Le Musée de l'Ancien-Évêché met la famille de photographes de montagne Tairraz à l'honneur

Photographies de mon­tagne : le musée de l’Ancien Évêché met à l’hon­neur la famille Tairraz

Photographies de mon­tagne : le musée de l’Ancien Évêché met à l’hon­neur la famille Tairraz

FOCUS – Le musée de l’Ancien Évêché de Grenoble pro­pose l’ex­po­si­tion Tairraz, quatre géné­ra­tions de guides pho­to­graphes jus­qu’au 1er sep­tembre 2024. Un témoi­gnage artis­tique unique en son genre de quatre géné­ra­tions qui se sont suc­cédé pour subli­mer les pay­sages mon­ta­gnards au gré des évo­lu­tions tech­niques et artis­tiques, des années 1850 aux années 2000.

Ce n’est pas un mais quatre pho­to­graphes de mon­tagne que le musée de l’Ancien Évêché de Grenoble expose jus­qu’au 1er sep­tembre 2024. Quatre pho­to­graphes avec un regard, le « regard Tairraz », du nom de ces guides de haute-mon­tagne de Chamonix qui, de géné­ra­tion en géné­ra­tion, ont mar­qué le monde de la mon­tagne comme de la pho­to­gra­phie, de 1850 jus­qu’aux années 2000.

Sylvie Vincent, directrice du Musée de l'Ancien-Évêché, présente l'exposition Tairraz. © Florent Mathieu - Place Gre'net

Sylvie Vincent, direc­trice du musée de l’Ancien Évêché, pré­sen­tant l’ex­po­si­tion Tairraz. © Florent Mathieu – Place Gre’net

Pour la direc­tion du Musée, une telle expo­si­tion s’im­po­sait. « Je suis allée à Chamonix, je suis entrée dans le maga­sin Tairraz et je me suis dit que ce n’é­tait pas pos­sible d’a­voir toutes ces pho­tos et pas de grande expo­si­tion », explique Sylvie Vincent. Un oubli réparé, avec 120 pho­tos (sur une col­lec­tion qui en compte 15 000) expo­sées au public, pour le plus grand plai­sir de Caroline et Valérie Tairraz, ges­tion­naires de ce fonds précieux.

Joseph Tairraz, pion­nier de la pho­to­gra­phie de montagne

L’aventure com­mence avec Joseph Tairraz (1827−1902), guide de haute-mon­tagne, agri­cul­teur et auber­giste qui déve­loppa une acti­vité de pho­to­graphe dans les années 1850. Comment est-il arrivé à cette dis­ci­pline ? Pour Caroline et Valérie Tairraz, la ren­contre avec les tou­ristes for­tu­nés qui venaient gra­vir les som­mets, parmi les­quels pro­ba­ble­ment des pho­to­graphes, a cer­tai­ne­ment compté dans cette découverte.

Joseph Tairraz, Vue depuis le sommet du Mont Blanc, non datée, vers 1860. © Collection Tairraz

Joseph Tairraz, Vue depuis le som­met du Mont Blanc, non datée, vers 1860. © Collection Tairraz

Joseph Tairraz compte aujourd’­hui parmi les pion­niers de la pho­to­gra­phie et plus pré­ci­sé­ment de la pho­to­gra­phie de mon­tagne. Pionnier tou­jours, il sera l’un des pre­miers à prendre un cli­ché depuis le som­met du Mont Banc, en sep­tembre 1861. Sept cli­chés exac­te­ment… qui seront mal­heu­reu­se­ment per­dus. Cependant, mal­gré leur magni­fi­cence, le pho­to­graphe ne s’in­té­res­sait pas seule­ment aux pay­sages de mon­tagne. Il cap­tait aussi la vie quo­ti­dienne, l’ac­ti­vité pas­to­rale et les célé­bri­tés locales.

C’est le sixième des neuf enfants de Joseph Tairraz, Georges (1868−1924) qui pour­sui­vra l’ac­ti­vité du stu­dio fondé par son père, cette fois-ci après avoir suivi une for­ma­tion en bonne et due forme. « Il a le sens du cadrage. On com­mence à sai­sir les pre­miers plans, le tra­vail des contrastes et des lignes », décrit Sylvie Vincent. Georges a aussi le sens du com­merce : entre­pre­neur autant qu’ar­tiste, il géné­ra­li­sera la com­mer­cia­li­sa­tion des pho­tos ini­tiée par Joseph.

