FOCUS – Le dernier conseil municipal de l’année, ce lundi 19 décembre, s’annonce aussi animé que ceux qui l’ont précédé depuis le mois de juin dernier. Le vote du budget primitif 2017 sera la délibération phare des 94 à l’ordre du jour. Une session au cours de laquelle il faudra également compter sur les bibliothécaires en lutte qui, ne lâchant rien, manifesteront à nouveau leur mécontentement.
Les conseils municipaux de Grenoble se suivent… et se ressemblent. C’est presque devenu une habitude à Grenoble que de se demander dans quelles conditions se dérouleront les délibérations de l’assemblée délibérative. Ce dernier conseil municipal de l’année 2016 semble bien ne pas devoir déroger à la règle.
Une chose est sûre, les bibliothécaires en lutte ont appelé, une nouvelle fois, leurs sympathisants à manifester devant l’hôtel de ville. En effet, en dépit de l’annonce par la municipalité que la bibliothèque Alliance ne fermerait pas, ceux-ci restent mobilisés avec une nouvelle opération intitulée « Une bûche dans ton conseil ». Ajoutez à cela la présence des commerçants non-sédentaires qui entendent, quant à eux, protester « contre le projet dogmatique du règlement des marchés de Grenoble ». Ceci pour l’ambiance. Côté délibérations, il ne faut pas être grand clerc pour savoir que le vote du budget primitif 2017 sera la pierre angulaire des 94 délibérations à l’ordre du jour.
« Une situation budgétaire stabilisée »
La Ville, qui décrit une « situation budgétaire stabilisée », en rappelle les axes forts. À savoir : pas de hausse d’impôts, priorité à « la transition sociale, écologique et démocratique » et un bon niveau d’investissement. Le tout « dans un contexte contraint », comme le précise à l’envi Hakim Sabri, l’adjoint aux finances, notamment du fait de la baisse des dotations de l’État qui se poursuit inexorablement. Sans compter la récente revalorisation du point d’indice, des fonctionnaires qui va peser dans le budget à hauteur de 3,4 millions d’euros.
Majorité municipale. De gauche à droite : Alan Confesson, Maryvonne Boileau et Hakim Sabri. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Pour autant, la Ville l’assure, elle a quelques raisons d’être plus optimiste. « Parallèlement à ça, nos dépenses de fonctionnement vont, elles, baisser de 4 millions d’euros. Nous sommes sortis de ce fameux effet ciseaux qui faisait qu’on dépensait plus que ce que nous avions en recettes », se félicite l’adjoint aux finances.
Qui ajoute, non sans satisfaction, que « grâce au plan de sauvegarde, entre les recettes nouvelles et les dépenses qui ne seront plus à assumer, cela va être une amélioration financière pour la Ville d’environ 7 millions d’euros en fonctionnement ». « Tout ça fait qu’entre le plan de sauvegarde et la renégociation de notre dette [grâce à de meilleurs taux, ndlr] nous amorçons un retour vers une épargne positive en 2018 », conclut Hakim Sabri.
Un niveau d’investissement identique à celui de 2016
Autant de raisons pour que la Ville reste droit dans ses bottes et soit bien décidée à « répondre aux besoins des habitants de Grenoble et préparer le Grenoble de demain ». Comment ? En conservant un niveau d’investissement « identique à celui de 2016 », souligne la municipalité, soit 37 millions d’euros. Les mieux lotis sont les établissements scolaires qui, dans le cadre du plan écoles, se verront dotés de 12 millions d’euros. Cela concerne les nouvelles écoles : celle de la rue Hareux, Hoche, Flaubert et Saint-Bruno.
Mais aussi l’extension de l’école Diderot, les restaurants scolaires Sidi Brahim, Buffon, Chatin et Jouhaux, des aménagements de classes et le gros entretien des écoles, soit 1,5 million d’euros.
Concernant le sport, 4,7 millions d’euros seront consacrés à la construction du centre sportif Arlequin et à l’entretien des équipements existants dont la piscine Jean Bron.
Les zones d’aménagement Presqu’île, Bouchayer-Viallet, Vigny-Musset et Flaubert se verront dotées de 2,4 millions d’euros, tandis que 1,6 million d’euros seront injectés au titre des politiques de la ville, dans les opérations Chatelet, Teisseire, Villeneuve et Mistral. Sans oublier les aménagements de proximité et la culture, qui bénéficieront respectivement de 2,2 et 1,6 millions d’euros (notamment pour la reconstruction du théâtre Prémol).
« Cette équipe n’a plus de feuille de route »
Après ce vent d’optimisme budgétaire, l’humeur est tout autre du côté de l’opposition, notamment du groupe Rassemblement de gauche et de progrès. Son président Jérôme Safar s’inquiète en premier lieu des conditions dans lesquelles ce dernier conseil municipal risque de se dérouler.
« Nous sommes la seule ville de France qui va sans doute devoir encore vivre son conseil municipal sous protection policière », regrette l’élu.
Quant au budget primitif 2017, Jérôme Safar est dubitatif. « Avec un document budgétaire exclusivement financier, on a du mal à voir comment on sort d’une orientation politique qui ne tiendrait que dans le plan de sauvegarde ! », s’interroge-t-il. Ne faisant pas dans la dentelle, le président de groupe estime qu”« en dehors du plan de sauvegarde, cette équipe municipale n’a plus de feuille de route » et trouve « anormal qu’à mi-mandat elle n’ait plus de projets d’orientations politiques et de développements à venir ».
