3 QUESTIONS À – Les projets d’urbanisme de la Ville de Grenoble avancent cahin-caha. Disparu des radars, le futur quartier Esplanade à l’entrée ouest de la ville est depuis cinq mois dans les mains des concepteurs. Du côté de Flaubert, la co-construction du premier grand quartier en transition de Grenoble n’attire pas, pour le moment, les foules. À la Villeneuve et au quartier de l’Abbaye, les projets de démolitions font grincer les dents. Le point avec Vincent Fristot, adjoint à l’urbanisme, à la transition et au logement.
Place Gre’net – Cinq mois se sont écoulés depuis la réunion publique du 3 décembre dernier. Le projet du quartier de l’Esplanade doit très certainement évoluer… Où en êtes-vous ? Quel rôle ont joué les « garants de le concertation » dans le projet ?
Vincent Fristot – Oui, sur l’Esplanade, le projet avance. Nous travaillons actuellement dans l’idée de présenter début juin une synthèse de nos travaux au public. Nous accusons donc un petit retard, c’est vrai, par rapport à un rendu initialement prévu pour le printemps […]
Mais il faut voir que, sur ce secteur, nous traitons différentes échelles, et nous avons des calages techniques nécessaires, parce qu’on a des objectifs qualitatifs très importants. Ce qui a été présenté par HDZ – à l’ensemble des adjoints concernés, Lucille Lheureux, moi-même, la Métropole au titre des voiries – a appelé un travail supplémentaire pour préciser les questions du stationnement, par exemple, et de la végétalisation que nous souhaitons sur l’Esplanade, bien sûr tout à fait compatible avec l’activité foraine. Car, évidemment, on reste dans les objectifs prévus…
Je rappelle aussi qu’en janvier dernier un comité de pilotage s’est tenu et a clos la séquence des trois scenarii. Il s’est tenu en présence de membres de conseils citoyens indépendants, « les garants de la concertation » [cf. encadré, ndlr]. Au cours de ce comité, les points de convergence, de débats ont été exposés par les garants.
Pour moi, ce qui est important, c’est que nous ayons une vraie transparence des choses, qu’il n’y ait pas de décisions prises dans un coin de manière opaque. Évidemment, il y a des décisions politiques à prendre, parce que cela engage des budgets, c’est aussi une façon de concevoir la ville sur laquelle nous avons exprimé nos prises de position politique […]
En juin, nous présenterons donc un plan guide, où l’on commencera à voir la photo plus fine du futur quartier avec, par exemple, une fourchette de logements plus précise par rapport à ce qu’on avait auparavant.
Ce document est important, car tout ce qu’on va proposer dans ce plan guide, il faudra le faire ensuite ! De ce plan guide sortent les « fiches de lots » qui sont données aux différents constructeurs. Dans le document, nous aurons fixé par exemple le lieu du pôle de vie avec les commerces, les espaces publics, comme la création d’un parc de proximité…
Sur la Zac Flaubert, l’îlot Marceline a démarré. Pour le reste, l’ensemble du projet fait l’objet d’une nouvelle co-construction qui a débuté sur les chapeaux de roues en avril dernier. Or une dizaine de personnes tout au plus étaient présentes lors de l’un des premiers ateliers. N’êtes-vous pas un peu déçu par ce manque d’engouement de la part des habitants pour un quartier qui doit être exemplaire en terme de transition ? Quels sont les enjeux pour les secteurs Cœur de Flaubert, et Berthelot/ Zola, qui seront les thèmes des ateliers de concertation, les 11 et 15 mai prochains ?
Vincent Fristot – On est sur une première phase d’ateliers. Il y en aura d’autres. J’étais présent à deux ateliers, j’ai vu un peu plus de monde, trois tables qui ont fonctionné. On était plutôt de l’ordre de la quinzaine de participants, mais c’est encore peu.
Je l’accorde, c’est nettement insuffisant, mais l’atelier est l’une des formes de participation, et ce n’est pas la seule prévue. En tout cas, la Ville a veillé, autant pour le projet Esplanade que sur Flaubert, à s’entourer de spécialistes de la participation des citoyens, avec l’équipe HDZ pour l’un et Sathy pour l’autre.
Autant lors des ateliers auxquels j’ai assisté qu’à travers les retours que j’ai eus par ailleurs, je considère que la qualité est au rendez-vous, même s’il n’y a pas la quantité. Il ne faut pas se décourager. Cela a vocation à s’amplifier…
Ce que je veux dire aussi, c’est que la motivation de l’équipe Sathy est très grande, ainsi que celle de l’aménageur SPL Sagès. Il y a aussi déjà tout le travail engagé avec Terra Nostra et la Bifurk. On a quand même des outils à encore renforcer. Je ne suis pas pleinement satisfait, mais ça va avancer…
A propos des prochains ateliers, ils seront sans doute plus concrets et devraient intéresser davantage, et il y a matière à discuter avec les habitants ! Sur le secteur Cœur de Flaubert, ce que l’on peut dire, c’est qu’il y aura du logement et de l’activité, comme aujourd’hui, car il faut la maintenir.
Sortiront de terre sur ce secteur des équipements publics : une école et un Ehpad [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ndlr], situés entre les rues Georges-Sand et Eugène-Sue. La Ville construit l’école sur l’ancien terrain de Point. P, tandis qu’Actis, pour le compte du centre communal d’action sociale (CCAS) construit l’Ephad à l’angle des rues Eugène Sue et Stalingrad… Ce nouveau morceau de ville fait le lien entre différents quartiers, avec des vues imprenables sur les paysages lointains, l’atout d’être desservi par des axes cycles bien pratiques et un parc que nous souhaitons prolonger jusqu’à l’intérieur de l’îlot Marceline.
