FOCUS – Après plusieurs semaines et deux actions pro-burkini menées sur Grenoble par l’Alliance citoyenne, le maire Éric Piolle prend la parole pour condamner les actions militantes et appeler au respect du règlement intérieur des piscines. De quoi rassurer tous ceux qui, par voie de communiqués ou sur les réseaux sociaux, dénonçaient autant les actions en question que le silence du maire à leur égard ?
« La Ville de Grenoble a fait part de sa décision de ne pas faire évoluer le règlement intérieur des piscines cet été. » Par ces quelques lignes, le maire de Grenoble Éric Piolle indique – certains diront « enfin » – sa position sur les actions burkini qui ont récemment fait grand bruit dans la capitale des Alpes. Des actions menées les vendredi 17 mai et dimanche 23 juin par l’Alliance citoyenne de l’agglomération grenobloise.
Le drapeau de l’Alliance citoyenne déployé dans une piscine pendant une action pro-burkini à Grenoble. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
« La Ville de Grenoble condamne ces atteintes au règlement intérieur, voté en conseil municipal et qui s’applique à tou-te‑s », écrit encore le maire de Grenoble. Pour qui les actions militantes, et médiatiques, de l’Alliance citoyenne « perturbe[nt] le bon fonctionnement du service public, la tranquillité des usagers et expose[nt] les fonctionnaires à des tensions inacceptables ». De quoi instaurer, selon lui, un « climat de tension particulièrement préjudiciable » en période de canicule.
L’Alliance citoyenne prépare sa prochaine opération burkini
Le maire de Grenoble condamne également « la stratégie du choc qui est déployée », avant de plaider pour un débat « apaisé, contradictoire, méthodique ». Pour conclure, Éric Piolle indique avoir saisi le ministère des Sports, « afin que le gouvernement lève toute forme d’ambiguïté sur le statut du maillot de bain couvrant, relativement à l’hygiène et à la sécurité des usagers ». Le burkini, comme la sécurité, une compétence de l’État ?
La prise de position d’Éric Piolle ne va pas manquer d’être soumise très prochainement à l’épreuve des faits. L’Alliance citoyenne diffuse en effet un formulaire d’inscription pour une « sortie piscine en famille » le dimanche 30 juin. L’association fait dans ce cadre figurer le burkini parmi le choix des maillots… et propose même d’en prêter à qui n’en aurait pas. De quoi enlever tout doute quant à la nouvelle dimension militante de l’opération.
Conseil municipal de Grenoble. Les opérations burkini irritent l’opposition de la Ville. © Joël Kermabon – Place Gre’net
L’ambiguïté, c’est le reproche qui a été fait ces dernières semaines à Éric Piolle concernant les actions pro-burkini de l’Alliance citoyenne. À commencer par Matthieu Chamussy, conseiller municipal d’opposition et président du groupe Réussir Grenoble, qui a dénoncé le silence du maire de Grenoble face à l’action du 17 mai. Un silence qui, en s’éternisant, a décuplé son irritation, alors même qu’il avait pris le temps d’exhumer des posts Facebook aux relents antisémites ou conspirationnistes d’une des meneuses.
Irritation toujours côté opposition de gauche. Le Rassemblement de gauche et de progrès de Grenoble condamne, lui aussi, les actions pro-burkini. Et demande au maire « de prendre toutes les mesures pour faire respecter le règlement des piscines municipales », ainsi que d’engager « toutes les actions en son pouvoir contre ces activistes ». Aucun doute pour les élus : ces actions ont pour but de « faire prévaloir des règles religieuses sur celles de la République ».
Des condamnations unanimes de tous bords
Sans surprise, Mireille d’Ornano condamne également l’action de l’Alliance citoyenne. La conseillère municipale Les Patriotes, anciennement Front national, estime que « cette opération ne sert malheureusement ni l’image des musulmans grenoblois, ni la lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes ». Et celle-ci de décrire les opérations burkini comme des « provocations » qui contreviennent aux règlements intérieurs des piscines municipales.
