FOCUS - Depuis plus de quinze ans, la Commission européenne fait pression sur l'État français - auquel elle a adressé deux mises en demeure en 2015 et 2019 - pour obtenir l'ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques, actuellement exploités en très grande majorité par EDF. Un contentieux qui bloque les investissements nécessaires alors que de nombreuses concessions arrivent à échéance, en cette fin 2022, ou vont y arriver dans les années à venir. En Isère comme ailleurs, le sujet transcende les clivages politiques. Des parlementaires de tous bords défendent ainsi le maintien des barrages dans le domaine public et interpellent le gouvernement pour sortir de l'impasse.
Le 18 décembre 2022, Michel Savin, sénateur LR de l'Isère, et François-Xavier Bellamy, député européen, ont interpellé la Première ministre Élisabeth Borne sur l'avenir de la grande hydroélectricité, au sortir d'une visite du barrage de Grand'Maison à Vaujany. Ces parlementaires de droite prônent le maintien des barrages hydroélectriques dans le giron public.
Tout comme, de l'autre côté de l'échiquier politique, le sénateur EELV Guillaume Gontard. Idem pour Marie-Noëlle Battistel, députée PS de la 4e circonscription de l'Isère, qui en a fait un cheval de bataille depuis de longues années.
Trois élus isérois parmi d'autres issus de trois partis différents mais réunis autour d'un même objectif. Car dans le département, comme partout dans l'Hexagone, la question du devenir des barrages hydroélectriques transcende largement les clivages politiques. En cause, l'épineux dossier de leur ouverture à la concurrence, objet d'un conflit latent entre Paris et Bruxelles depuis plus de quinze ans.
"Investir sur la sécurité ne sera pas trop une priorité" pour les opérateurs privés
La Commission européenne fait pression sur la France, à laquelle elle a adressé deux mises en demeure, en 2015 et 2019, pour lancer des appels d'offres afin de déléguer l'exploitation à d'autres opérateurs qu'EDF, jugé trop dominant.
Propriétés de l'État, qui les a nationalisées après-guerre, les grandes installations hydroélectriques sont en effet concédées en très grande majorité à EDF (80 % de la puissance installée), loin devant Engie et ses filiales, la CNR4Compagnie nationale du Rhône (14 %) et la Shem5Société hydroélectrique du Midi (4 %).
En tout, 420 barrages de plus de 4,5 mégawatts (MW) sont concernés. Parmi eux, 150 concessions sont arrivées ou vont arriver à échéance d'ici 2023 - les autres suivant dans les prochaines années. De nombreux candidats, étrangers mais également français, comme Total, sont donc en embuscade pour rafler la mise et mettre la main sur ces barrages.
Néanmoins, en attendant une résolution de ce feuilleton sans fin, c'est le statu quo. Or, "cette incertitude n'incite pas [l'exploitant] à investir ni à lancer de projets", déplore Guillaume Gontard, qui s'inquiète du retard pris pour les travaux d'entretien et de sécurisation. Et l'ouverture à la concurrence ne ferait qu'aggraver les choses, estime le sénateur écologiste : "Les opérateurs privés vont produire de l'électricité mais investir sur la sécurité ne sera pas trop leur priorité."
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