ENQUÊTE - Expulsions, comme ce jeudi 7 septembre rue du Drac à Grenoble, maisons dévastées, personnes dépossédées… Les squats font régulièrement l’actu. Cette pratique est pourtant défendue par les milieux militants car ce sont parfois des lieux de vie, voire des lieux culturels conventionnés. État des lieux à Grenoble où les squats recouvrent – comme partout – une réalité très hétérogène. Quelle est l’ampleur du phénomène ? Qui sont les différents types de squatteurs et leurs pratiques ? Et que change la loi Kasbarian-Bergé, dite loi « anti-squat », promulguée le 27 juillet 2023 ? Si squatteurs et militants y voient une forme de répression et de criminalisation, pour les victimes, la législation ne protégerait encore pas assez les propriétaires.
Nouvelle expulsion dans l’agglomération, après celles, en mars 2023, des squats de la rue du Drac, à Grenoble, et de l’avenue du Maquis-de-l’Oisans, au Pont-de-Claix. Les forces de l’ordre ont évacué, jeudi 7 septembre 2023 au matin, le squat situé au 57 avenue Léon-Blum. « Cette évacuation s’est déroulée dans le calme », assure la Métropole de Grenoble, dans un communiqué.
Cette grande maison du quartier Beauvert, léguée par son ancienne propriétaire – désormais décédée – à l’association Sainte-Agnès1qui accompagne des personnes en situation de handicap, était restée inhabitée depuis 2017, avant d’être squattée depuis septembre 2021 par des familles roms, venues essentiellement d’Europe de l’Est. Mais la cohabitation avec les riverains devenait de plus en plus compliquée.
Dénonçant l’insalubrité et les nombreuses nuisances – notamment sonores – causées selon eux par cette occupation, les habitants des résidences situées derrière le bâtiment, soutenus par l’Union de quartier Alliés-Alpins-Beauvert, avaient interpellé les autorités durant l’été 2023, et écrit notamment au préfet de l’Isère.
Les familles du squat de l’avenue Léon-Blum relogées par les autorités
« Une quinzaine de familles, dont de nombreux enfants, se trouvaient toujours sans solution d’hébergement », indique la Métropole. « En lien avec les services de l’État, la Métropole a trouvé une solution d’hébergement pour une majorité de ces familles, dont 24 enfants. Le CCAS de la Ville de Grenoble a également apporté son concours en hébergeant d’autres ménages », ajoute la collectivité.
Cette évacuation s’ajoute aux précédentes, parfois musclées, s’étant déroulées dans l’agglomération grenobloise ces dernières années. De nombreux lieux sont en effet régulièrement squattés, souvent au grand dam du voisinage, mais aussi parfois des propriétaires, premiers concernés.
Une montagne de déchets laissée dans une maison squattée à Grenoble
Les bras chargés de détritus, Roger Seyvet et sa sœur Brigitte multipliaient les allers-retours entre le garage et la benne, début mars 2023. Si la montagne de déchets commençait à diminuer petit à petit, le septuagénaire était encore choqué par « l’état déplorable et lamentable » dans lequel il avait retrouvé cette maison du quartier Vigny-Musset.
La villa de son cousin de 77 ans – dont il est le curateur -, résident en Ehpad depuis septembre, avait en effet été squattée pendant deux semaines par une famille roumaine début 2023. Depuis, Roger Seyvet fulmine contre la législation qui « ne protège pas les propriétaires » face aux squats.
Quelques jours avant l’arrivée des squatteurs, celui-ci avait « entamé les démarches pour vendre la maison » et venait d’obtenir le feu vert du juge des tutelles. Ceci afin de financer le coûteux séjour en Ehpad (plus de 2 600 euros par mois) de son cousin Jacques, handicapé et ne pouvant plus vivre seul. Mais le 23 janvier, neuf personnes – dont cinq enfants – avaient pénétré dans le jardin puis avaient forcé les serrures avant d’investir la maison, située rue Alfred-de-Vigny.
Au moins 3 000 euros de frais à sa charge
Ce jour-là, « des voisins qui avaient vu leur manège ont appelé le 17. Mais la police leur a répondu qu’ils n’étaient pas les propriétaires et qu’elle ne pouvait donc rien faire », raconte Roger Seyvet, dépité. Et lorsque ce dernier, prévenu par une voisine, s’est rendu sur place, des policiers étaient bien présents. « Ils m’ont dit que les squatteurs étant là depuis plus de 48 heures et qu’ils ne pouvaient pas les expulser », s’insurge-t-il.
Pourtant, Roger Seyvet a bien étudié en long et en large les textes de loi : « Ce délai de 48 heures n’existe pas », assure-t-il. Malgré tout, cela n’empêche pas, selon lui, « les associations de dire aux squatteurs “au bout de 48 heures, c’est chez vous” ». Après avoir déposé plainte au commissariat pour violation de domicile, celui-ci a donc dû recourir à un cabinet d’huissier, qui lui a conseillé de lancer une « procédure accélérée ».
Mais pour déloger les occupants par ce biais, « il faut l’autorisation du préfet. C’est inadmissible ! », s’exclame-t-il. « Il aurait fallu que je prenne un avocat. » D’où de nouvelles dépenses pour celui qui a déjà engagé, au total, « près de 3 000 euros de frais, dont 1 500 euros pour l’huissier et 600 euros pour le serrurier. » Sans compter la réparation de la porte pour plus de 1 000 euros.
Une association de jeunes du quartier a poussé les squatteurs à partir
Pour couronner le tout, « l’assurance ne rembourse que la porte. Tout le reste est à ma charge », déplore Roger Seyvet. Et encore, ce dernier n’a pas englobé dans son calcul « tous les frais annexes et les choses cassées » dans la villa, dont certaines n’ont « pas de prix », hormis leur valeur sentimentale, souligne-t-il.
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