­te­men­tal du PCF Isère, expose dans une tri­bune les dif­fé­rents obs­tacles à sur­mon­ter, selon lui, pour abou­tir à une paix durable entre Israéliens et Palestiniens. © Florent Mathieu – Place Gre’net

Dans le ter­ri­toire le plus den­sé­ment peu­plé de la pla­nète, une telle offen­sive ne peut que se sol­der par un car­nage parmi la popu­la­tion, et les plus de 25 000 morts à l’heure où ces lignes sont écrites pour­raient bien n’être qu’un avant-goût si le blo­cus huma­ni­taire persiste.

« L’urgence est à obte­nir un cessez-le-feu »

L’urgence est donc à obte­nir un ces­sez-le-feu et l’ouverture sécu­ri­sée du poste fron­tière de Rafah, où des mil­liers de camions d’aide huma­ni­taire s’entassent aujourd’hui dans l’impuissance. Les états occi­den­taux, alliés tra­di­tion­nels d’Israël, ont une res­pon­sa­bi­lité de pre­mier plan pour impo­ser un ces­sez-le-feu. L’Histoire jugera sévè­re­ment ceux qui ont pré­féré détour­ner le regard.

Et au-delà de l’urgence, com­prendre est indis­pen­sable. Comprendre n’est pas excu­ser. Bien au contraire, com­prendre c’est mettre en pleine lumière les res­pon­sa­bi­li­tés, toutes les res­pon­sa­bi­li­tés. Comprendre, c’est poser les bonnes questions.

« L’extrême droite israé­lienne a des comptes à rendre à son peuple »

Comment se fait-il, alors qu’il était visi­ble­ment informé par ses ser­vices de ren­sei­gne­ment avant le 7 octobre, que le gou­ver­ne­ment d’extrême droite israé­lien n’ait pris aucune mesure pour évi­ter le drame ?

Comment se fait-il, alors qu’Israël pré­tend aujourd’hui incar­ner le fer de lance de « la civi­li­sa­tion contre le ter­ro­risme » du Hamas, que droite et extrême droite israé­liennes aient été des sou­tiens actifs et assu­més de ce même Hamas pen­dant des années, per­met­tant à l’organisation de s’implanter à Gaza et de s’y main­te­nir pour affai­blir l’Organisation de libé­ra­tion de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat ?

Jérémie Giono (PCF 38) : une tribune pour la paix au Proche-Orient

Des asso­cia­tions, syn­di­cats et par­tis de gauche (dont le PCF) ont orga­nisé des mani­fes­ta­tions en sou­tien au peuple pales­ti­nien, à Grenoble, plu­sieurs same­dis, fin 2023 et début 2024. © Manuel Pavard – Place Gre’net

Comment se fait-il que les diri­geants du Hamas puissent béné­fi­cier en toute impu­nité de l’asile et du sou­tien finan­cier mas­sif du Qatar, pétro-monar­chie réac­tion­naire pour­tant dési­gnée par les Etats-Unis comme « allié majeur » dans la région ?

Oui, com­prendre est essen­tiel, et loin d’excuser, c’est ce qui per­met au contraire de poin­ter l’ensemble des res­pon­sa­bi­li­tés. En la matière, l’extrême droite israé­lienne a des comptes à rendre à son peuple, des comptes en lettres de sang.

« Comment ima­gi­ner que le pour­ris­se­ment extrême de la situa­tion gazaouie ne soit pas le ter­reau idéal de mou­ve­ments ter­ro­ristes ? »

Comprendre, c’est aussi reve­nir sur le contexte du drame. Dans ce domaine, com­ment ima­gi­ner que le pour­ris­se­ment extrême de la situa­tion gazaouie ne soit pas le ter­reau idéal de mou­ve­ments terroristes ?

Pour rap­pel, la bande de Gaza compte plus de deux mil­lions d’habitants main­te­nus dans une pau­vreté extrême, sous blo­cus depuis plus de 15 ans. Les espoirs sou­le­vés par les accords d’Oslo ont été enter­rés par trois décen­nies de pour­suite de la colo­ni­sa­tion en Cisjordanie, mal­gré les condam­na­tions régu­lières de l’Onu.

En Cisjordanie, la colo­ni­sa­tion est uti­li­sée par les diri­geants israé­liens comme « sou­pape sociale » dans un pays où les inéga­li­tés explosent – en inci­tant finan­ciè­re­ment les Israéliens pauvres à s’installer dans les colo­nies -, mais c’est aussi un mode d’exploitation éco­no­mique : entre 2000 et 2020, les colo­nies ont rap­porté au PIB israé­lien l’équivalent de 2,7 fois le PIB pales­ti­nien sur la même période.

« Une situa­tion que de nom­breuses ONG qua­li­fient d’apartheid »

La poli­tique des gou­ver­ne­ments de droite et d’extrême droite israé­liens a tout fait pour blo­quer la pers­pec­tive d’un déve­lop­pe­ment éco­no­mique et humain auto­nome de la Palestine, main­te­nant le peuple pales­ti­nien dans une situa­tion de dépen­dance subal­terne, dans un rôle de sous-pro­lé­ta­riat au ser­vice de l’économie israé­lienne. Une situa­tion que de nom­breuses ONG qua­li­fient désor­mais d’apartheid.

