Dispositifs d'interpellation citoyenne : Grenoble innove. unesignaturepetitionbibiliotheque14dec2016creditsc

Dispositifs d’in­ter­pel­la­tion et de vota­tion citoyennes : la majo­rité d’Éric Piolle creuse son sillon, au grand dam des oppositions

Dispositifs d’in­ter­pel­la­tion et de vota­tion citoyennes : la majo­rité d’Éric Piolle creuse son sillon, au grand dam des oppositions

DÉCRYPTAGE – « Médiation d’initiative citoyenne », « ate­lier d’initiative citoyenne » et « dis­po­si­tif d’interpellation et de vota­tion citoyennes » nou­velle for­mule sont désor­mais acces­sibles aux Grenoblois. L’intention de la majo­rité d’Éric Piolle, der­rière cela ? Prendre mieux en compte les pro­po­si­tions, remarques et cri­tiques des citoyens. De leur côté, les oppo­si­tions l’ac­cusent de créer une usine à gaz ne s’a­dres­sant qu’aux ini­tiés. Quant à la nou­velle for­mule, à peine modi­fiée, du dis­po­si­tif d’in­ter­pel­la­tion et de vota­tion citoyennes, est-elle si intou­chable sur le plan juri­dique que le pré­tend la Ville ?

Mobilisation du collectif contre la fermeture de 3 bibliothèques en 2016 devant la maire de Grenoble. DR

Mobilisation du col­lec­tif contre la fer­me­ture de 3 biblio­thèques en 2016 devant la maire de Grenoble. DR

Courriers, appels télé­pho­niques, péti­tions, mani­fes­ta­tions, mobi­li­sa­tions sur le par­vis de l’hô­tel de ville, tri­bunes dans la presse… La Ville de Grenoble, ses ser­vices et ses élus sont très régu­liè­re­ment inter­pel­lés par les citoyens. Pour mieux prendre en compte les demandes, récla­ma­tions et pro­po­si­tions des citoyens, Grenoble a voté en conseil muni­ci­pal, le lundi 14 juin 2021, trois nou­veaux dis­po­si­tifs de par­ti­ci­pa­tion citoyenne : la média­tion d’initiative citoyenne, l’atelier d’initiative citoyenne et une ver­sion modi­fiée du dis­po­si­tif d’interpellation et de vota­tion citoyennes. Dispositif dont la pre­mière ver­sion, rap­pe­lons-le, avait été annu­lée par le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif en 2018.

Annabelle Bretton, coprésidente du groupe Grenoble en commun, samedi 25 juillet 2020 © Joël Kermabon - Place Gre'net

Annabelle Bretton, copré­si­dente du groupe Grenoble en com­mun, samedi 25 juillet 2020. © Joël Kermabon – Place Gre’net

L’adjointe à la démo­cra­tie ouverte Annabelle Bretton voit dans cette évo­lu­tion une nou­velle avan­cée pour la démo­cra­tie locale : « Grâce aux expé­ri­men­ta­tions pas­sées, nous sommes en mesure aujourd’hui de pro­po­ser des dis­po­si­tifs encore plus ambi­tieux, en par­ti­cu­lier dans la mise en place d’un cadre serein pour assu­rer les condi­tions d’un débat construc­tif à par­tir d’interpellations sur des sujets conflic­tuels (…) »

« Au cœur de ces dis­po­si­tifs, c’est davan­tage la déli­bé­ra­tion que la participation »

À quoi vont ser­vir ces nou­veaux dis­po­si­tifs ? La média­tion d’initiative citoyenne va per­mettre à des citoyens de tra­vailler, pen­dant deux mois, avec des élus et des ser­vices pour trou­ver un ter­rain d’entente. Si des citoyens veulent abor­der un sujet plus épi­neux, l’atelier d’initiative citoyenne, sorte de jury citoyen déjà expé­ri­menté à Grenoble, est plus indi­qué. Il débouche sur des pré­co­ni­sa­tions pré­sen­tées et reprises en par­tie ou tota­le­ment dans une déli­bé­ra­tion votée en conseil municipal.

Dispositifs d'interpellation citoyenne : Grenoble innove. Dépouillement votation citoyenne - Pascal Clouaire © Florent Mathieu - Place Gre'net

Dépouillement vota­tion citoyenne – Pascal Clouaire © Florent Mathieu – Place Gre’net

Enfin, le dis­po­si­tif d’interpellation et de vota­tion citoyennes conduit, lui, à la vota­tion de l’ensemble des rési­dents gre­no­blois de plus de 16 ans. Une vota­tion pré­cé­dée, comme il se doit, de débats contra­dic­toires pour infor­mer la popu­la­tion. Par contre, il ne devrait plus y avoir d’in­ter­ven­tion des péti­tion­naires dans le conseil muni­ci­pal, à l’ins­tar du pré­cé­dent dis­po­si­tif. La vota­tion sera orga­ni­sée, une fois par an, en même temps que le vote du bud­get participatif.

