FOCUS — Pacte financier ou « diktat » ? À l’heure de réviser son budget pour rentrer dans les clous imposés par l’État, qui limite les hausses de fonctionnement des collectivités à 1,2 % par an, le président du Conseil départemental de l’Isère Jean-Pierre Barbier ne manque pas de renouveler ses critiques contre le dispositif du gouvernement.
« La grande leçon du pacte financier, c’est que l’on n’est plus dans la libre administration des collectivités ! », professe Jean-Pierre Barbier. Le président du Conseil départemental de l’Isère n’a pas changé d’avis sur le Pacte financier initié par l’État, visant à limiter les hausses de budget des collectivités à 1,2 % par an. Un Pacte largement dénoncé par nombre de conseils départementaux de Rhône-Alpes, et que Jean-Pierre Barbier désigne aujourd’hui comme un « diktat ».
L’agacement du Département est d’autant plus forte que le Pacte le contraint à procéder à un ajustement de son budget en cours d’exercice. Ce vendredi 19 octobre, une séance publique du conseil départemental vise ainsi à adopter une Décision modificative. Objectif ? Faire baisser de 0,4 % la hausse initialement prévue. Et ceci pour coller aux « dépenses autorisées » que dénonce le président du Département, fixées à l’euro près, soit 1 milliard 75 millions 838 231 euros.
Un exercice de rétropédalage budgétaire inédit
Pour le vice-président en charge des finances et des ressources humaines, malgré une longue expérience des budgets, l’exercice est inédit. « En général, on constate les recettes reçues durant l’été et on les réaffecte sur des dépenses nouvelles… Cette année, pour la première fois, on a fait un rétropédalage alors que tout était engagé. Ça s’est bien passé, mais on ne peut pas toujours rogner sur le budget de fonctionnement d’une collectivité sans atteindre les fonctions vitales du système ! », s’inquiète Pierre Gimel.
Au total, le Département doit économiser 14 millions d’euros sur son budget 2018. Coup de chance : le nombre d’allocataires du RSA, en baisse de 10 %, permet d’ores et déjà d’économiser 7 millions d’euros sur la dépense originellement budgétée. Une baisse qui témoigne du succès de la politique sociale du Conseil départemental autour de la réciprocité et de l’accompagnement vers l’emploi, juge au passage Jean-Pierre Barbier.
D’autres économies ? Un million d’euros sur les dépenses de ressources humaines, en « mettant les hommes et les femmes là où il y en a besoin et en efficacité », vante encore le président. Une rationalisation des coûts de fonctionnement de la protection de l’enfance permettrait également de grappiller quelques euros, notamment en limitant le recours à des places d’accueil hors département. Tout comme une relocalisation des services au sein du patrimoine immobiliser du Conseil départemental, plutôt que d’avoir recours à de la location d’espaces.
Pas question de faire moins… pas moyen de faire plus
Jean-Pierre Barbier le proclame ainsi : « Nous gérons bien le département, même en allant au-delà de nos obligations et malgré le fait que nous ayons eu à gérer des situations d’urgence comme le tunnel du Chambon [qui s’est effondré en 2015, ndlr] ou Lucie-Aubrac ! » Pas d’inquiétudes à avoir, dans ce cas ? Le président le promet : pas question de faire moins, malgré les limitations budgétaires fixées par l’État… Mais pas moyen non plus de faire plus.
« Je pense aux assistants familiaux, qui mériteraient qu’on revoie leur grille salariale. Aujourd’hui, compte tenu du Pacte, nous ne pouvons pas le faire », assure ainsi Jean-Pierre Barbier. Même sort pour les subventions aux associations : « On pourrait peut-être faire plus, la situation financière est bonne, mais compte tenu de la contrainte, on n’en a pas les moyens. » Le Conseil départemental n’avait cependant pas attendu le Pacte financier pour couper un certain nombre de subventions à des structures dès l’arrivée aux affaires de sa nouvelle majorité.
Des contraintes au détriment de la politique sociale
Le président du Conseil départemental est d’autant plus remonté contre l’État que celui-ci lui impose des mesures pesant sur son budget. Si Jean-Pierre Barbier ne veut pas ouvertement critiquer la revalorisation du montant du RSA ou du point d’indice des fonctionnaire, il ne manque pas de rappeler que ces décisions sont au final à la charge du Département. Tout comme « l’explosion du nombre de mineurs accompagnés [par la collectivité, ndlr] ».
Autant dire que le Plan pauvreté récemment dévoilé fait tiquer. « Le président dit qu’il dépense un pognon de dingue. Six mois après, il sort le plan pauvreté… mais qui va payer tout ça ? », ironise Jean-Pierre Barbier. Même verdict pour les repas dans les cantines à un euro. « On est confronté à un gouvernement qui ouvre des droits nouveaux sans les financer vraiment », assène le président du Département, en rappelant les baisses de dotation observées sous la présidence Hollande. Tout comme, insiste-t-il, sous la présidence Macron.
Et de conclure en voulant rappeler des réalités de terrain : « Quand on contraint les dépenses de fonctionnement, on contraint les allocations qui sont versées aux handicapés, aux personnes âgées, aux bénéficiaires du RSA et à la protection de l’enfance ! », déplore ainsi Jean-Pierre Barbier. Tout en fustigeant une dernière fois un Pacte financier qui, selon lui, va à l’encontre de la décentralisation, en fixant le montant du budget d’une collectivité… par voie préfectorale.
Florent Mathieu