FOCUS – Le Musée de Grenoble présente sa nouvelle exposition temporaire, intitulée De la nature, jusqu’au 19 mars 2023. L’occasion de réunir quatre artistes contemporains qui n’ont jamais été exposés ensemble auparavant : Wolfgang Laib, Philippe Cognée, Giuseppe Penone et Cristina Iglesias. Tous livrent leur vision artistique de la nature, un thème qui remonte aux premières heures de la création humaine.
À l’heure où des activistes projettent de la purée ou de la soupe sur des œuvres d’art au nom de la défense de l’environnement, le Musée de Grenoble présente une grande exposition sur le thème « De la nature ». Un intitulé qui pose clairement son sujet. Mais qui, avec l’usage du déterminant « de », met également en avant le parti-pris avec lequel celui-ci sera traité.
C’est en effet le regard posé sur la nature par quatre artistes contemporains qui constitue l’âme du nouveau rendez-vous du Musée. Des artistes qui ont fait l’objet d’une exposition au cours des vingt dernières années : l’allemand Wolfgang Laib (en 2008), le nantais Philippe Cognée (en 2012), l’italien Giuseppe Penone (en 2014) et l’espagnole Cristina Iglesias (en 2016).
De la nature… et de l’artiste
Une fois encore, c’est donc à une exposition résolument tournée vers l’art contemporain que le Musée de Grenoble convie ses visiteurs. Quand bien même, rappelle son directeur Guy Tosatto, la nature est un thème « éternel, voire immémorial ». Depuis les peintures rupestres jusqu’aux créations les plus récentes, elle est en effet omniprésente dans la création humaine, parfois en s’intégrant à elle, parfois en la distanciant.
Si la nature est évidemment au cœur des préoccupations écologiques, Guy Tosatto invite à ne pas limiter sa lecture de l’exposition à cette seule question : « Les artistes nous entraînent dans une autre dimension, peut-être plus essentielle. Celle de ce destin commun que nous partageons avec l’univers qui nous entoure. Un regard transcendant face à cette nature, source de rêve et de nourriture à la fois matérielle et spirituelle. »
La transcendance, c’est en effet ce qui habite les créations de l’exposition De la nature, au-delà des styles et des disciplines des artistes, réunis pour la première fois dans une exposition. Même si un parcours marque une frontière entre chacun des univers.
Philippe Cognée entre fleurs et châteaux de sable
La porte d’entrée “De la nature”, c’est Philippe Cognée qui la tient aux visiteurs, seul peintre de l’exposition auquel sont consacrées plusieurs salles. Ce choix pourrait surprendre au premier abord, le Nantais étant connu pour des représentations de paysages urbains à la cire d’abeille, une technique qui donne à ses tableaux une vibration unique et une impression d”“immobilité du mouvement”.
Pourtant, Philippe Cognée sait aussi représenter la nature, comme en témoignent les fleurs gigantesques qui ouvrent l’exposition. Un travail sur photographies, autre méthode de création du peintre, qui donne une nouvelle vie à des fleurs fanées. Et dont les formes tourmentées et les couleurs plus ou moins vives peuvent évoquer un dernier sommeil… comme une meurtrissure des chairs.
Philippe Cognée dépeint aussi des paysages verdoyants ou enneigés, parfois marqués par les influences du Bénin où l’artiste a passé son enfance, ou le hasard d’un cliché à travers la fenêtre d’un train. Sans oublier une série de Châteaux de sable, « métaphores de nos civilisations aux fondations vacillantes et que l’eau et le vent emportent peu à peu », décrit le Musée de Grenoble.
De Wolfgang Laib à Cristina Iglesias
L’univers de Wolfgang Laib se déploie, pour sa part, dans une apparente simplicité autour de dessins sur fond blanc presque imperceptibles, où l’artiste invite à « traverser la rivière » (Crossing the river), comme une « aspiration à la pureté ». Au milieu de la salle qui lui est dédiée, une masse noire ovoïde de deux tonnes intitulée Brahmanda évoque quant à elle la « jeunesse du monde », selon Sophie Bernard, conservatrice en chef chargée de l’art moderne et contemporain.
Mais Wolfgang Laib expose également l’un de ses fameux « carrés de pollen », une réalisation qui parcourt la vie et la carrière de l’artiste. Le pollen irradie en effet la création de cet ancien médecin, au même titre que d’autres éléments. « Wolfgang Laib dit d’ailleurs que peu importe que cela soit démodé, il continuera à faire des carrés de pollen », rappelle Sophie Bernard. Qui souligne les influences de la culture orientale et de la méditation dans l’œuvre du créateur.
Cristina Iglesias, de son côté, déploie une œuvre originale à l’occasion de l’exposition De la nature. Et même « un temple », s’amuse Guy Tosatto, presque décontenancé par le volume de l’œuvre de la sculptrice espagnole qui, quelques heures avant le vernissage, était encore en cours d’installation.
Son nom ? Chambre minérale humide. Une création dans laquelle les visiteurs pourront pénétrer. L’occasion de découvrir cette « chambre étrange et secrète, à la fois minérale et suintante d’humidité, organisme architecturé et primitif, paradoxal, où le trompe‑l’œil est une invitation au voyage adressée à l’esprit », décrit le Musée de Grenoble. Le tout accompagné de travaux sur cuivre de l’artiste, également inédits.
Giuseppe Penone et ses « esprits de la forêt »
L’exposition se conclut enfin sur une grande salle dédiée à Giuseppe Penone. Au mur, de grands “tableaux”, ses Verde del bosco, affichent des empreintes d’écorce d’arbres réalisées avec de la chlorophylle. En résultent des représentations de forêts comme fantomatiques, où règne un désordre paradoxalement harmonieux, parfois troublé par une présence humaine délicate au travers d’un morceau de tissu ou de vêtements.
À ces œuvres répondent les Gesti vegetali, des sculptures fondues et tourmentées qui émergent de pots de terre parmi la (timide) végétation. Dans le dynamisme des formes, ces « esprits de la forêt » donnent l’impression d’essayer de s’élever vers le ciel, aspiration naturelle de la plupart des végétaux, voire de quitter leur condition pour devenir humains à leur tour.
On l’aura compris, De la nature ne s’inscrit pas dans une seule interpellation politique ou écologique, quand bien même cette question se pose forcément aux artistes comme aux visiteurs. Mais retrace au travers de quatre sensibilités les approches pensées ou mystiques de la nature comme source d’inspiration, de rêve ou d’énergie créatrice. Une exposition à voir (et revoir) jusqu’au 19 mars 2023.