Mois de l’ESS : en région gre­no­bloise, « l’é­co­no­mie sociale et soli­daire s’ouvre à d’autres champs »

Mois de l’ESS : en région gre­no­bloise, « l’é­co­no­mie sociale et soli­daire s’ouvre à d’autres champs »

TROIS QUESTIONS À — Le Mois de l’ESS se tient dans la Métropole gre­no­bloise du 1er au 30 novembre. L’occasion de s’in­té­res­ser aux évo­lu­tions de l’é­co­no­mie sociale et soli­daire en Isère. Émergence de nou­velles struc­tures et pré­oc­cu­pa­tions, regrou­pe­ment sous des ban­nières com­munes d’en­ti­tés auto­nomes… Le point avec Juliette Régnier, chef de pro­jet pour le chan­tier d’in­ser­tion Adams, et Francis Silvente, direc­teur du Groupement des pos­sibles. Une struc­ture qui regroupe, sous une ban­nière com­mune, Le Relais Ozanam, L’Oiseau bleu, Cycles & Go et Cultures du cœur Isère.

LE MOIS DE L’ESS, UN « RENDEZ-VOUS NÉCESSAIRE » DANS LA RÉGION GRENOBLOISE

Le Mois de l’ESS met depuis 2017 l’é­co­no­mie sociale et soli­daire à l’hon­neur sur la Métropole gre­no­bloise. Son objec­tif ? « S’inscrire dans une démarche col­lec­tive, se connaître entre struc­tures, orga­ni­ser des évé­ne­ments ensemble et avoir une meilleure visi­bi­lité en uti­li­sant les outils de com­mu­ni­ca­tion », résume Jeanne Chignier d’Alpes Solidaires.

Mois de l'ESS : l'occasion de faire le point sur l'économie sociale et solidaire dans l'agglomération grenobloise. Un secteur en pleine mutation.Jeanne Chignier d'Alpes Solidaires, une des chevilles ouvrières du mois de l'ESS © Place Gre'net

Jeanne Chignier, une des che­villes ouvrières du mois de l’ESS. © Place Gre’net

Un ren­dez-vous néces­saire, ajoute-t-elle, au regard du dyna­misme de l’ESS dans la région gre­no­bloise. Sans oublier la dimen­sion poli­tique de l’é­vé­ne­ment, ajoute Jean-Paul Biolluz du Comité dépar­te­men­tal des Scop.

« On sent qu’il y a une envie de tra­vailler autre­ment, de man­ger autre­ment… et on sait que l’ESS a déjà des réponses, mais pas assez per­çues. Elle n’a pas une parole suf­fi­sam­ment audible pour que nos conci­toyens voient le mou­ve­ment », consi­dère-t-il.

Plus de 20 évé­ne­ments pré­vus durant le mois de l’ESS

Le pro­gramme du mois de l’ESS aligne plus de 20 évé­ne­ments du 1er au 30 novembre 2019. Le tout autour de trois thé­ma­tiques : « Travailler autre­ment », « L’ESS au quo­ti­dien » et « Réflexions sur l’ESS ».

le mois de l'ESS commence sur l'agglomération grenobloiseUne journée pas comme les autres au Patio de Grenoble le 16 novembre autour de l'ESS

Journée autour de l’ESS au Patio de Grenoble le 16 novembre 2019.

Événement dans l’é­vé­ne­ment, une grande jour­née au Patio de Grenoble regrou­pera, le 16 novembre, les acteurs de l’ESS autour de stands thé­ma­tiques, d’é­changes, d’a­ni­ma­tions ou encore de projections.

PLACE GRE’NET – Outre une forme d’ESS “clas­sique”, tour­née vers l’emploi et l’in­ser­tion, se des­sinent de nou­velles formes de struc­tures : autour de la mon­naie locale le Cairn, de l’é­pi­ce­rie col­la­bo­ra­tive l’Éléfàn… L’ESS his­to­rique trouve-t-elle des points de ral­lie­ment avec cette nou­velle génération ?

