REPORTAGE – Plus de 80 mobilisations ont eu lieu partout en France, ce samedi 16 janvier, pour protester contre les lois dites « liberticides ». En l’occurrence, la loi sécurité globale, la loi de programmation de la recherche et la loi séparatisme. À Grenoble, où les manifestations s’enchaînent depuis novembre, plusieurs centaines de personnes ont ainsi battu le pavé pour faire part de leur inquiétude et leur colère.
« Je pense que la loi de sécurité globale et toutes les mesures sécuritaires qui sont en train de passer en ce moment sont vraiment extrêmement liberticides, tempête Kim du collectif anti-répression 38. C’est un gros pas en avant vers un régime totalitaire et il faut combattre ça pour ne pas que ça arrive. »
Nouvelle année et nouvelle mobilisation dans les rues de Grenoble ce samedi 16 janvier.
Mais toujours les mêmes mots d’ordre : défendre les libertés et dénoncer les violences policières. Un mouvement national relayé à Grenoble par plusieurs organisations1Solidaires, CNNR Grenoble, Union communiste libertaire, Unef Grenoble, La France insoumise, CGT, NPA, Jeunes Insoumis, Fridays for future, PCF, CAR 38, Droit au logement, Union nationale des lycéens, UEC Grenoble….
Ni le froid hivernal, ni l’imposant dispositif policier, avec fouille des sacs à l’entrée, n’ont réussi à décourager plusieurs centaines de personnes qui s’étaient donné rendez-vous place de Verdun. Initialement prévu à 16 heures, le rassemblement a toutefois été avancé à 14 heures. Couvre-feu oblige.
Des lois qui inquiètent
« La vraie démocratie, elle est ici ! Et la loi sécurité ? On va la retirer ». Dans les haut-parleurs, les slogans s’enchaînent. Quelques effluves de vin chaud se font sentir. Les traditionnels drapeaux politiques et syndicaux sont de sortie. Dans le cortège, deux minibus diffusent de la musique techno, devant lesquels les manifestants dansent.
« On est encore là sur un sujet très important : nos libertés démocratiques et publiques. La loi Sécurité globale attaque frontalement nos libertés avec une série de mesures qui ont été adoptées », se désole Michel, militant au NPA. Alors, ce mouvement est l’occasion de rendre visible les dangers de ces lois, selon lui.
Et rien de mieux qu’un défilé pour se faire voir et se faire entendre. Peu avant 15 heures, les manifestants ont ainsi remonté la rue Lesdiguères, avant de tourner à gauche sur le boulevard Gambetta. Puis de nouveau tourner à gauche sur le boulevard Maréchal-Joffre pour reprendre la direction de la place de Verdun en passant par Chavant.
Début décembre, le ministère de l’Intérieur a publié trois décrets qui étendent le fichage policier aux « opinions politiques ». Les manifestants craignent un contrôle massif de leur orientation syndicale, idéologique ou politique. « L’État est en train de museler clairement la capacité de la démocratie à pouvoir s’exprimer », s’insurge Benjamin Moisset, secrétaire de Solidaires 38. Des décrets que dénoncent également les organisations syndicales et associatives de retraités qui se sont jointes à la manifestation.
Un contexte sanitaire défavorable aux mobilisations
La majorité des jeunes présents marchent en tête de cortège derrière les banderoles. « Je suis là pour que l’on s’organise afin de porter une riposte sociale face aux lois liberticides », insiste Lou, lycéenne et militante à la CNT mais aussi à l’Union communiste libertaire. Le confinement et le couvre-feu rendent les cours difficiles à suivre. « On va passer des épreuves du bac dans quelques semaines et personne n’est préparé », s’agace Lou. Qui affirme ne pas avoir l’impression d’être entendue par l’État. Ce alors que le mal-être des étudiants s’accentue.
La crise du coronavirus pèse aussi sur la mobilisation. « Le gouvernement utilise le contexte sanitaire pour empêcher les manifestations et ça l’arrange bien !, s’agace Kim. Mais on ne va pas se laisser faire ». Un point de vue que partage Émilie Marche, conseillère régionale La France insoumise en Auvergne Rhône-Alpes. « Encore une fois, on profite d’une crise pour atteindre nos droits. C’est du grand classique, ça a commencé avec Pinochet, donc c’est pas nouveau », juge-t-elle.
Pour l’élue, le gouvernement devrait d’abord s’attaquer aux questions économiques et sociales. « Au mois d’octobre, il y avait trente plans de licenciement par semaine et, là, bizarrement, on n’entend rien. Ce sont des gens sur le carreau, des vies brisées et une industrie qui part », s’insurge Émilie Marche. Qui craint que le couvre-feu avancé à 18 heures n’accentue encore les difficultés au niveau économique.
Maintenir la pression pour contrer les « lois liberticides »
Chez les manifestants, la détermination reste la même après plusieurs journées de mobilisation. « Ce qui m’inquiète c’est la prise de contrôle très claire de l’État sur la capacité de la population à pouvoir user de son droit d’expression », redoute Benjamin Moisset, au volant de la voiture de tête.
La conseillère régionale Émilie Marche espère que le mouvement permettra d’infléchir la politique gouvernementale. Elle souhaite que l’opposition retrouve des forces. « On a besoin de puissance politique et de réguler, explique-t-elle. Notamment dans le secteur de la santé, mobilisé depuis presque un an.
« Dans les hôpitaux, les infirmiers, les soignants n’ont toujours rien eu, constate l’élue. On ne rouvre pas de postes et on continue à fermer des lits. C’est juste impensable et pas possible ».
Elle voit dans ce mouvement une crise démocratique. « L’Assemblée nationale ne joue pas son rôle de contre-pouvoir mais sert uniquement à valider les décisions d’Emmanuel Macron », s’agace-t-elle. D’autres mobilisations sociales sont d’ores et déjà prévues. La prochaine concerne le secteur de l’éducation, mardi 26 janvier. « On garde le moral, on sait que l’on peut gagner », veut croire Benjamin Moisset, le secrétaire de Solidaires 38.
Tim Buisson
- 1 Solidaires, CNNR Grenoble, Union communiste libertaire, Unef Grenoble, La France insoumise, CGT, NPA, Jeunes Insoumis, Fridays for future, PCF, CAR 38, Droit au logement, Union nationale des lycéens, UEC Grenoble…
Les militants du Dal également présents à la manifestation contre les « lois liberticides »
Les annonces de la mairie de Grenoble n’auront pas réussi à satisfaire les militants du droit au logement (Dal). La Ville s’est pourtant engagée, jeudi 14 janvier 2021, à « mettre à l’abri » les occupants d’un immeuble vacant du quartier de l’Abbaye.
Une solution temporaire qui ne convient pas aux militants. Le Dal a ainsi défilé en déployant une grande banderole de plusieurs dizaines de mètres sur fond jaune pour réclamer la réquisition des logements pour loger les familles. « De l’air, de l’air, ouvrez les volets verts », ont scandé les militants.
Ils en ont profité pour faire signer aux passants la pétition qui demande à la mairie de rétablir les fluides. À savoir, l’électricité, le chauffage et le gaz.