Action de "désobéissance civile" organisée par l'Alliance citoyenne : des femmes musulmanes en burkini se sont baignées à la piscine Jean Bron à Grenoble, ce dimanche 23 juin 2019 © Séverine Cattiaux - Placegrenet.fr

Sous le feu des cri­tiques, Éric Piolle condamne les actions pro-bur­kini… tan­dis que la pro­chaine se prépare

Sous le feu des cri­tiques, Éric Piolle condamne les actions pro-bur­kini… tan­dis que la pro­chaine se prépare

FOCUS – Après plu­sieurs semaines et deux actions pro-bur­kini menées sur Grenoble par l’Alliance citoyenne, le maire Éric Piolle prend la parole pour condam­ner les actions mili­tantes et appe­ler au res­pect du règle­ment inté­rieur des pis­cines. De quoi ras­su­rer tous ceux qui, par voie de com­mu­ni­qués ou sur les réseaux sociaux, dénon­çaient autant les actions en ques­tion que le silence du maire à leur égard ?

« La Ville de Grenoble a fait part de sa déci­sion de ne pas faire évo­luer le règle­ment inté­rieur des pis­cines cet été. » Par ces quelques lignes, le maire de Grenoble Éric Piolle indique – cer­tains diront « enfin » – sa posi­tion sur les actions bur­kini qui ont récem­ment fait grand bruit dans la capi­tale des Alpes. Des actions menées les ven­dredi 17 mai et dimanche 23 juin par l’Alliance citoyenne de l’ag­glo­mé­ra­tion gre­no­bloise.

Le drapeau de l'Alliance citoyenne déployé dans une piscine pendant une opération burkini à Grenoble. © Séverine Cattiaux - Place Gre'net

Le dra­peau de l’Alliance citoyenne déployé dans une pis­cine pen­dant une action pro-bur­kini à Grenoble. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

« La Ville de Grenoble condamne ces atteintes au règle­ment inté­rieur, voté en conseil muni­ci­pal et qui s’ap­plique à tou-te‑s », écrit encore le maire de Grenoble. Pour qui les actions mili­tantes, et média­tiques, de l’Alliance citoyenne « perturbe[nt] le bon fonc­tion­ne­ment du ser­vice public, la tran­quillité des usa­gers et expose[nt] les fonc­tion­naires à des ten­sions inac­cep­tables ». De quoi ins­tau­rer, selon lui, un « cli­mat de ten­sion par­ti­cu­liè­re­ment pré­ju­di­ciable » en période de cani­cule.

L’Alliance citoyenne pré­pare sa pro­chaine opé­ra­tion burkini

Le maire de Grenoble condamne éga­le­ment « la stra­té­gie du choc qui est déployée », avant de plai­der pour un débat « apaisé, contra­dic­toire, métho­dique ». Pour conclure, Éric Piolle indique avoir saisi le minis­tère des Sports, « afin que le gou­ver­ne­ment lève toute forme d’am­bi­guïté sur le sta­tut du maillot de bain cou­vrant, rela­ti­ve­ment à l’hy­giène et à la sécu­rité des usa­gers ». Le bur­kini, comme la sécu­rité, une com­pé­tence de l’État ?

La prise de posi­tion d’Éric Piolle ne va pas man­quer d’être sou­mise très pro­chai­ne­ment à l’é­preuve des faits. L’Alliance citoyenne dif­fuse en effet un for­mu­laire d’ins­crip­tion pour une « sor­tie pis­cine en famille » le dimanche 30 juin. L’association fait dans ce cadre figu­rer le bur­kini parmi le choix des maillots… et pro­pose même d’en prê­ter à qui n’en aurait pas. De quoi enle­ver tout doute quant à la nou­velle dimen­sion mili­tante de l’opération.