Le 23 juin, contrairement à la précédente opération burkini, la police a mis fin au mouvement de l’Alliance citoyenne. © Séverine Cattiaux – Place Gre’net
Les réactions affluent également en-dehors du cercle des élus grenoblois. Alain Carignon juge que les actions militantes « constituent une dérive supplémentaire qui dégrade encore le vivre-ensemble à Grenoble ». Et lde considérer qu’Éric Piolle ne veut « pas désigner la réalité, pour d’évidentes raisons de clientélisme électoral ».. Tandis que Stéphane Gemmani considère qu’un lieu public « est et doit rester réglementaire et en aucun cas voir apparaître le religieux ». Avant de considérer à son tour que la posture « tardive » du maire de Grenoble n’est « pas à la hauteur ».
« Si la carence du Maire à agir devait subsister, nous demandons au préfet de se substituer à lui afin que nul n’ignore le sens, la portée et la force de nos lois démocratiques », suggère de son côté sans sourciller le mouvement du Printemps républicain Grenoble. Et le socialiste Jean-Baptiste Caillet, secrétaire de section PS Meylan-Corenc-La-Tronche, écrit pour sa part craindre une offensive de « l’islam politique (…) aux endroits où il perçoit une faille ».
Le silence des députés En marche Olivier Véran et Émilie Chalas
N’en jetez plus ? Le blogueur Naëm Bestandji fustige, lui aussi, les opérations burkini… et ne se satisfait guère du dernier communiqué d’Éric Piolle. « Il condamne les actions des islamistes mais ne les nomme pas. Pas plus qu’il ne nomme le burkini. Il reprend le terme choisi par les islamistes pour le banaliser : « maillot de bain couvrant » », dénonce-t-il. Le même blogueur rappelait, quelques jours plus tôt, que l’Alliance citoyenne bénéficie depuis deux ans d’une subvention de 5 000 euros de la part de Grenoble-Alpes Métropole.
Marlène Schiappa dénonce « l’ambiguité » du maire de Grenoble face aux opérations burkini © Assemblée nationale
À ce flot de paroles, il manquait celle de la Secrétaire d’État en charge de l’Égalité entre les hommes et les femmes. C’est chose faite via le Dauphiné libéré, où Marlène Schiappa voit, elle aussi, dans l’attitude du maire de Grenoble une « ambiguïté ». Elle reproche ainsi à Éric Piolle de ne pas « intervenir fermement pour défendre les droits des femmes et les valeurs de la République », face à une « très petite minorité qui multiplie des actions coup-de-poing ».
Par cette prise de parole, la ministre donne-t-elle le la de la position En marche sur la question ? Les députés de l’Isère Olivier Véran et Émilie Chalas gardent pour l’heure le silence sur les deux actions burkini de Grenoble. De même qu’Olivier Six, candidat à l’investiture En marche pour les municipales. Seule une autre candidate, Cécile Prost, aborde la question… en partageant sur Facebook l’article du Dauphiné libéré dans lequel s’exprime Marlène Schiappa.
Un débat enflammé sur les réseaux sociaux
Restent les réactions en-dehors de la sphère politique… et celles-ci sont particulièrement nombreuses. Sur les réseaux sociaux et dans les commentaires relayant les actions de l’Alliance citoyenne, le débat fait rage… pour le meilleur et pour le pire. Alors que des internautes revendiquent ou défendent le droit de chacun à s’habiller comme il l’entend, d’autres mettent en avant les questions d’hygiène, le règlement des piscines, ou simplement la laïcité.
Pour certains internautes, l’Alliance citoyenne qui mène ces opérations burkini est infiltrée par l’Islam politique. DR
La comparaison avec Rosa Parks choque nombre de commentateurs, tandis que d’autres rappellent que des femmes se battent dans certains pays… pour ne plus avoir l’obligation de se couvrir le visage. « Si en France on force les femmes à porter le voile, on veut bien se battre pour que ça change », répond l’Alliance citoyenne. Mais l’association semble déjà considérée par certains comme infiltrée par l’Islam politique, sinon par les Frères musulmans.
« Je ne suis pas voilée, ma fille si, et jamais nous n irions faire ce genre de choses », nous écrit une personne de confession musulmane à titre de témoignage. Pour elle, les militantes « font du tort aux musulmanes qui veulent rester discrètes » et qui « jamais n iraient braver un Interdit et une réglementation ». Et cette personne de conclure en estimant qu’après de telles actions, « les Musulmanes voilées vont en prendre plein la tête ».