« Des signaux financiers inquiétants »
Jérôme Safar évoque par ailleurs des « signaux financiers inquiétants ». Notamment une baisse de l’investissement de 9 millions d’euros [33 millions d’euros en 2017 contre 42 en 2014, ndlr], tandis que les emprunts nouveaux n’ont baissé que de 7 millions d’euros [dans la même période, ndlr]. « Ce qui veut dire qu’on investit moins et que, parallèlement, on ne se désendette pas à la hauteur du moindre investissement », explique Jérôme Safar.
Le groupe d’opposition Rassemblement de gauche et de progrès. De gauche à droite : Jeanne Jordanov, Anouche Agobian, Jérôme Safar, Marie-Josée Salat et Paul Bron. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Quant à l’étalement de la dette – qui permet, reconnaît-il, d’en réduire les annuités –, il dit ignorer son coût pour la Ville, tout en rappelant que les banques ne sont pas des établissements philanthropiques.
Selon l’élu, c’est sur le poids de la dette que le plan de sauvegarde aurait dû se concentrer en priorité.
« Nous aurions pu ainsi travailler ensemble pour mettre en place un plan de désendettement massif et volontariste, quitte à assumer un moindre investissement pendant deux – trois ans. ». Et de poursuivre. « Le choix qui est fait par la Ville est un choix brutal, drastique, de réduction du service public dans les quartiers qui en ont le plus besoin », assène le conseiller municipal.
« L’écran de fumée de la non-augmentation des taux d’imposition vole en éclat quand on ferme des équipements, quand on augmente les tarifs et quand on ne veut pas entendre que les Grenoblois veulent pouvoir discuter de ces choses-là », conclut Jérôme Safar.
Le budget primitif : « une longue liste de “moins” »
Matthieu Chamussy, le président du groupe Les Républicains – UDI et Société civile, est plus lapidaire. « Troisième budget, troisième augmentation de la dette ! Et un budget qui est une longue liste de “moins” », lance-t-il avant une longue énumération : moins de bibliothèques, avec les fermetures déjà annoncées, et une bibliothèque Alliance « avec quelques étagères où il restera quelques livres et bandes dessinées », moins de centres sociaux, moins d’agents de surveillance à la sortie des écoles, moins de sorties scolaires au ski…
Le groupe d’opposition municipale Les Républicains – UDI et Société civile. © Joël Kermabon – Place Gre’net
L’élu, dans un élan de mansuétude, relève avec amusement tout de même un “plus”, celui de « l’augmentation généralisée de tous les tarifs municipaux ». « Mais la municipalité brandit fièrement qu’elle n’augmente pas les impôts. Heureusement ! Il ne manquerait plus que ça ! », s’exclame l’élu.
Richard Cazenave, conseiller municipal Les Républicains et député honoraire, revient quant à lui sur la renégociation de la partie de la dette à taux variable. « De cette manière, ils se donnent une marge de manœuvre qui stabilise et qui stoppe la dégradation de l’épargne nette », reconnaît l’élu. Ce qui, selon Matthieu Chamussy, « n’est pas un mauvais acte de gestion mais il ne faut pas cacher que cela coûtera un peu plus cher que s’ils n’avaient pas renégocié ces prêts », précise-t-il, corroborant ainsi les craintes de Jérôme Safar.
Richard Cazenave, poursuivant son idée, déplore que la partie fixe de cette même dette n’ait pu être également renégociée avec les banques, considérant l’aubaine de la baisse des taux d’intérêt. « Pourtant, ils ont de bonnes relations avec le Crédit agricole », tacle l’élu qui s’interroge sur « ce qui va se passer le jour où les taux remonteront ».
« La situation n’est pas facile pour Éric Piolle »
« L’épargne nette remonte, la tutelle s’éloigne », constate quant à lui Alain Breuil, conseiller municipal Front national. « Sans me faire l’avocat d’Éric Piolle et parce qu’il faut être objectif, c’est d’autant plus méritoire qu’il faut bien constater que nous avons perdu près de 15 millions d’euros avec la baisse des dotations de l’État depuis 2014 », reconnaît l’élu.
Qui ajoute à cela de moindres rentrées fiscales, des pertes de recettes ou de redevances, les coûts induits par la revalorisation du point d’indice… « Effectivement, la situation n’est pas facile pour Éric Piolle, il faut bien le reconnaître et je serai de très mauvaise foi que de dire le contraire », admet volontiers le conseiller municipal.
Alain Breuil se montre néanmoins circonspect. « Comment arrivent-ils à inverser la tendance de l’épargne nette ? Car si les chiffres sont justes, il y a une inversion manifeste », observe-t-il. Et sur ce point, l’élu se révèle déjà beaucoup moins consensuel. Selon lui, c’est dans la poche des automobilistes – « des contribuables déguisés » – qu’une bonne part des ressources est prélevée. Notamment avec 1,37 million d’euros de recettes de stationnement, auxquelles s’ajoutent plus de 6 millions d’euros d’amendes de police.
Puis, revenant à de meilleurs sentiments, l’élu frontiste reconnaît qu’avec le plan de sauvegarde « sans licenciements » et la renégociation des annuités de la dette – avec laquelle « c’est le grand capital qui vient au secours de l’extrême gauche » – , « ils s’en sortent à peu près, malgré des difficultés tout à fait avérées ».
Pour autant, « la situation n’est pas réjouissante » selon Alain Breuil. Il en veut pour preuves l’accroissement de l’endettement par habitant « qui dépasse le raisonnable », la baisse des recettes de fonctionnement par rapport à la population, et l’augmentation massive des dépenses de personnel malgré les transferts à la Métropole.
Joël Kermabon