FOCUS – Les syndicats CGT des gardiens de troupeaux de l’Isère et d’autres départements pastoraux ont manifesté jeudi 29 février 2024, aux côtés de quelque 150 ouvriers agricoles, au Salon de l’agriculture. Dénonçant des conditions de travail « déplorables » malgré un métier souvent « idéalisé », les bergers entendaient mettre la pression sur le gouvernement et la FNSEA. Ils accusent en outre cette dernière d’avoir annulé les négociations nationales prévues jeudi 7 mars 2024.
[Article publié le 2 mars 2024 à 20 h 28 et mis à jour le 6 mars 2024 à 20 heures avec ajout encadré] Bergers et vachers regroupés au sein des syndicats CGT de gardiens de troupeaux (SGT-CGT), ouvriers agricoles… Ils étaient près de 150 à envahir les allées du Salon de l’agriculture, à Paris, jeudi 29 février 2024, à l’appel de la Fédération nationale agroalimentaire et forestière (FNAF-CGT). Objectif : faire « entendre leur colère et leurs revendications au patronat agricole et au ministère de l’Agriculture », indiquent-ils.
Le SGT 38 et les autres syndicats de gardiens de troupeaux (Ariège, Hautes-Pyrénées et Paca) expriment, dans un communiqué commun et dans un tract distribué le jour même, leurs craintes face aux dernières mesures prises par le gouvernement qui, selon eux, auront « des conséquences catastrophiques pour les salariés agricoles ».
« Les estives sont des zones de non-droit »
« Derrière le mot d’ordre de ne plus avoir de normes, ce sont notamment les normes sociales qu’ils visent », redoutent-ils. « Nous aimons notre travail », assurent ces bergers et bergères, qui mettent toutefois en garde contre les clichés, évoquant « un métier idéalisé aux conditions de travail délétères ». Ainsi, « la carrière moyenne d’un gardien de troupeaux est de cinq ans » seulement, soulignent les syndicats CGT.
« Ce qui fait arrêter le métier à nos camarades, ce sont les conditions de vie et de travail déplorables auxquelles nous sommes confrontés », précisent les bergers, vachers et autres chevriers. « Les estives sont des zones de non-droit où le code du travail n’est pas respecté ». Et de pointer des postes exigeant une « présence constante », avec des hébergements trop souvent « insalubres ».
Pourtant, « des améliorations simples pourraient être effectuées », estiment les gardiens de troupeaux. Mais « rien n’est mis en place pour garantir un minimum de sécurité, alors que notre métier comporte des risques d’accidents et de maladies professionnelles importants, amplifiés par la fatigue due aux amplitudes de nos journées de travail », déplorent-ils.
Pour les bergers, une réalité « loin de l’image de carte postale »
Le SGT-CGT cite notamment une étude réalisée par la Mutualité sociale agricole (MSA) montrant que « les bergers d’alpage ne dorment en moyenne que cinq heures par nuit, alors que l’effort physique demandé au cours de la journée relève du marathon ». Si l’on y ajoute des salaires ne dépassant pas le Smic pour une grande partie d’entre eux, on obtient une réalité bien « loin de l’image de carte postale que les éleveurs ont intérêt à entretenir », d’après eux.
Pour les syndicats de gardiens de troupeaux, en effet, « la mythification du pastoralisme constitue une propagande puissante » employée par l’industrie touristique et le patronat agricole et visant à « invisibiliser les salariés d’estive ». Le SGT-CGT constate les difficiles négociations menées dans tous les départements pastoraux pour obtenir des salaires et des conditions de travail « dignes ».
Les négociations rompues en Isère avec la FDSEA
« Durant les négociations, les FDSEA nous font comprendre qu’elles envisagent de ne nous lâcher que des miettes et sautent sur la moindre occasion pour annuler les commissions paritaires », dénoncent les bergers. Si les relations sont houleuses en Isère, où le SGT 38 demande « la reprise des négociations », une date a en revanche été fixée, le 7 mars 2024, pour une réunion nationale avec la FNSEA et les services du ministère.
Parmi les revendications, une prime de précarité pour tous les contrats saisonniers, « la fin du travail gratuit par la reconnaissance de la totalité des heures travaillées », la fin du travail payé au Smic, l’arrêt des « logements insalubres et dangereux », le remboursement des équipements, « le conditionnement des “aides loup” au respect du code du travail » ou encore le renforcement des contrôles pour « sanctionner les employeurs dans l’illégalité ».
La réunion nationale du 7 mars 2024 annulée, le SGT-CGT accuse la FNSEA
Une réunion regroupant les syndicats de travailleurs agricoles et la FNSEA devait se tenir, jeudi 7 mars 2024, afin d’élaborer un texte national encadrant le droit du travail pour les bergers. Dans un communiqué daté du mercredi 6 mars, le syndicat CGT des gardiens de troupeaux (SGT-CGT) accuse la FNSEA d’avoir « annulé toutes les négociations en cours au niveau national ». Une « attitude qui s’inscrit dans la démarche de la FDSEA de l’Isère, cette dernière ayant déjà annulée la commission mixte paritaire du 8 février », dénonce le SGT 38.
« Dans plusieurs départements, le patronat refuse d’appliquer les accords locaux, ce qui a poussé les organisations syndicales (CGT-CFTC-FOCGC) à demander la mise sous tutelle des négociations », explique le SGT-CGT. Ce refus constitue ainsi, selon les bergers, « une manière pour la FNSEA de tenter d’exercer une pression sur les organisations syndicales revendicatives mais aussi sur l’État ».
« Gardons en tête que les revendications portées aujourd’hui par le patronat agricole – en fers de lance la FNSEA et la Coordination rurale – se traduisent concrètement par moins de droits pour les salariés », assène le syndicat des gardiens de troupeaux. Lequel exige donc « des conditions de travail dignes pour toutes et tous ». Et le SGT-CGT de conclure en rappelant « qu’il n’y a pas d’agriculture sans travailleuses et travailleurs agricoles ».
[Encadré ajouté le 6 mars 2024]
Une réflexion sur « Le syndicat CGT des bergers manifeste au Salon de l’agriculture et accuse la FNSEA d’avoir annulé toutes les négociations »
Bravo ! tout à fait d’accord avec vous, je vous souhaite un plein succès pour vos revendications et votre action.