EN BREF – Le tribunal administratif de Grenoble a rendu son jugement ce jeudi 24 mai. Il suit les conclusions du rapporteur public prononcées le 3 mai dernier. Et demande purement et simplement l’annulation du dispositif d’interpellation et de votation citoyenne de la Ville de Grenoble. Il donne raison au préfet de l’Isère, à l’initiative du déféré.
Dans son exposé, le tribunal administratif confirme, tout d’abord, la recevabilité du déféré préfectoral contre le dispositif d’interpellation et de votation mis en place par la Ville de Grenoble.
Cette dernière avait en effet laissé planer le doute sur ce point, en invoquant le fait que son outil de démocratie locale était dépourvu de caractère contraignant.
Bien plus fâcheux pour le dispositif d’interpellation et de votation de la Ville de Grenoble, le tribunal administratif valide également les arguments du préfet.
« La commune a excédé ses pouvoirs »
Rappelant les lois relatives à la démocratie locale, le juge administratif démontre que toute collectivité dispose bel et bien, aujourd’hui, de lois et d’un arsenal juridique encadré lui permettant de consulter les habitants afin d’éclairer ses décisions.
De fait, avec son outil de démocratie locale qui sort des sentiers battus, la Ville de Grenoble s’est octroyée des libertés vis-à-vis de la loi. « La commune a excédé ses pouvoirs en méconnaissance des compétences réservées au législateur, déclare le juge implacable. Elle « a méconnu les conditions dans lesquelles les électeurs de la commune peuvent s’exprimer par la voie du référendum et exercer un droit de pétition… »
La Ville sanctionnée pour le vote des résidents étrangers et des jeunes
À plusieurs égards, la Ville de Grenoble a franchi le rubicond. D’abord, la municipalité permet aux résidents étrangers et aux jeunes de plus de 16 ans de voter.
Or, dans le droit français, seuls les électeurs inscrits sur les listes électorales sont autorisés à s’exprimer dans le cadre d’un référendum local ou du droit d’interpellation, et ce jusqu’à nouvel ordre… Ensuite, à travers son droit d’interpellation, la Ville de Grenoble accepte que des citoyens « imposent », avec 2 000 signatures, un sujet à l’ordre du jour de son conseil municipal.
Ce faisant, la Ville écorne l’article L 1112 – 16 du Code général des collectivités territoriales. Celui-ci autorise en effet que des électeurs puissent seulement demander, mais pas imposer, l’inscription d’un sujet à l’ordre du jour. Étant entendu que ces électeurs sont bien inscrits sur les listes et qu’ils doivent représenter, de surcroît, un cinquième de la population de la commune…
Une « votation citoyenne » trop éloignée du référendum officiel
N’est enfin pas admissible pour le juge – à la lumière de la loi – qu’une votation citoyenne entérine avec 20 000 voix majoritaires une décision qui dessaisisse le conseil municipal de sa compétence d’adopter des délibérations.
Car, pour l’heure, dans la loi française, seul le référendum local à l’initiative du maire est décisionnaire. À condition encore que la moitié au moins des électeurs plaident en faveur de la proposition soumise au référendum et que le vote réunisse 50 % des suffrages exprimés.
Demeure à la Ville de Grenoble de tirer le bilan et les conséquences de cette expérience avortée.
Entend-elle revoir son dispositif ? Ou faire définitivement une croix dessus ? Mais alors, quid de la promesse de donner du pouvoir d’agir aux habitants ? Soit, à l’évidence, l’un des engagements qui ont porté cette équipe municipale à la tête de la mairie de Grenoble…
Séverine Cattiaux