ENTRETIEN – À l’orée du second tour des élections municipales, Olivier Noblecourt revient sur quelques aspects de sa campagne à Grenoble. Relégué à la quatrième place au premier tour, le candidat qui part seul après le refus d’Éric Piolle de tout rassemblement reste néanmoins combatif. Ses priorités ? Le social et l’emploi gravement touchés par la crise sanitaire. Avec, en filigrane, la crainte d’une nouvelle abstention massive au second tour.
« Allez, c’est parti ! », lance Olivier Noblecourt à deux de ses colistiers tandis que nous pénétrons dans le local de campagne de Grenoble nouvel air (GNA) où nous avons rendez-vous. L’équipe s’apprête à enregistrer un nouvel épisode de la web série baptisée Un nouvel air de campagne sur laquelle mise le candidat pour convaincre les indécis.
D’aucuns auraient pu croire Olivier Noblecourt quelque peu échaudé par sa quatrième place avec 13,31 % des voix au premier tour des élections municipales de Grenoble. Beaucoup en voulaient pour preuve son silence radio durant la période de confinement… tandis que ses adversaires, eux, poussaient allègrement les feux. De quoi s’interroger sur l’état de sa combativité présumée chancelante.
Foin de tout cela ! Olivier Noblecourt affiche ainsi résolument un « état d’esprit combatif », avant de revenir sur son score du premier tour et d’autres considérations.
« Je suis lucide sur le rapport de force actuel »
« La gauche que nous incarnons n’a pas pu être représentée à la hauteur de ce qu’on a pu vivre pendant la campagne », regrette le candidat. Qui déplore une « expression des électeurs biaisée » par une abstention record de près de 60 %, montant même jusqu’à 80 % dans certains quartiers populaires.
Pour autant, poursuit-il, « il faut considérer que rien n’est joué, les cartes sont rebattues ». Et ce malgré le désintérêt de certains citoyens « qui ne se sentent pas concernés par les conséquences de leurs votes sur leur vie quotidienne. C’est pour ceux-là que nous œuvrons », assure Olivier Noblecourt.
Le résultat du premier tour n’a pas modifié son cap qui reste toujours de pouvoir gérer la ville et, quoi qu’il arrive, siéger contrairement aux rumeurs. « Après, je suis lucide sur le rapport de force actuel, reconnaît-il. Mais je pense toutefois que nous sortons d’une crise qui a remis les priorités dans le bon ordre. La priorité sociale que nous avons portée au premier tour est plus que jamais essentielle. »
Pour l’ex-adjoint de Michel Destot, « c’est à l’aune de la situation des plus vulnérables qu’une équipe de gauche doit être jugée ». C’est d’ailleurs un point sur lequel le maire sortant a failli, considère-t-il. « Je pense que la gauche d’Éric Piolle a trahi les Grenoblois les plus fragiles sur la question sociale. Moi cette gauche là je ne m’y reconnais pas », lance Olivier Noblecourt. Cependant, pondère-t-il, « ce que je fais, je le fais sans exclusive et je n’ai pas la vérité à moi tout seul.».
« Un rassemblement c’est un accord politique où l’on accepte les compromis »
Reste qu’à Grenoble, le rassemblement des forces de gauche n’a pas eu lieu. L’occasion pour Olivier Noblecourt de revenir sur “l’appel du pied” – un terme qu’il réfute, « les mots ayant un sens » – , à Éric Piolle. « Nous n’avons fait aucun appel du pied. mais nous avons dit au premier tour ce que nous avions dit avant ». À savoir ? « Que nous étions ancrés à gauche et qu’en cohérence je serai toujours pour son rassemblement », rappelle le candidat.
Olivier Noblecourt tient à mettre les points sur les i.« Un rassemblement c’est un accord politique où l’on accepte les compromis,. Ce n’est pas un ralliement où tout d’un coup on déciderait que tout va bien », précise Olivier Noblecourt.
Un compromis qui en l’occurrence, aurait eu pour base, explique le candidat, « les points d’accord que nous avons avec Éric Piolle ».
