FOCUS – Le délégué du procureur a convoqué, ce mardi 7 mai, neuf activistes d’ANV-Cop21 auteurs de la “réquisition” du portrait d’Emmanuel Macron à Poisat. Une action visant à symboliser le « vide de la politique climatique et sociale du gouvernement ». Après les avoir tous entendus, le délégué leur a signifié un simple rappel à la loi. Les militants, qui risquaient cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, n’ont toutefois pas consenti à rendre le portrait.
Une dizaine d’activistes d’Action non violente – Cop21 (ANV-Cop21) avaient décroché, le 3 avril dernier, le portrait d’Emmanuel Macron dans la salle du conseil municipal de Poisat. Après enquête, la gendarmerie d’Eybens les avaient placés en garde à vue entre les 4 et 9 avril pour « vol en réunion ». Non sans avoir perquisitionné leurs domiciles respectifs dans l’espoir de retrouver le portrait.
L’objectif de cette opération coup de poing intitulée « Sortons Macron » ? Interpeller le gouvernement afin qu’il prenne des mesures radicales contre le réchauffement climatique.
Ce mardi 7 mai, neuf des dix activistes interpellés ont répondu à une convocation du délégué du procureur de la République, en vue d’un rappel à la loi. Mais ces derniers n’ont pas dévié de leurs premières déclarations, refusant d’une seule voix de rendre le portrait du président.
« Si c’était à refaire, je le referais ! »
« Nous lui avons dit que c’était une action non violente symbolique et que nous ne reconnaissions pas le vol du portrait », relate Philippe, l’une des personnes convoquées. « Quand comptez-vous le rapporter ? », leur a demandé le délégué du procureur. « C’est une réquisition, pas un vol. Nous le ramènerons quand M. Macron prendra des mesures effectives pour lutter contre le réchauffement climatique. »
Les activistes risquaient pourtant gros, selon les termes de la loi. De fait, pour la qualification de « vol en réunion » le législateur a prévu cinq ans d’emprisonnement et une amende de 75 000 euros. Pas de quoi démonter Philippe, qui assure n’avoir aucun regret. « Je suis très content d’avoir participé à cette action. Si c’était à refaire, je le referais », déclare-t-il.
Au nombre des personnes convoquées, Stéphane Poulle, un journaliste qui a notamment travaillé pour Thalassa. « J’ai dit que je ne comprenais pas pourquoi j’étais convoqué alors que je n’ai fait que le métier que je fais depuis trente ans », relate-t-il. Et ce d’autant plus, fait-il remarquer, « que d’autres confrères étaient présents au moment de cette action et que eux n’ont pas été convoqués ». Pour Stéphane Poulle, la cause est entendue. Il était là pour faire des images de l’action qui se déroulait, pour informer, ni plus ni moins.
« C’est de la communication de masse, nous essayons juste de parler aux gens »
« Nous avons mené l’action à visages découverts. Il n’était pas question pour nous de refuser de signer le rappel à la loi », explique Valentin. Tout comme Philippe, il reste déterminé à ne pas céder. « Nous serons heureux de rendre le portrait le jour où il y aura plus de justice sociale et climatique », assure le militant.
Quant à l’entrevue, « elle est restée bonhomme », décrit-il. Point de morale sur la forme de l’action ou ses raisons. « Il [le délégué du procureur, ndlr] serait sorti de son rôle en faisant cela, fait remarquer Valentin. Et, nous, nous étions dans le nôtre. »
Avec le recul, cette réquisition valait-elle le coup ? « Oui ! », rétorque Valentin. « Elle participe d’un mouvement où nous essayons de faire prendre conscience aux gens. » Le militant ne se berce pas d’illusions. « Il est évident que cette action par elle-même n’aura pas un grand impact. C’est de la communication de masse, nous essayons juste de parler aux gens. »
Actions non violentes, marches pour le climat, rapport du Giec… Autant de signes d’une prise de conscience que les militants souhaitent massive. « Cette action en est une parmi beaucoup d’autres. Par ailleurs, d’autres mouvements de désobéissance civile émergent et des scientifiques s’engagent », s’enflamme Valentin. « Tout ça fait partie d’un tout. Alors, oui, ça vaut le coup ! On peut regretter que ça arrive tard, mais néanmoins c’est bien là ! », assure-t-il.
Une cinquantaine de portraits “réquisitionnés” dans les mairies de France
Toujours est-il que les militants ont tout intérêt à se tenir à carreau pendant au moins six ans ! En effet, le rappel à la loi, loin d’être un classement sans suite, constitue une mise en garde sur le caractère répréhensible des agissements constatés.
En cas de récidive, le procureur de la République est en droit, sauf élément nouveau, de mettre en œuvre une composition pénale ou d’engager des poursuites. Ce qui n’a pas empêché les activistes de poursuivre leurs actions depuis le 21 février. Ils ont ainsi déjà “réquisitionné” plus de trente-neuf portraits dans des mairies de France.
Ces photographies d’Emmanuel Macron, tenues en lieu sûr, sont parfois exhibées au cours d’actions coup de poing. Pourquoi avoir choisi cette forme d’action ? « En laissant des murs vides à la place des portraits que nous décrochons, nous illustrons symboliquement le vide de la politique climatique et sociale du gouvernement », expliquent les activistes d’ANV – Cop21.
Joël Kermabon