Conseil municipal de Grenoble. Les opérations burkinis irritent l'opposition de la Ville. © Joël Kermabon - Place Gre'net

Conseil muni­ci­pal de Grenoble. Les opé­ra­tions bur­kini irritent l’op­po­si­tion de la Ville. © Joël Kermabon – Place Gre’net

L’ambiguïté, c’est le reproche qui a été fait ces der­nières semaines à Éric Piolle concer­nant les actions pro-bur­kini de l’Alliance citoyenne. À com­men­cer par Matthieu Chamussy, conseiller muni­ci­pal d’opposition et pré­sident du groupe Réussir Grenoble, qui a dénoncé le silence du maire de Grenoble face à l’ac­tion du 17 mai. Un silence qui, en s’é­ter­ni­sant, a décu­plé son irri­ta­tion, alors même qu’il avait pris le temps d’ex­hu­mer des posts Facebook aux relents anti­sé­mites ou conspi­ra­tion­nistes d’une des meneuses.

Irritation tou­jours côté oppo­si­tion de gauche. Le Rassemblement de gauche et de pro­grès de Grenoble condamne, lui aussi, les actions pro-bur­kini. Et demande au maire « de prendre toutes les mesures pour faire res­pec­ter le règle­ment des pis­cines muni­ci­pales », ainsi que d’en­ga­ger « toutes les actions en son pou­voir contre ces acti­vistes ». Aucun doute pour les élus : ces actions ont pour but de « faire pré­va­loir des règles reli­gieuses sur celles de la République ».

Des condam­na­tions una­nimes de tous bords

Sans sur­prise, Mireille d’Ornano condamne éga­le­ment l’ac­tion de l’Alliance citoyenne. La conseillère muni­ci­pale Les Patriotes, ancien­ne­ment Front natio­nal, estime que « cette opé­ra­tion ne sert mal­heu­reu­se­ment ni l’image des musul­mans gre­no­blois, ni la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes ». Et celle-ci de décrire les opé­ra­tions bur­kini comme des « pro­vo­ca­tions » qui contre­viennent aux règle­ments inté­rieurs des pis­cines municipales.

Le 23 juin, contrairement à la précédente opération burkini, la police a mis fin au mouvement de l'Alliance citoyenne. © Séverine Cattiaux - Place Gre'net

Le 23 juin, contrai­re­ment à la pré­cé­dente opé­ra­tion bur­kini, la police a mis fin au mou­ve­ment de l’Alliance citoyenne. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net

Les réac­tions affluent éga­le­ment en-dehors du cercle des élus gre­no­blois. Alain Carignon juge que les actions mili­tantes « consti­tuent une dérive sup­plé­men­taire qui dégrade encore le vivre-ensemble à Grenoble ». Et lde consi­dé­rer qu’Éric Piolle ne veut « pas dési­gner la réa­lité, pour d’évidentes rai­sons de clien­té­lisme élec­to­ral ».. Tandis que Stéphane Gemmani consi­dère qu’un lieu public « est et doit res­ter régle­men­taire et en aucun cas voir appa­raître le reli­gieux ». Avant de consi­dé­rer à son tour que la pos­ture « tar­dive » du maire de Grenoble n’est « pas à la hau­teur ».

« Si la carence du Maire à agir devait sub­sis­ter, nous deman­dons au pré­fet de se sub­sti­tuer à lui afin que nul n’ignore le sens, la por­tée et la force de nos lois démo­cra­tiques », sug­gère de son côté sans sour­ciller le mou­ve­ment du Printemps répu­bli­cain Grenoble. Et le socia­liste Jean-Baptiste Caillet, secré­taire de sec­tion PS Meylan-Corenc-La-Tronche, écrit pour sa part craindre une offen­sive de « l’is­lam poli­tique (…) aux endroits où il per­çoit une faille ».