Le secteur Berthelot/Zola [le tènement où se situe actuellement le bâtiment de l’école supérieure du professorat et de l’éducation Académie de Grenoble (Espé), ndlr] présente, en ce qui le concerne, un bel espace qui pourrait être une sorte de « zac de Bonne bis », située à proximité du tramway.
Mais les négociations ne sont pas faciles avec le conseil départemental de l’Isère à qui le terrain appartient. Ce dernier voudrait valoriser au maximum son terrain en faisant construire énormément de mètres carrés par un opérateur privé. On n’a pas la même analyse et on estime que, dans le cadre de la Zac, il faut avoir une discussion publique sur ce sujet.
Quartiers sud à présent, l’histoire semble se répéter… A la Villeneuve, les habitants s’étaient mobilisés sous le mandat de Michel Destot contre la démolition du 50. Vous étiez alors à leurs côtés. Or, depuis plusieurs mois, ont successivement été annoncées les démolitions du 160, du 90 puis du 1 place des Saules. Désormais, le 10 et le 20 galerie de l’Arlequin sont sur la liste. Hypothèses de travail ou décisions fermes ? Sur le quartier de l’Abbaye, également, un ensemble homogène de 250 logements serait également susceptible d’être détruit. La réhabilitation n’est-elle pas envisageable ?
Vincent Fristot – Notre position concernant le projet de rénovation sur la Villeneuve, c’est de dire qu’aujourd’hui, sur le secteur de l’Arlequin, il est nécessaire d’intervenir pour requalifier, rendre attractif le quartier…
Des opérations de réhabilitation ont été menées sur le 40 de la galerie de l’Arlequin et le 50 après sa démolition en partie. 250 logements ont été rénovés sur les plans thermiques, esthétiques, l’accessibilité améliorée avec des ascenseurs… Nous, c’est ce qu’on pousse en premier, auprès de l’Agence nationale de rénovation urbaine (Anru). A la limite, il faudrait faire tout l’Arlequin comme cela. Mais ça coûte très cher !
La politique de l’Anru est de dire qu’il y a trop de logements sociaux dans ce quartier, qu’il faut les disperser. Nous, on prévient : « Attention, c’est plus compliqué que cela, il y a un public qui ne pourra pas se payer des loyers plus importants. » Nous faisons actuellement des aller-retours auprès de l’Anru.
Enfin, non, nous ne sommes pas favorables aux démolitions, car on ne perd pas de vue l’objectif d’aller vers du 25 % de logement social à horizon 2025, comme la loi l’exige. Ce n’est donc pas pour détruire des logements sociaux…
Ainsi, je vous le confirme : le 10 n’est pas sur la liste des démolitions ! On travaille pour l’éviter en tout cas. Pour l’instant, notre intention est de démolir le 160 (immeuble privé et vide) et le 20 (90 logements). La démolition du 160 est incontournable. Cet immeuble n’était pas réhabilitable, avec des pieds qui tiennent les étages auxquels on ne peut toucher. Le démolir va aussi permettre de rénover les immeubles voisins et de disposer d’espaces pour les ascenseurs. La démolition du 160 est à présent acceptée. Il reste peu de personnes à vouloir le maintenir…
Sur le 20, la problématique est différente. Des gens y habitent, même s’il y a de la vacance [locative, ndlr] et du relogement en cours…
Au rez-de-chaussée du 20, se trouve le siège du centre communal d’action sociale (CCAS) qui va partir, car les installations sont à bout de souffle… Réhabiliter l’immeuble ? Oui mais les concepteurs urbains qui travaillent sur ce sujet nous disent qu’on a une opportunité de créer une ouverture à cet endroit, sur le parc Verlhac, un élément phare du quartier. Vous allez me dire que c’était l’argument avancé pour démolir une partie du 50… En effet, mais on était opposé à cette démolition parce que cet argument était fallacieux pour cet immeuble !
Quartier de l’Abbaye, ce n’est pas de gaieté de cœur que l’on envisage la démolition d’un ensemble homogène de logements. Mais les études ont montré que les coûts de réhabilitation, estimés à 30 millions d’euros, étaient bien trop élevés par rapport à nos budgets, pour des résultats pas très satisfaisants. Il serait nécessaire, en effet, de faire des ascenseurs extérieurs. Une réhabilitation-démolition demeure moins coûteuse.
Toutefois, on bute sur une difficulté : la direction régionale des affaires culturelles (Drac) avec son volet conservation du patrimoine est réticente à la démolition. Il y a, bien entendu, des personnes mobilisées sur le quartier qui défendent aussi l’aspect patrimonial de ces bâtiments. Il faut que chacun fasse un pas pour sortir de cette situation… Nous étudions donc une solution de maintien d’une partie de ce patrimoine.
Des décisions devront être prises d’ici fin 2017. Les habitants souhaitent que ça bouge et Actis ne peut plus se permettre d’attendre encore longtemps. 60 % des 250 logements de cet ensemble sont vides, ce qui coûte au bailleur des centaines de milliers d’euros par an de non-versement de loyers.
Propos recueillis par Séverine Cattiaux