Dans les trois dis­po­si­tifs, la demande sera rece­vable, insiste la Ville, à condi­tion qu’elle soit por­tée par au moins deux habi­tants âgés de plus de 16 ans, qu’elle concerne l’intérêt col­lec­tif, ne soit pas dis­cri­mi­nante, et relève d’une com­pé­tence com­mu­nale. « Ce qui est au cœur de ces trois dis­po­si­tifs, c’est davan­tage la déli­bé­ra­tion que la par­ti­ci­pa­tion, c’est-à-dire le pro­ces­sus au cours duquel des membres de la col­lec­ti­vité com­mu­niquent entre eux en équité dans l’accès au débat avant de par­ve­nir à une déci­sion », pré­cise doc­te­ment Pascal Clouaire, conseiller muni­ci­pal, délé­gué à l’innovation, mais aussi ex-adjoint à la démo­cra­tie locale.

Des dis­po­si­tifs faciles d’ac­cès selon Annabelle Bretton

Pour acti­ver ces trois dis­po­si­tifs, un même mode opé­ra­toire. Les citoyens devront recueillir un nombre suf­fi­sant de signa­tures. Il en fau­dra 50, à col­lec­ter en un mois, pour obte­nir une média­tion d’initiative citoyenne ; 1000 en trois mois pour la mise en place d’un ate­lier d’initiative citoyenne ; et 8000 sou­tiens soit 5% de la popu­la­tion, à ras­sem­bler en douze mois, pour acti­ver le dis­po­si­tif d’interpellation et de vota­tion citoyenne. Un seuil net­te­ment plus haut que dans l’an­cien dis­po­si­tif, où 2000 signa­tures suf­fi­saient.

« Ces dis­po­si­tifs ont des seuils bas, consi­dère néan­moins l’ad­jointe Annabelle Bretton. Ils ont été conçus pour être acces­sibles à tous, à des parents d’élèves, à des voi­sins, des usa­gers d’un lieu et ne sont pas réser­vés seule­ment à des acteurs orga­ni­sés ou des pro­fes­sion­nels de la par­ti­ci­pa­tion citoyenne », pour­suit-elle.

Signature de la pétition contre les démolitions à la Villeneuve, le 8 mars 2017 © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

Signature de la péti­tion contre les démo­li­tions à la Villeneuve, le 8 mars 2017. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

Il est vrai que pour rem­por­ter la vota­tion, les péti­tion­naires ne devront plus réunir « que » 16 000 voix majo­ri­taires – soit l’é­qui­valent de 10% de la popu­la­tion gre­no­bloise –, au lieu des 20 000 aupa­ra­vant. Ce fai­sant, la majo­rité conserve sa logique ini­tiale. Il faut en effet se sou­ve­nir que la bar­rière des 20 000 voix cor­res­pon­dait au nombre de suf­frages qui avaient per­mis à Éric Piolle d’ac­cé­der à la mai­rie en 2014. Le nou­veau seuil se rap­proche du score réa­lisé, de 16169 voix, au second tour des muni­ci­pales de 2020.

La majo­rité com­plexi­fie la démo­cra­tie locale, cri­tiquent les opposants

En total déca­lage avec l’enthousiasme des élus du groupe majo­ri­taire Grenoble en com­mun, les oppo­si­tions n’ont pas été tendres vis-à-vis de ces nou­veaux dis­po­si­tifs. Pour Émilie Chalas (NR), ces der­niers ont le tort de rendre plus « illi­sible » la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive à Grenoble. Et « noient » les acteurs his­to­riques de la par­ti­ci­pa­tion, tels que les unions de quar­tier et le conseil de déve­lop­pe­ment à l’échelle métropolitaine.

Intervention du collectif Touchez pas à nos bibliothèques, au conseil municipal du lundi 22 mai, à la faveur du droit d'interpellation et de votation lancée par la Ville de Grenoble © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

A droite, Cécile Ceniatempo, aujourd’­hui conseillère muni­ci­pale de l’op­po­si­tion Nasa. Intervention du col­lec­tif Touchez pas à nos biblio­thèques, au conseil muni­ci­pal du lundi 22 mai 2017, à la faveur du droit d’in­ter­pel­la­tion et de vota­tion lan­cée par la Ville de Grenoble. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

La Ville veut en outre main­te­nir le dis­po­si­tif d’interpellation et de vota­tion citoyenne annulé par le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif en 2018, s’in­digne la conseillère muni­ci­pale d’op­po­si­tion, par ailleurs dépu­tée LREM. Il est pour­tant en l’é­tat, « mal barré », bro­carde Émilie Chalas, puisque la muni­ci­pa­lité per­siste à vou­loir faire voter les mineurs, alors que la Constitution ne le per­met pas.