Le silence des dépu­tés En marche Olivier Véran et Émilie Chalas

N’en jetez plus ? Le blo­gueur Naëm Bestandji fus­tige, lui aussi, les opé­ra­tions bur­kini… et ne se satis­fait guère du der­nier com­mu­ni­qué d’Éric Piolle. « Il condamne les actions des isla­mistes mais ne les nomme pas. Pas plus qu’il ne nomme le bur­kini. Il reprend le terme choisi par les isla­mistes pour le bana­li­ser : « maillot de bain cou­vrant » », dénonce-t-il. Le même blo­gueur rap­pe­lait, quelques jours plus tôt, que l’Alliance citoyenne béné­fi­cie depuis deux ans d’une sub­ven­tion de 5 000 euros de la part de Grenoble-Alpes Métropole.

Marlène Schiappa dénonce « l'ambiguité » du maire de Grenoble face aux opérations burkini © Assemblée nationale

Marlène Schiappa dénonce « l’am­bi­guité » du maire de Grenoble face aux opé­ra­tions bur­kini © Assemblée nationale

À ce flot de paroles, il man­quait celle de la Secrétaire d’État en charge de l’Égalité entre les hommes et les femmes. C’est chose faite via le Dauphiné libéré, où Marlène Schiappa voit, elle aussi, dans l’at­ti­tude du maire de Grenoble une « ambi­guïté ». Elle reproche ainsi à Éric Piolle de ne pas « inter­ve­nir fer­me­ment pour défendre les droits des femmes et les valeurs de la République », face à une « très petite mino­rité qui mul­ti­plie des actions coup-de-poing ».

Par cette prise de parole, la ministre donne-t-elle le la de la posi­tion En marche sur la ques­tion ? Les dépu­tés de l’Isère Olivier Véran et Émilie Chalas gardent pour l’heure le silence sur les deux actions bur­kini de Grenoble. De même qu’Olivier Six, can­di­dat à l’in­ves­ti­ture En marche pour les muni­ci­pales. Seule une autre can­di­date, Cécile Prost, aborde la ques­tion… en par­ta­geant sur Facebook l’ar­ticle du Dauphiné libéré dans lequel s’ex­prime Marlène Schiappa.

Un débat enflammé sur les réseaux sociaux

Restent les réac­tions en-dehors de la sphère poli­tique… et celles-ci sont par­ti­cu­liè­re­ment nom­breuses. Sur les réseaux sociaux et dans les com­men­taires relayant les actions de l’Alliance citoyenne, le débat fait rage… pour le meilleur et pour le pire. Alors que des inter­nautes reven­diquent ou défendent le droit de cha­cun à s’ha­biller comme il l’en­tend, d’autres mettent en avant les ques­tions d’hy­giène, le règle­ment des pis­cines, ou sim­ple­ment la laïcité.

Pour certains internautes, l'Alliance citoyenne est infiltrée par l'Islam politique avec ses opérations burkinis.

Pour cer­tains inter­nautes, l’Alliance citoyenne qui mène ces opé­ra­tions bur­kini est infil­trée par l’Islam poli­tique. DR

La com­pa­rai­son avec Rosa Parks choque nombre de com­men­ta­teurs, tan­dis que d’autres rap­pellent que des femmes se battent dans cer­tains pays… pour ne plus avoir l’o­bli­ga­tion de se cou­vrir le visage. « Si en France on force les femmes à por­ter le voile, on veut bien se battre pour que ça change », répond l’Alliance citoyenne. Mais l’as­so­cia­tion semble déjà consi­dé­rée par cer­tains comme infil­trée par l’Islam poli­tique, sinon par les Frères musulmans.

« Je ne suis pas voi­lée, ma fille si, et jamais nous n irions faire ce genre de choses », nous écrit une per­sonne de confes­sion musul­mane à titre de témoi­gnage. Pour elle, les mili­tantes « font du tort aux musul­manes qui veulent res­ter dis­crètes » et qui « jamais n iraient bra­ver un Interdit et une régle­men­ta­tion ». Et cette per­sonne de conclure en esti­mant qu’a­près de telles actions, « les Musulmanes voi­lées vont en prendre plein la tête ».

Florent Mathieu

Florent Mathieu

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