De Georges à Pierre, la poé­sie et la couleur

La saga fami­liale se pour­suit avec un second Georges (1900−1975) qui repren­dra le stu­dio Tairraz dans des cir­cons­tances dra­ma­tiques : alors qu’il se des­ti­nait à des études de méde­cine, ses deux frères ainés trou­ve­ront la mort durant la Première Guerre mon­diale. Georges devient alors l’as­sis­tant de son père, mais se pas­sionne éga­le­ment pour le cinéma, auquel il appor­tera le « regard Tairraz ». Il col­la­bo­rera notam­ment au film Premier de cor­dée (Louis Daquin, 1944).

Si la pho­to­gra­phie n’é­tait pas son ambi­tion pre­mière, l’ap­port du “second” Georges de la lignée Tairraz n’a rien d’a­nec­do­tique. « Il va grim­per plus haut que ses aïeux, renou­ve­ler l’i­mage de la pho­to­gra­phie de mon­tagne », sou­ligne Sylvie Vincent. Délaissant le tra­vail de stu­dio, il aura à cœur d’ap­por­ter une cer­taine poé­sie dans son approche, tra­vaillant plus encore sur les cadrages et l’é­clai­rage pour subli­mer les pay­sages de montagne.

Pierre Tairraz (1933−2000) incarne enfin la qua­trième et (pour l’heure) der­nière géné­ra­tion de pho­to­graphes de mon­tagne. Nanti d’une solide for­ma­tion, tant en pho­to­gra­phie qu’en cinéma, il abor­dera à son tour la mon­tagne avec un regard empreint de poé­sie. Ce tout en affron­tant un défi tech­nique de taille : le pas­sage à la cou­leur, qui n’a­vait rien d’é­vident pour pho­to­gra­phier des mon­tagnes qu’il jugeait par nature « mono­chromes ».

« C’est un bel héritage »

Si Caroline et Valérie Tairraz, les filles de Pierre Tairraz, n’ont pas per­pé­tué la tra­di­tion de la pho­to­gra­phie, elles n’en sont pas moins les gar­diennes d’une vaste col­lec­tion. Mais pas ques­tion de les féli­ci­ter pour la qua­lité de l’exposition, à laquelle elles ont évi­dem­ment par­ti­cipé. « Tout ça, c’est le tra­vail des quatre. Nous sommes les pas­seurs de cela et c’est un bel héri­tage », jugent-elles avec humilité.

Caroline et Valérie Tairraz (à gauche et à droite) en conversation avec Sylvie Vincent et Patrick Curtaud, vice-président à la Culture du Département de l'Isère. © Florent Mathieu - Place Gre'net

Caroline et Valérie Tairraz (à gauche et à droite) en conver­sa­tion avec Sylvie Vincent et Patrick Curtaud, vice-pré­sident à la Culture du Département de l’Isère. © Florent Mathieu – Place Gre’net

Le fonds de pho­to­gra­phies Tairraz est pré­cieux à plus d’un titre. Outre une aven­ture fami­liale unique en son genre, et au-delà de la dimen­sion artis­tique des réa­li­sa­tions des uns et des autres, les pho­to­gra­phies témoignent des évo­lu­tions tech­niques et artis­tiques de la pho­to­gra­phie ainsi que des chan­ge­ments d’ha­bi­tude et de pra­tiques en mon­tagne. Sans oublier l’é­ro­sion des gla­ciers, dont les cli­chés pris année après année par les Tairraz témoignent, au point d’en faire des objets d’é­tude pour l’Université Grenoble-Alpes.

Aujourd’hui, l’un des enjeux de la famille Tairraz est la conser­va­tion des mil­liers de pho­to­gra­phies prises par quatre géné­ra­tions suc­ces­sives, dont cer­taines datent de bien­tôt deux siècles. « On est tou­jours dans la ques­tion du deve­nir. On essaye de les main­te­nir dans un état cor­rect mais le temps joue », expliquent les deux sœurs. Un tra­vail de numé­ri­sa­tion, de longue haleine, est éga­le­ment en cours.

Image de une : Pierre Tairraz, Les Relais de l’in­fini, L’Aiguille de Bionnassey, 1978. © Collection Tairraz.

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Florent Mathieu

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