FRANCIS SILVENTE – Des asso­cia­tions comme L’Oiseau bleu ou le Relais Ozanam sont his­to­ri­que­ment sur le champ de la grande pré­ca­rité mais, depuis quelques années, on se pose la ques­tion du risque de repli sur soi, que le public soit cap­tif de nos dis­po­si­tifs. En paral­lèle, se déve­loppe le phé­no­mène de stig­ma­ti­sa­tion des per­sonnes en grande pré­ca­rité, à qui l’on ren­voie la res­pon­sa­bi­lité de leur situation.

Alors que le mois de l'ESS commence sur l'agglomération grenobloise, trois questions sur l'évolution de l'économie sociale et solidaire.Juliette Régnier et Francis Silvente © Florent Mathieu - Place Gre'net

Juliette Régnier et Francis Silvente. © Florent Mathieu – Place Gre’net

Par rap­port à cela, il y a quelque chose à creu­ser. L’ouverture vers une dimen­sion de l’ESS plus par­ti­ci­pa­tive, plus citoyenne, plus col­lec­tive. Dans le cadre du pro­jet de la Villa Clément (voir enca­dré), nous sommes par exemple content que l’Union de quar­tier Saint-Laurent ou La Tronche par­ti­cipe à cela. Il faut lut­ter contre la stig­ma­ti­sa­tion par le droit mais aussi par une ouver­ture plus large aux autres struc­tures de l’ESS. Et ne pas se can­ton­ner au réseau du champ de la précarité.

JULIETTE RÉGNIER – Il y a aussi un appel d’air : cette ouver­ture a des thé­ma­tiques inté­res­santes, presque à des mar­chés de niche. Cela nous per­met aussi dans l’in­ser­tion d’al­ler sur la mobi­lité, sur l’a­gri­cul­ture urbaine, sur de nou­veaux champs et de nou­veaux métiers pour nos salariés.

PLACE GRE’NET – Des struc­tures jus­qu’ici auto­nomes ont été inté­grées dans de plus grosses, par exemple La Brocante de Mamie pas­sée sous ban­nière Ulisse. Le Groupement des pos­sibles regroupe lui-même quatre struc­tures dis­tinctes. L’ESS aujourd’­hui doit-elle aussi se fédé­rer de cette manière pour survivre ?

FRANCIS SILVENTE – L’Oiseau Bleu et le Relais Ozanam sont deux asso­cia­tions his­to­ri­que­ment liées. Après tout, je suis l’an­cien direc­teur adjoint de L’Oiseau Bleu ! Il y a une com­plé­men­ta­rité sur les actions et les mis­sions. Se regrou­per per­met­tait de ne pas cloi­son­ner et d’of­frir des ser­vices plus larges aux per­sonnes que nous accompagnons.

Ce que l’on apporte, c’est de lever les freins. Par exemple avec un accueil des enfants à L’Oiseau bleu pour per­mettre à des femmes d’al­ler tra­vailler en jour­née. Ce grou­pe­ment per­met cette offre de ser­vices élar­gie… mais aussi de peser poli­ti­que­ment car on tient à gar­der notre militance.

Le mois de l'ESS est l'occasion de faire le point sur l'économie sociale et solidaire dans l'agglomération grenobloise. Un secteur en pleine mutation.Juliette Régnier et Francis Silvente prennent la pose avec Alain Guézou, fondateur de RSA et co-porteur du projet de la Villa Clément. © Florent Mathieu - Place Gre'net

Juliette Régnier et Francis Silvente prennent la pose avec Alain Guézou, fon­da­teur de RSA38 et copor­teur du pro­jet de la Villa Clément. © Florent Mathieu – Place Gre’net

On essaye cepen­dant un autre che­min : pas de faire une fusion, mais un regrou­pe­ment où les asso­cia­tions gardent leur his­toire, leur spé­ci­fi­cité. C’est notre enjeu dans le Groupement des pos­sibles : être plus gros, mais en même temps conser­ver une auto­no­mie. Si l’on est sur une struc­ture super hié­rar­chi­sée, on sait que cela va créer de la rigidité.