Jérémie Giono (PCF 38) : une tribune pour la paix au Proche-Orient

Pour Jérémie Giono, l’ur­gence est de par­ve­nir à un ces­sez-le-feu et à l’ar­rêt des bom­bar­de­ments sur Gaza, où le bilan humain ne cesse de s’a­lour­dir. © Manuel Pavard – Place Gre’net

La répres­sion menée contre les civils pales­ti­niens ne peut qu’engendrer le déve­lop­pe­ment du ter­ro­risme. L’armée fran­çaise a mené des études non-offi­cielles en la matière, et il en res­sort que dans ce type de contexte, chaque civil inno­cent tué par des forces d’occupation per­met en moyenne aux groupes armés locaux de recru­ter sept nou­veaux com­bat­tants.

À mettre en pers­pec­tive avec les mil­liers de morts civils qui s’accumulent depuis plu­sieurs mois – au point qu’à l’initiative de l’Afrique du Sud, la Cour inter­na­tio­nale de jus­tice parle aujourd’hui de « risque sérieux de géno­cide » -, et tous ceux vic­times des opé­ra­tions précédentes.

« Les Etats-Unis portent une res­pon­sa­bi­lité écrasante »

Les Etats-Unis portent une res­pon­sa­bi­lité écra­sante dans ce pour­ris­se­ment, eux qui se posaient en garants du pro­ces­sus de paix mais n’ont en réa­lité eu de cesse de blo­quer toute média­tion de l’Onu, encou­ra­geant ainsi indi­rec­te­ment les « ultras » de l’extrême droite israé­lienne au détri­ment du camp de la paix.

Eux qui four­nissent les armes ser­vant aujourd’hui à com­mettre le mas­sacre de Gaza. Eux qui sont à l’initiative d’un mou­ve­ment de boy­cott des finan­ce­ments occi­den­taux à l’UNRWA, l’organisme de l’Onu venant en aide aux réfu­giés pales­ti­niens, ampli­fiant encore la catas­trophe huma­ni­taire en cours.

Alors oui, com­prendre, c’est mesu­rer à quel point le ter­ro­risme est une mau­vaise herbe qui pousse sur le ter­reau putride de l’impérialisme.

« Un homme sym­bo­lise cette pers­pec­tive : Marwan Barghouti. (…) Ni ter­ro­riste, ni cor­rompu, il est dési­gné par beau­coup comme le “Nelson Mandela pales­ti­nien”. »

Comprendre, enfin, c’est cher­cher des pers­pec­tives qui mettent fin à l’escalade meur­trière. Le che­min était pointé en 1993 : deux États, le res­pect des fron­tières recon­nues inter­na­tio­na­le­ment. C’est ce che­min qu’il faut urgem­ment reprendre, en contrai­gnant le camp de la guerre en Israël et en Palestine à lais­ser la main à ceux qui sont prêts à la paix.

Un homme sym­bo­lise cette pers­pec­tive : Marwan Barghouti. Dirigeant his­to­rique du Fatah aux côtés de Yasser Arafat, empri­sonné injus­te­ment depuis 21 ans par l’État israé­lien, il incarne la voie de l’indépendance. Ni ter­ro­riste, ni cor­rompu, il est dési­gné par beau­coup comme le « Nelson Mandela pales­ti­nien ».

Jérémie Giono (PCF 38) : une tribune pour la paix au Proche-Orient

Surnommé « le Mandela pales­ti­nien », Marwan Barghouti, lea­der du Fatah détenu depuis 2002 en Israël, incarne un recours poten­tiel pour Jérémie Giono, comme pour de nom­breux autres mili­tants. © Jérémie Giono

Alors oui, si la France veut réel­le­ment faire abou­tir une solu­tion à deux États, elle doit agir. Elle doit exi­ger la libé­ra­tion de Marwan Barghouti et l’ouverture de négo­cia­tions sous l’égide de l’Onu.

« Le che­min de la paix au Proche-Orient passe par de vraies négo­cia­tions internationales »

Le che­min de la paix passe par de vraies négo­cia­tions inter­na­tio­nales. Ces négo­cia­tions des­ti­nées à abou­tir à la créa­tion d’un État pales­ti­nien viable ne pour­ront pas se limi­ter aux seuls péri­mètres d’Israël et de la Cisjordanie, mais devront inclure l’ensemble des zones où résident des popu­la­tions pales­ti­niennes, et au pre­mier chef la Jordanie, qui compte une popu­la­tion à 75 % com­po­sée de Palestiniennes et Palestiniens.

La ques­tion des plus de 700 000 colons israé­liens en Cisjordanie est éga­le­ment un sujet impor­tant, le retour au res­pect du droit inter­na­tio­nal étant une condi­tion majeure pour une paix durable.

