FOCUS – La cour d’appel de Grenoble a, ce lundi 30 janvier, relaxé partiellement des chefs d’injures et de diffamation le bimestriel Le Postillon dans le procès qui l’opposait à Christophe Ferrari, le maire du Pont-de-Claix et à Yvelyne Denat, sa directrice de cabinet. Le brûlot satirique grenoblois n’en sort toutefois pas indemne…
Le résumé du verdict revu par l’équipe du Postillon affiché au 102 rue d’Alembert pour la soirée « Dommages et intérêts ». © Nicolas Vivant
« Nous sommes relaxés des chefs d’accusation d’injure et diffamation pour certains passages de l’article, mais reconnus coupables d’injure pour d’autres, sans connaître le détail au moment de ce bouclage », déclarent, quelque peu frustrés, les journalistes du Postillon.
Une frustration née de l’imprécision du verdict que la cour d’appel de Grenoble a rendu, ce lundi 30 janvier, dans l’affaire qui opposait le bimestriel satirique à Christophe Ferrari, maire du Pont-de-Claix, et à sa directrice de cabinet Yvelyne Denat invoquant des chefs d’injures et de diffamation.
De fait, les attendus du verdict n’ayant pas été communiqués lors de la lecture du jugement, il est actuellement impossible aux journalistes du Postillon de savoir exactement sur quelles parties de l’article incriminé porte l’abandon des poursuites pour injures et diffamation. Et ce jusqu’à communication ultérieure de l’intégralité de la décision de justice aux mis en cause.
« 2 300 Postillons vendus cash »
A l’issue du procès en première instance devant le tribunal correctionnel de Grenoble, Le Postillon avait été condamné pour injures et diffamation à une somme de 6 900 euros au total, « soit 2 300 Postillons vendus cash », avait alors estimé Vincent Peyret, son rédacteur en chef. La feuille satirique grenobloise avait illico fait appel de ce jugement. Les faits ont ainsi été rejugés lors de l’audience d’appel du 28 novembre dernier.
Outre la relaxe partielle déjà évoquée, la cour d’appel a donc finalement condamné Le Postillon à une amende pénale de 2 000 euros avec sursis et à verser respectivement à Yvelyne Denat et Christophe Ferrari les sommes de 1 000 euros et 500 euros au titre des dommages et intérêts. Sommes auxquelles viendront s’ajouter le remboursement des frais de justice des plaignants, soit 1 200 euros pour chacun d’entre eux*.
Soit pas moins de 3 900 euros au total, mais tout de même 3 000 euros de moins qu’en première instance. De plus, le journal n’est pas condamné à publier le jugement à la Une du bimestriel, ni sur son site internet.
« On en ronronnerait presque », ironise la rédaction.
Quant à l’amende pénale assortie du sursis, « on la paiera peut-être au bon vouloir d’un juge, dans l’éventualité d’une condamnation dans les cinq ans à venir. Une muselière pour qu’on apprenne la “prudence dans l’expression” », se moque avec sa verve habituelle Le Postillon.
Et de poursuivre dans la même veine, faisant référence aux débats du premier procès. « On a déjà critiqué les motifs de notre premier jugement, cette loufoque “absence de prudence dans l’expression et d’objectivité”, ouvrant la porte à la condamnation de tout article jugé trop irrévérencieux. »
« Nous avons cet argent mais nous aurions préféré l’employer à autre chose »
Pour autant, bien que la somme à payer soit importante et susceptible de gréver le développement du journal, pas question de faire appel aux dons. « Nous n’ouvrirons pas de souscription, nous avons l’argent mais nous aurions préféré l’employer à autre chose », a regretté Vincent Peyret au cours de la soirée « Dommages et intérêts » organisée par Le Postillon le soir même du jugement au 102 rue d’Alembert à Grenoble.
Le « vernissage judiciaire » avant le procès en première instance. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Un événement – tout à fait dans le même ton que le « vernissage judiciaire » organisé pour le premier procès du Postillon –, qui a réuni plus d’une centaine de personnes.
L’occasion de fêter le verdict de la cour d’appel avec la truculence et l’irrévérence qui caractérise le journal grenoblois.
L’invitation ne précisait-elle pas « entrée libre en cas de victoire et entrée à 5 euros en cas de défaite » ? La victoire n’étant que partielle, les personnes venues là marquer leur soutien au Postillon se sont acquittés de la somme en question de bon cœur.
« Une certaine idée de la presse, de l’information locale, de la satire »
L’occasion pour l’équipe du Postillon de « remplir un gros chèque » de 3 900 euros émis par « Banquiers sans frontières » dont la devise est « Votre argent est notre argent, partout, tout le temps » établi à « Contrecoeur » le 30 janvier 2017 à l’ordre de Yvelyne Denat et Christophe Ferrari.
L’esprit était à la fête mais l’équipe du Postillon qui, extérieurement, n’en montrait rien est amère.
« Reste donc cette sombre amertume : l’impression d’avoir été condamnés pour avoir fait notre job. Notre « job », façon de parler, vu que la plupart des énergies du Postillon sont bénévoles, consacrant du temps et s’impliquant de manière désintéressée en faveur d’une certaine idée de la presse, de l’information locale, de la satire », conclut la rédaction.
Joël Kermabon
* Ces frais n’ont pas été mentionnés par le président de la cour d’appel lors de la lecture du jugement, mais Le Postillon, considérant les attendus de la première instance, les provisionne, estimant qu’ils seront, à terme, vraisemblablement dus.