EN BREF — La préfecture de l’Isère annonce déférer devant le tribunal administratif l’arrêté anti-remise à la rue adopté par la Ville de Grenoble le 22 mai. Et fait valoir les « efforts considérables » déployés par l’État en matière de logement et d’hébergement sur le département, tout en rappelant la mise en place du plan Logement d’abord sur le territoire de la Métropole.
L’annonce n’a rien d’une surprise : la préfecture de l’Isère fait savoir qu’elle défère devant le tribunal administratif l’arrêté municipal adopté par la Ville de Grenoble interdisant toute expulsion non assortie de proposition de relogement ou d’hébergement. Issu d’un vœu présenté par le groupe Ensemble à gauche, l’arrêté avait été approuvé lors du conseil municipal du 13 mai 2019 et promulgué neuf jours plus tard, le mercredi 22 mai.
« Dans le cadre du contrôle de légalité qu’il exerce sur les actes des collectivités territoriales, le
préfet de l’Isère a déféré cet arrêté au tribunal administratif pour annulation », indique la préfecture. Pour quelle raison ? « Il n’est […] pas dans les pouvoirs du maire de faire obstacle à la décision de justice qui constitue le fondement de la procédure d’expulsion », écrit-elle. Une « remise en cause des pouvoirs du juge » que les services de l’État jugent irrégulière.
Un arrêté illégal ?
« Le préfet déplore d’autant plus la décision de la commune que plusieurs arrêtés municipaux, au contenu similaire, ont déjà été jugés illégaux par la juridiction administrative au cours de ces dernières années », ajoute la préfecture. Et de citer l’exemple de douze municipalités communistes de Seine-Saint-Denis, dont les arrêtés anti-expulsions adoptés au début des années 2010 avaient tous été annulés par la justice.
Durant le conseil municipal de Grenoble du 13 mai, l’élu Alan Confesson jugeait pourtant que l’arrêté proposé n’était pas un simple arrêté anti-expulsion promis à annulation. Mais qu’il entrait au contraire dans les clous de la légalité, en imposant « une solution effective, décente et adaptée de logement ou le cas échéant d’hébergement ». Récemment annulé par le TA de Lyon, un arrêté adopté par la commune de Vénissieux usait toutefois de termes similaires.
Une annulation à venir ? Cela ne fait aucun doute aux yeux du groupe d’opposition Réussir Grenoble, pour qui le maire de Grenoble « instrumentalise la misère » à des fins politiciennes. Tandis que les militants de Droit au logement 38 appellent, de leur côté, l’ensemble des 49 communes du territoire métropolitain à adopter un arrêté similaire, précisément dans le but de faire pression sur les services de la préfecture.
Le préfet met en avant les « efforts considérables » de l’État
Visiblement piqué au vif, le préfet de l’Isère assure pour sa part « mettre tout en œuvre pour limiter les expulsions des personnes les plus démunies ». « Les expulsions n’arrivent qu’en dernier recours d’un travail social important, marqué par une recherche active de solutions avec les ménages concernés », écrit ainsi la préfecture, tout en vantant les « efforts considérables » fournis pour assurer un logement ou un hébergement aux personnes en situation de précarité.
Parmi ces efforts : « 1 016 places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale [et] plus de 1 300 places d’hébergement d’urgence pérenne […] ouvertes aujourd’hui en Isère », auxquelles s’ajoutent plus de 500 place, dans le cadre du dispositif hivernal. De plus, chiffre encore la préfecture, « 2 124 logements sociaux ont été agréés par les services de l’État en Isère en 2018, après 1 969 logements en 2017 et 2 182 logements en 2016 ».
Lionel Beffre conclut en mentionnant encore la mise en place du Plan Logement d’abord sur le territoire métropolitain. Bref, pour le préfet de l’Isère, les services de l’État « travaillent en étroite relation avec les collectivités territoriales afin de privilégier des solutions pérennes de retour au logement pour ceux dont la situation administrative le permet, plutôt qu’une multiplication des réponses d’hébergement de court terme ».