PLACE GRE’NET – Les choix du Conseil dépar­te­men­tal de l’Isère ont été géné­ra­le­ment mal accueillis par les acteurs de l’ESS, qui se sont éga­le­ment plaints des que­relles entre col­lec­ti­vi­tés concer­nant cer­taines com­pé­tences. Quels sont aujourd’­hui vos rap­ports avec le Département ?

JULIETTE RÉGNIER – À Adams, nous sommes très sou­te­nus, mais pré­ci­sé­ment parce que nous sommes dans l’in­ser­tion des per­sonnes au RSA !

Rassemblement en faveur du Salto devant l'hôtel du Département en décembre 2016 © Florent Mathieu - Place Gre'net

Rassemblement en faveur du Salto devant l’hô­tel du Département en décembre 2016. © Florent Mathieu – Place Gre’net

FRANCIS SILVENTE – Le désac­cord de fond que nous avons, c’est sur la réci­pro­cité des aides. Cela nous inquiète car c’est tou­jours aux mêmes que l’on demande de la réciprocité.

Notre sec­teur a beau­coup évo­lué avec le fait de faire du droit un préa­lable aux démarches d’in­ser­tion. Cette évo­lu­tion-là, il faut aussi l’a­me­ner auprès des ins­ti­tu­tions. Et la réci­pro­cité vient un peu frei­ner la notion de pri­mauté du droit.

Quant aux com­pé­tences, c’est tou­jours com­pli­qué. Trop sou­vent, ce sont les asso­cia­tions qui sont obli­gées de faire le lien. Ce sont elles qui passent leur temps à cher­cher des sous au lieu de s’oc­cu­per des publics. Et, comme il y a une contrac­tion des finan­ce­ments ins­ti­tu­tion­nels, cha­cun se ren­voie la balle.

Cela peut mener à des situa­tions graves, comme ces mineurs non accom­pa­gnés, majeurs aux yeux de Département, mineurs aux yeux de l’État, et qui se retrouvent à la rue. J’ai envie de dire : « Mettez-vous autour de la table et déci­dez ! » Soit nous répon­dons à une besoin et, à ce moment-là, met­tez-vous d’ac­cord pour le finan­cer, soit on ne répond pas à un besoin et, dans ce cas, tant pis, on fera autre chose !

Propos recueillis par Florent Mathieu

LA VILLA CLÉMENT EN ROUTE POUR UNE NOUVELLE VIE

Au 4 Quai des Allobroges, tout près de la limite entre Grenoble et La Tronche, la Villa Clément est presque à l’a­ban­don. Ses étages sont inuti­li­sés. Seul son rez-de-chaus­sée est actuel­le­ment occupé par des ate­liers de l’en­tre­prise d’in­ser­tion Adams. D’où le pro­jet d’un col­lec­tif d’as­so­cia­tions et d’en­tre­prises de l’ESS de trand­for­mer ce bâti­ment, autre­fois occupé par la Gestapo.

La Villa Clément, 4 Quai des Allobroges à Grenoble © Florent Mathieu - Place Gre'net

La Villa Clément, 4 Quai des Allobroges à Grenoble. © Florent Mathieu – Place Gre’net

Ce pro­jet ne date pas d’hier et a fina­le­ment pu s’in­sé­rer dans le dis­po­si­tif Gren” de Projets de la Ville de Grenoble. Objectif ? Faire de la Villa Clément un lieu de croi­se­ment de tous les publics. Une « mixité sociale » qui veut aussi s’in­sé­rer dans le quar­tier, « inclure l’ex­té­rieur » selon la for­mule de Francis Silvente, pour mieux lut­ter contre la stig­ma­ti­sa­tion des per­sonnes en situa­tion de précarité.

Les pro­jets ? Un lieu d’ac­cueil paren­tal pour béné­fi­ciaires du RSA, pensé par l’as­so­cia­tion RSA 38. Un che­nil pour per­mettre aux SDF de confier leurs com­pa­gnons le temps de démarches admi­nis­tra­tives ou autres. Mais aussi dif­fé­rents ate­liers : Cycles & Go envi­sage ainsi d’y créer un deuxième local, en plus de celui de Fontaine. Et un pro­jet de Repair Café est à l’é­tude. Une nou­velle vie pour la Villa Clément ?

Florent Mathieu

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