Pour Alain Carignon (OSCDC), ces dis­po­si­tifs sont trop « sophis­ti­qués » et vont exclure les « deux tiers des Grenoblois ». Pire, ils « ins­ti­tu­tion­na­lisent » la dis­tance entre les élus et les Grenoblois, fus­tige encore l’an­cien maire RPR de Grenoble.

S’inquiétant, pour sa part, de cette « super­po­si­tion » des dis­po­si­tifs qui ne tou­che­ront pour autant pas les « sans-voix », Cécile Ceniatempo du groupe Nasa invite plu­tôt les élus de quar­tier à être davan­tage pré­sents sur le ter­rain. Abondant dans ce sens, Anne Roche, conseillère muni­ci­pale dans l’op­po­si­tion, ex-colis­tière du groupe d”​Alain Carignon, appré­cie­rait que les élus répondent aux doléances des habi­tants qui s’expriment dans les réunions publiques.

La pré­fec­ture de l’Isère consul­tée sur la léga­lité des dispositifs

Nullement ébran­lée par les cri­tiques de ses oppo­sants, Annabelle Bretton a réaf­firmé, peu avant le vote de la déli­bé­ra­tion, sa confiance en la capa­cité des tous les Grenoblois à mobi­li­ser ces outils.

Dispositifs d'interpellation citoyenne : Grenoble innove. Les premiers signataires de l'appel citoyen pour Grenoble en commun entourent Éric PIolle. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Eric Piolle, en cos­tume, Annabelle Bretton à sa droite. © Joël Kermabon – Place Gre’net

Quant aux doutes por­tés par Émilie Chalas sur la léga­lité de la nou­velle ver­sion du dis­po­si­tif d’interpellation et de vota­tion citoyenne, l’adjointe les a rapi­de­ment balayés. Adossé au code des rela­tions entre le public et l’administration de 2015, le dis­po­si­tif d’interpellation et de vota­tion citoyennes est désor­mais solide juri­di­que­ment, garan­tit Annabelle Bretton. Et celle-ci d’a­jou­ter que la pré­fec­ture de l’Isère a éga­le­ment été consul­tée. Celle-là même qui avait porté un coup fatal à l’ancien dispositif.

Comme attendu, la déli­bé­ra­tion a été adop­tée. Les groupes Nouveau Regard (NR), Nouvel Air socia­listes et appa­ren­tés (Nasa) et la conseillère muni­ci­pale Anne Roche se sont abs­te­nus, tan­dis que le groupe d’op­po­si­tion Société civile, divers droite et du centre (OSCDC) a voté « contre ».

« LE TERME DE « VOTATION » GÉNÈRE DE l’AMBIGUÏTÉ »
 
Maîtresse de confé­rence en droit public, Camille Morio apporte son éclai­rage sur le « nou­veau » dis­po­si­tif d’in­ter­pel­la­tion et de vota­tion citoyennes de la Ville de Grenoble.

Camille Morio, Docteure en droit public et chargée d'enseignement à la Faculté de droit de Grenoble DR

Camille Morio DR

« Par rap­port à l’ancien dis­po­si­tif, la Ville rat­tache son nou­veau dis­po­si­tif à l’article L‑131 – 1 du code des rela­tions entre le public et l’administration et au cadre de la « consul­ta­tion ouverte facul­ta­tive ». Elle prend soin, aussi, dans la tour­nure de son règle­ment, de bien mettre en exergue, le carac­tère non déci­soire de son dis­po­si­tif… C’est ce qui avait posé pro­blème, entre autres, pour le pré­cé­dent dis­po­si­tif (…) Malgré tout, elle conti­nue à appe­ler son dis­po­si­tif « vota­tion », ce qui génère une cer­taine ambi­guïté. Il serait plus rigou­reux de par­ler d’une consul­ta­tion citoyenne et d’être clair dans le mes­sage vis-à-vis des habi­tantes et habitants (…)

Sur le plan juri­dique, le risque demeure, en cas de conten­tieux, que le juge consi­dère qu’il y a un détour­ne­ment des règles très contrai­gnantes du code géné­ral des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales. Pour évi­ter la cen­sure, la ville devra veiller à se démar­quer dans sa démarche des règles du réfé­ren­dum local par l’o­ri­gi­na­lité de l’ob­jet de la consul­ta­tion et la por­tée de cette dernière.

Sur le papier, la fron­tière semble bien mar­quée. Ainsi, l’originalité de l’objet de la consul­ta­tion est mani­feste : on se trouve dans un dis­po­si­tif gra­duel, glo­bal, com­pre­nant cer­taines étapes, où les péti­tion­naires sont asso­ciés au trai­te­ment de leur pro­po­si­tion. Sur la por­tée du vote, dif­fé­rentes moda­li­tés sont pro­po­sées, ce qui n’est pas prévu dans le cadre du réfé­ren­dum local. »

Séverine Cattiaux

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