Notamment sur les déplacements, le vélo, les rythmes scolaires ou d’autres décisions faisant consensus telle la fin de la publicité. « De la même façon, nous sommes également d’accord pour dire que c’est dans la convergence des acteurs à l’échelle territoriale que l’on peut affronter les enjeux de transition », ajoute-t-il.
Subsistent toutefois des désaccords majeurs. Notamment sur l’absence de politique et de mixité sociales depuis six ans ainsi que sur le rétablissement de la sécurité et de l’autorité publique, énumère Olivier Noblecourt.
« J’ai trouvé blessants les arguments employés par Éric Piolle »
Comment Olivier Noblecourt a‑t-il encaissé la fin de non-recevoir que lui a opposé Éric Piolle ? « Au niveau politique je suis très déçu. Je pensais que fort de son bon score il aurait à cœur de mettre en cohérence ses actes et ses paroles », explique-t-il. En effet, relève le candidat, « dès lors qu’il a professé le rassemblement au plan national, le moins qu’il pouvait faire était de le faire au plan local », regrette-t-il. Avant d’ajouter que « le rassemblement est toujours de la responsabilité du plus fort. Je pensais qu’il en serait conscient ».
Qu’en est-il sur le plan humain ? « J’ai trouvé blessants les arguments employés par Éric Piolle avec lequel j’ai eu pendant de nombreuses années une relation amicale », nous confie Olivier Noblecourt.
Des exemples ? « Comme essayer de me caricaturer en homme de droite “macroniste” alors que je ne suis pas encarté En marche. Ou encore me reprocher mon ancien poste de délégué ministériel sur la cause de ma vie qu’est la lutte contre la pauvreté », se souvient l’aspirant maire. « À me présenter comme ça, il a menti aux électeurs et j’ai trouvé ça très médiocre et malhonnête. C’est au final une manière de fuir le débat ».
« Il a raté l’occasion d’être à la hauteur du moment »
Quid de cette guerre des gauches qui telle celle de Troie n’aurait pas eu lieu à Grenoble ? « Éric Piolle souhaite la guerre des gauches parce qu’il a une culture qui est celle de la France insoumise qui est une culture de la soumission à gauche », estime Olivier Noblecourt. D’ailleurs, poursuit-il, « cela se voit dans sa campagne basée sur le culte de la personnalité ». Et de citer la pastille vidéo le montrant dans sa cuisine ou autre « numéro de claquette pour apparaître sympathique auprès de gens qui ont déjà tout ».
Pour Olivier Noblecourt, tout cela est « ridicule et indécent ». Tout particulièrement dans cette période de crise économique et sociale où « le sujet est plutôt de savoir ce qu’on fait pour les plus fragiles », assène-t-il. « Il y a beaucoup de légèreté, de dureté idéologique et de fermeture derrière un discours qui se veut gentil. Il a raté l’occasion d’être à la hauteur du moment », pourfend le candidat.
« On peut nous reprocher une entrée en lice trop tardive »
Pourquoi les propositions de la liste Grenoble nouvel air n’ont-elles pas percolé au sein de l’électorat grenoblois ? Première cause selon Olivier Noblecourt, la participation. « Dans les quartiers populaires nous avons été entendus par ceux qui sont allés voter mais la participation était tellement faible que ça a eu des conséquences ».
Ensuite le contexte lié au Covid-19 « a fait disparaître les enjeux locaux derrière les enjeux de politique nationale », analyse Olivier Noblecourt. Partant, « notre campagne s’est montrée moins lisible. Je pense que nous avons fait des erreurs avec des éléments que nous n’avons pas pu contrôler parce que plus forts que nous », reconnaît-il. Mais pas seulement, d’autres paramètres ont joué leur rôle.
« On peut également nous reprocher une entrée en lice trop tardive. Ou encore d’avoir dit, par excès de transparence, qu’on ne s’allierait pas avec certains », rajoute Olivier Noblecourt. Qui assume cependant ses choix : « Certes le résultat est décevant mais nous avons fait la campagne que nous voulions faire, le tout sans mauvais compromis », précise le candidat.
