FOCUS – La vente des actions de Grenoble Habitat possédées par la Ville de Grenoble fait son retour au conseil métropolitain vendredi 29 septembre 2023. Les élus de la Métropole sont en effet invités à exprimer leur avis sur la cession, leur accord étant une condition du contrat passé entre la Ville et CDC Habitat, le repreneur annoncé du bailleur social. De quoi (re)mettre à jour les tensions sur le dossier, avec un vote dont le résultat demeure incertain.
Va-t-on assister à de (nouveaux) échanges houleux, à l’occasion du conseil métropolitain du vendredi 29 septembre ? C’est ce qui semble se profiler, alors que les élus vont, une fois encore, se pencher sur la question de la vente des actions Grenoble Habitat de la municipalité grenobloise à Adestia, filiale de CDC Habitat. Une cession qui nécessite contractuellement un accord de la Métropole, également actionnaire du bailleur social.
Manifestation d’opposants à la vente des actions Grenoble Habitat de la Ville de Grenoble. La cession doit recevoir, ou non, l’aval du conseil métropolitain vendredi 25 septembre 2023. © Agathe Bréchemier – Place Gre’net
Problème ? L’exécutif métropolitain a fait valoir son hostilité à cette cession et proposé à la place une recapitalisation de GH à hauteur de 15 millions d’euros, qui garantirait à ses yeux le maintien d’une gouvernance locale.
Le maire de Grenoble n’a donc pas l’assurance d’obtenir l’assentiment des élus métropolitains… en particulier quand les débats s’inscrivent dans un contexte politique lourd. En coulisses, certains évoquent ainsi un « acte 2″, après l’épisode du retrait raté de délégation de l’élu Lionel Coiffard.
Une « condition suspensive »… qui peut être suspendue
Dans sa note préparatoire à destination de l’exécutif, le président de la Métropole Christophe Ferrari se veut clair : il est « proposé » aux membres de la majorité de donner un « avis défavorable […] à cette opération impulsée par la Ville de Grenoble ». Et ceci « eu égard aux enjeux de gestion de proximité, de constructions de logements social, de maîtrise d’outils pour ce faire à l’échelle locale [et] d’incertitudes entourant l’opération impulsée par la Ville de Grenoble ».
Le conseil métropolitain doit rendre son avis sur la vente des actions Grenoble Habitat de la Ville de Grenoble vendredi 29 septembre. © Manuel Pavard – Place Gre’net
La proposition peut-elle aboutir ? Sans surprise, le groupe Une Métropole d’avance (Uma), qui compte dans ses rangs la plupart des élus de la majorité grenobloise, devrait voter en faveur de la cession. Le groupe communiste CCC, auquel appartient le conseiller municipal délégué au Logement de Grenoble Nicolas Beron-Perez, pourrait aller dans le même sens, ou jouer l’abstention. Restent les autres élus de la majorité… et ceux de l’opposition.
Un avis défavorable de la Métro serait-il susceptible de faire capoter le projet ? La note préparatoire de la Métropole indique que son accord fait partie des « conditions suspensives » au protocole de cession d’actions. Toutefois, ajoute l’intercommunalité, « cette clause peut être supprimée d’un commun accord entre la Ville de Grenoble et CDC Habitat, ainsi que le prévoit le contrat de cession d’actions ». Bref, la municipalité dispose d’un filet de sécurité.
Échanges épistolaires entre Éric Piolle et Christophe Ferrari sur Grenoble Habitat
Petite suprise : le président de la Métropole partage, avec sa note préparatoire, trois courriers échangés avec le maire de Grenoble Éric Piolle entre le 8 et le 21 juin 2023. Une correspondance où les amabilités manuscrites – « cher Éric », « cher Christophe », « bien à toi » – ne cachent pas la tension qui oppose les deux élus sur le dossier Grenoble Habitat. De quoi montrer, si besoin, combien est lointaine l’entente parfaite pour une fusion entre Actis et GH. Annoncée en 2018, celle-ci a d’échouer « pour des raisons extérieures à notre volonté », rappelle Éric Piolle.
