EN BREF – En dix ans, la société Lafleur avait entreposé, sur la commune de La Pierre en Isère, dans une zone classée d’intérêt écologique, plus de 70 000 tonnes de matériaux. Après huit années de procédures et moult plaintes et mises en demeure, le tribunal correctionnel de Grenoble a, le 6 mai, condamné l’entreprise et son gérant à 43 000 euros d’amende et six mois de prison ferme. Un expert va être nommé afin d’évaluer le préjudice subi.
Accumulation de déchets sur le site de Lafleur, sur la commune de La Pierre. © commune de La Pierre.
La société Lafleur, basée à Eybens en Isère, a été condamnée, lundi 6 mai, par le tribunal correctionnel de Grenoble à 43 000 euros d’amende. Son gérant écope, lui, d’un an d’emprisonnement dont six mois avec sursis ainsi que d’une interdiction d’exercer pendant cinq ans pour avoir pollué et détruit une zone humide en Isère*.
En dix ans, l’entreprise avait déposé 74 000 tonnes de matériaux divers dans une ancienne gravière de la commune de La Pierre, classée « zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique ».
Après huit années de procédures, les parties civiles** ont également obtenu 149 000 euros de provision sur dommages-intérêts et la nomination d’un expert afin d’évaluer l’étendue du dommage environnemental et du préjudice subi. Expert qui devrait rendre ses conclusions le 2 décembre prochain.
Les procédures se multipliaient depuis 2011
C’est en 2010 que la société Lafleur arrive sur la commune de La Pierre, contre l’avis du conseil municipal d’alors mais avec l’aval de la préfecture qui autorise son installation.
Le site choisi par l’entreprise est une carrière de pierres séparée de l’Isère par une vingtaine de mètres à peine. De l’autre côté, se trouve l’étang Manon.
Spécialisée dans l’exploitation de gravières et sablières et l’extraction d’argiles et de kaolin, l’entreprise Lafleur qui sur son site prétend « être sensible aux valeurs environnementales » et se préoccuper grandement du recyclage des déchets de matériaux, verra dès lors défiler les procédures.
Plaintes, amendes et mises en demeure se multiplient jusqu’à un arrêté préfectoral ordonnant en 2015 la suppression des installations et la cessation des activités. En 2013, l’entreprise a ainsi été condamnée à 4 000 euros d’amende, et 1 500 de dommages et intérêts à verser à la Frapna, pour des travaux d’affouillement en infraction avec le code de l’urbanisme.
Lundi, la société Lafleur avait au final à répondre d’une vingtaine de délits liés à l’environnement et à l’urbanisme.
La Frapna en appelle à la remise en état du site
« Plus de 48 000 m3 de déchets et de matériaux, stockés sur une surface de 13 000 m2, avec des hauteurs de remblai allant de 2 à 4 mètres, ont asséché la zone humide et fortement perturbé le fonctionnement de la zone d’expansion des crues, ce qui peut avoir des conséquences sur la sécurité des biens et des personnes », souligne la Frapna Isère, une des parties civiles du procès.
« Ce bouleversement de la plaine alluviale de l’Isère compromet toutes ses fonctionnalités, stockage et purification des eaux, régulation des débits, etc, et menace la biodiversité qu’elle abrite », poursuit l’association qui en appelle désormais à la remise en état du site le plus rapidement possible. Avec une question en suspend : l’entreprise aura-t-elle les moyens de payer la dépollution générée depuis des années ?
Patricia Cerinsek
* Le parquet avait requis dix-huit mois d’emprisonnement ferme et 16 500 euros d’amende à l’encontre du gérant et 57 500 euros d’amende à l’encontre de la société, assortie d’une remise en état des lieux dans un délai de six mois avec une astreinte de 500 euros par jour de retard.
** Les communes de La Pierre et Champ-près-Froges, le Département de l’Isère, l’Unicem (union nationale des industries de carrière et matériaux), la Frapna (devenue depuis FNE-Aura), la fédération de pêche de l’Isère et le Symbi (syndicat mixte des bassins hydrauliques de l’Isère)