Le corps électoral biaisé par la crise du Covid-19 selon Olivier Noblecourt
Devant ce constat sans concession, comment renverser la tendance au second tour ? « On ne peut plus continuer à avoir des politiques publiques qui ignorent les plus vulnérables. J’insiste là-dessus car cette prise de conscience peut faire basculer les choses », expose Olivier Noblecourt. L’ex-délégué interministériel considère également qu’outre les enjeux sociaux, l’autre priorité reste l’emploi, ce dont il s’explique.
Se défendant d’être mauvais perdant, Olivier Noblecourt considère que le corps électoral a été biaisé par la crise du Covid-19 et ses effets sur les résultats du premier tour. « Je m’étonne d’être le seul à évoquer l’abstention dans ma profession de foi », souligne-t-il. Près de 80 % des électeurs des quartier populaires n’ont pas voté ! Ça devrait être la première préoccupation des autres candidats car cela sape la légitimité des élus ».
« Durant le confinement, j’ai choisi de me taire par dignité »
Justement, concernant la gestion de la crise sanitaire à Grenoble, Olivier Noblecourt y va de son commentaire a posteriori. « Durant le confinement, j’ai choisi de me taire par dignité. En effet, il n’y a rien de plus insupportable quand vous êtes aux manettes que ceux qui passent leur temps à dire qu’ils feraient mieux que vous », explique-t-il.
« Pour autant qu’est-ce qu’on constate aujourd’hui, interroge le candidat, qu’il ne s’est rien passé à Grenoble ! ». Pour le prétendant au fauteuil de maire, Éric Piolle n’a rien fait de remarquable. « En la matière, ce qu’a fait Martine Aubry à Lille avec les distributions alimentaires et le soutien aux plus fragiles, c’est cinq fois ce qui s’est passé à Grenoble ! », compare Olivier Noblecourt. Avant de rappeler qu’Éric Piolle a fermé le centre de soins infirmiers public du CCAS. « On avait besoin de quoi pendant la crise ? », questionne-t-il.
« Je crains une abstention encore plus importante »
Pour en revenir au deuxième tour des élections municipales et la possibilité d’une nouvelle abstention massive, Olivier Noblecourt est dans l’expectative. « Je reconnais humblement que cette élection est totalement imprévisible », pronostique-t-il, tout en décrivant une situation paradoxale. De fait, « beaucoup de gens nous disent que ça ne les intéresse pas beaucoup, qu’ils ne vont pas aller voter. En même temps, d’autres nous exhortent à tenir bon car ils vont se mobiliser », rapporte Olivier Noblecourt.
« Mais en effet, je crains une abstention encore plus importante et ce serait dramatique considérant la période », lâche-t-il. « Si les élus n’ont pas la légitimité suffisante parce qu’ils ont été élus par un trop petit nombre de nos concitoyens, c’est la porte ouverte à des manifestations violentes, argumente le candidat. Et c’est pour ça que c’est grave de refuser les logiques de rassemblement ».
Dans sa ligne de mire, bien sûr, Éric Piolle qu’il accuse de chercher à « nationaliser le scrutin ». Ne serait-ce qu’avec ses déplacements en soutien à telle ou telle personnalité de son sérail. « Les Grenoblois sont en droit de se demander comment un maire qui a la tête ailleurs peut gouverner cette ville », ironise Olivier Noblecourt.
Joël Kermabon
GRENOBLE NOUVEL AIR COMPTE S’INSCRIRE DANS LA DURÉE
Concernant Grenoble nouvel air, Olivier Noblecourt se projette dans un proche avenir. « Notre collectif va devenir une association et nous allons vivre et peser dans le débat municipal », annonce Olivier Noblecourt. « Éric Piolle a eu une gestion très dure et pas très respectueuse de ses oppositions dans le cadre du conseil municipal. Tous ses adversaires s’en sont plaint », rappelle le candidat. « Ce qui n’a pas empêché certains de trahir ce qu’ils ont dit pendant six ans pour le rejoindre », ironise-t-il.
« C’est pourquoi il faut porter le débat hors du conseil municipal pour contrecarrer le 49.3 permanent d’Éric Piolle. Nous serons donc présents à l’intérieur et à l’extérieur pour le faire vivre ».