Eric Piolle, maire de Grenoble, en conseil métropolitain (février 2023). © Agathe Bréchemier – Place Gre’net
C’est le maire de Grenoble qui, le premier, a écrit au président de la Métropole pour lui demander de soumettre au conseil métropolitain une délibération afin de valider, ou non, le projet de cession des actions. Dans sa missive, Éric Piolle assure (de nouveau) que l’offre de CDC Habitat garantit une gouvernance locale du bailleur social, où la Métropole « devrait disposer de trois représentants au conseil d’administration ». Il garantit en outre qu’elle permet de maintenir l’emploi local.
Le maire de Grenoble revient par ailleurs sur la proposition de recapitalisation de la Métropole, qui avait donné lieu à des échanges acerbes lors du conseil métropolitain du 30 septembre 2022. « C’est pas une ventre à la criée, les amis ! », s’était ainsi exclamé Éric Piolle durant la séance. Le ton est plus posé dans son courrier : la proposition a été faite en dehors du cadre de l’appel à manifestation d’intérêt de la Ville, note-t-il. Ce avant de constater que la Métro n’a pas sollicité la présidente de Grenoble Habitat dans le cadre de cette proposition.
Christophe Ferrari annonce « voter défavorablement »
La réponse de Christophe Ferrari à son « cher Éric » ? « Je suis particulièrement attaché à ce que Grenoble Habitat reste un acteur local, avec une gouvernance locale. […] Je ne peux que constater que si cette vente d’actions devait se réaliser, ce ne serait malheureusement pas le cas », réplique le président de la Métropole. La CDC disposant de neuf sièges sur dix-sept au sein du conseil d’administration, « les trois sièges proposés à la Métropole au sein de celui-ci ne peuvent s’assimiler à une gouvernance locale », estime-t-il.
Christophe Ferrari redit son hostilité à la cession des actions Grenoble Habitat de la Ville de Grenoble en faveur de CDC Habitat. © Agathe Bréchemier, Place Gre’net
Christophe Ferrari renouvelle par la suite sa proposition de recapitalisation à hauteur de 15 millions d’euros. « Une proposition à laquelle vous n’avez jamais répondu par voie de courrier, que vous n’avez pas souhaité explorer, raison pour lesquelles il n’y avait aucun intérêt à saisir la présidente de Grenoble Habitat, élue de la Ville de Grenoble, collectivité majoritaire à elle seule au sein de la société jusqu’à présent », ajoute-t-il.
Le président de la Métropole conclut en indiquant son accord pour soumettre au conseil métropolitain une délibération en lien avec la cession des actions de la Ville en faveur de CDC Habitat, « tout en votant personnellement défavorablement ». « J’apprécie le sens des responsabilités dont vous faites preuve […] malgré vos réticences personnelles », lui a répondu Éric Piolle, une semaine plus tard, non sans renouveler ses arguments pour s’opposer à la proposition de la Métropole. Mais sans revenir, toutefois, sur la question de la « gouvernance locale ».
L’opposition municipale attend la décision du conseil métropolitain
Quelques jours avant le conseil métropolitain, la question de Grenoble Habitat s’est (à nouveau) invitée dans les débats lors du conseil municipal de Grenoble, lundi 25 septembre. Très attaqué par son opposition suite à sa condamnation pour favoritisme, le maire de Grenoble l’a tout autant été sur le projet de vente des actions GH à CDC Habitat. En toile de fond, la même critique récurrente : la Ville de Grenoble est accusée de « vendre les bijoux de famille » pour sécuriser sa propre trésorerie.
L’opposante Émilie Chalas n’a pas manqué de manifester son soutien – « une fois n’est pas coutume » – à des recours déposés par la CSF (Confédération syndicale des familles) et le Dal 38 contre la cession des actions Grenoble Habitat. Et l’ancienne députée d’accuser la Ville « de mettre en œuvre tous les moyens imaginables pour rentrer des sous », afin « de renflouer les caisses pour les trois années à venir ».
Émilie Chalas a conclu son propos en renvoyant à la décision du conseil métropolitain. « Pas certaine que votre proposition reçoive un quitus des élus, en particulier des maires de la métropole », a lancé l’élue d’opposition. Avant d’ironiser : « Si la vente est annulée, le budget est en banqueroute et, à n’en pas douter, le nouveau préfet de l’Isère est à jour sur les procédures de mise sous tutelle ». Même question côté Alain Carignon, plus sobrement : « Si le conseil métropolitain ne valide pas cette vente, que se passera-t-il ? » Sans doute une nouvelle saison pour le feuilleton.