« Jérusalem devien­drait un sym­bole de paix et de multilatéralisme »

En paral­lèle, le nœud de ten­sion que repré­sente la ques­tion du sta­tut de Jérusalem doit faire l’objet de posi­tions volon­ta­ristes. En 1947, il était prévu que la ville sainte des trois reli­gions « du Livre » soit pla­cée sous admi­nis­tra­tion inter­na­tio­nale. Aujourd’hui, cette solu­tion pour­rait être remise sur la table pour répondre aux défis posés et garan­tir l’égalité de ses rési­dents comme la sécu­rité de tous.

Jérusalem, ville sainte pour le judaïsme comme l’is­lam et actuelle « pomme de dis­corde » entre Israéliens et Palestiniens, doit deve­nir un « sym­bole de paix et de mul­ti­la­té­ra­lisme », prône Jérémie Giono. DR

La France, qui est offi­ciel­le­ment pré­sente à Jérusalem et assure la sécu­rité de plu­sieurs lieux his­to­riques majeurs, peut avoir un rôle pivot dans la construc­tion de ce sta­tut inter­na­tio­nal. Jérusalem, de pomme de la dis­corde, devien­drait alors un sym­bole de paix et de multilatéralisme.

« Ce qui se joue au Proche-Orient déter­mi­nera l’image du monde »

Le che­min ne sera pas simple, il serait irréa­liste de pen­ser le contraire. Mais nous n’avons pas le droit de regar­der ailleurs, nous n’avons pas le droit de faire preuve de l’indifférence de la dis­tance, car ce qui se joue au Proche-Orient déter­mi­nera l’image du monde du XXIe siècle : s’agira-t-il d’un monde régi par la loi du plus fort, par la loi de la vio­lence et de toutes les bar­ba­ries ? Ou au contraire, d’un monde où l’humanité est capable d’agir en com­mun pour régler ses conflits, d’un monde où la rai­son l’emporte.

Ce qui se joue en ce moment, c’est bien une lutte entre lumières et obs­cu­ran­tisme. Mais les lignes de front ne sont pas celles des pro­pa­gandes de guerre, toutes par­ti­sanes d’un « choc des civi­li­sa­tions » por­teur d’un nou­vel âge sombre. Face à ces pro­pa­gandes, soyons à la hau­teur des Lumières, fai­sons triom­pher le che­min de la paix !

Rappel : Les tri­bunes publiées sur Place Gre’net ont pour voca­tion de nour­rir le débat et de contri­buer à un échange construc­tif entre citoyens d’opinions diverses. Les pro­pos tenus dans ce cadre ne reflètent en aucune mesure les opi­nions des jour­na­listes ou de la rédac­tion et n’engagent que leur auteur. 

Vous sou­hai­tez nous sou­mettre une tri­bune ? Merci de prendre au préa­lable connais­sance de la charte les régis­sant.

Place Gre'net

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2 réflexions sur « Tribune libre | Jérémie Giono (PCF 38) : « Proche-Orient : agir, com­prendre et avan­cer, pour une paix juste et durable » »

  1. D’accord bien sûr avec l’ap­pel à des « négo­cia­tions des­ti­nées à abou­tir à la créa­tion d’un État pales­ti­nien viable ».
    Mais il y a un gros manque, aussi visible que le pif au milieu de la figure : celui de l’ap­pel à un État israé­lien viable où les citoyens vivraient en paix et en sécu­rité, sans les atten­tats ter­ro­ristes, sans les roquettes meur­trières balan­cées sur les popu­la­tions civiles à par­tir de Gaza.

    sep article
    • Bonjour
      Les condi­tions pour garan­tir la sécu­rité de l’Etat d’Israël sont jus­te­ment l’a­bou­tis­se­ment de négo­cia­tions de Paix et la créa­tion d’un Etat Palestinien viable, par consé­quent à même de garan­tir le res­pect de l’in­té­grité ter­ri­to­riale d’Israël.
      Sans ça, rien n’en­di­guera la main­mise de groupes ter­ro­ristes sur la popu­la­rité pales­ti­nienne, et donc les menaces sur la sécu­rité des Israéliens.

      La poli­tique des droites israé­liennes, favo­ri­sant la décom­po­si­tion de toute forme de pou­voir pales­ti­nen auto­nome, a mené au drame du 7 octobre, et mènera imman­qua­ble­ment à d’autres drames sans fin.

      L’une des clés de la Paix est en Israël, dans les mains du peuple, qui doit reprendre ses affaires en main pour sor­tir de l’es­ca­lade de la vio­lence qui ne mène tou­jours qu’à plus de violence.
      La com­mu­nauté inter­na­tio­nale – et par­ti­cu­liè­re­ment l’Occident – gagne­rait à encou­ra­ger ce che­min plu­tôt que celui de la guerre perpétuelle.
      À nous de faire pres­sion sur nos gou­ver­nants pour que la voie de la Raison l’emporte.

      Cordialement

      sep article

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