FOCUS – Nouvelle saison en perspective pour le Théâtre municipal de Grenoble (TMG), dont la billetterie a ouvert le 31 août. Le tout pour un programme chargé entre reports et créations, où s’impose la diversité des formes… et des thématiques dominantes, en phase avec les réalités (politiques) du monde d’aujourd’hui.
Époque troublée pour les salles de spectacle. Le Théâtre municipal de Grenoble (TMG) n’échappe pas à la règle. Après une (longue) période de fermeture au public durant la saison 2020 – 2021, les trois salles qui le composent, soit le grand théâtre du centre-ville, le 145 et le Théâtre de poche, se préparent à accueillir leur saison 2021 – 2022, avec ouverture de la billetterie le 31 août. À condition que de nouvelles mesures sanitaires ne viennent bousculer l’agenda.
Le programme de la nouvelle saison est riche en propositions. Entre les reports de la saison précédente et les créations réalisées durant les résidences au sein des théâtres fermés, les spectacles se bousculent presque. « On a essayé de faire un panaché par rapport aux engagements pris avec les équipes sur des créations et sur des spectacles qui existaient déjà », résume Delphine Gouard, directrice du Théâtre municipal de Grenoble.
Le programme du Théâtre municipal de Grenoble marqué par la diversité des formes
On ne saurait reprocher au TMG de ne pas jouer la carte de la diversité dans les formes proposées. Si le théâtre, naturellement, tient le haut du pavé, la saison 2021 – 2022 donne également la part belle au cirque, à la danse ou simplement la musique. Le tout avec des partenariats, par exemple avec le Grenoble-Alpes Métropole Jazz festival pour la venue du quintet scandinave Oddjob. Ou avec La Rampe, qui se joint au TMG pour accueillir certains spectacles au programme.
En matière de théâtre, l’actualité et la modernité sont à l’honneur. Et cela même lorsqu’il est question de visiter des classiques du théâtre élisabéthain. Qu’il s’agisse du Édouard II de Marlowe par la compagnie du Ring Théâtre, une « épopée historique revue et corrigée, très dynamique et réjouissante » décrit Delphine Gouard. Ou le Macbeth de la compagnie du Contrepoing, un Shakespeare décomplexé et sans tabous.
Le théâtre s’ouvre aussi au public dans ses coulisses. Au travers d’une déambulation, Plongée au noir, orchestrée par Catherine Contour. « Le public sera invité à aller dans différents espaces du théâtre, avec une dimension chorégraphique et musicale », explique Delphine Gouard. Et cela sur des horaires inhabituels, le matin ou en deuxième partie de soirée, pour montrer décidément un autre visage du lieu culturel.
Des spectacles qui s’articulent autour de thématiques
Pour mieux fédérer ses nombreux spectacles, le Théâtre municipal de Grenoble a choisi quatre thématiques pour sa nouvelle saison. Sans pour autant y inclure l’ensemble de ses propositions, ou avoir établi sa programmation en fonction. « Ce n’était pas un souhait a priori », note la directrice. Qui convient pour autant que des thématiques créent « des points de repère et donne de la lisibilité à l’ensemble de l’édition ». Tout en occasionnant des rencontres sur des sujets de société.
Premier thème : « Flexion extension ! », ou comment la pratique sportive intervient dans le champ théâtral. Quand, par exemple, l’ancien jeune espoir de la natation Maxime Taffanel se tourne vers le théâtre et monte sur scène avec le « récit d’un nageur » intitulé Cent mètres papillon. Ou quand Léa Girardet compare ses ambitions de comédienne avec les joueurs remplaçants de l’équipe de football de France en 1998, dans son Syndrome du banc de touche.
La thématique des « Battantes » s’invite également dans le programme. Depuis la question des violences, physiques ou psychologiques, faites aux femmes avec Poings de Pauline Peyrade, à celle du tabou des règles autour de témoignages contenus dans Rouge carmin par Émeline Nguyen. Où la question difficile d’un abus sexuel soi-disant “consenti” avec À la carabine, toujours de Pauline Peyrade.
Troisième thématique : « Bien venu-es », ou la question de la migration. Autour de pièces comme Gens du pays, signée Marc-Antoine Cyr. À la fois « conte initiatique et fable politique sur la question de l’identité et de l’intégration ». Ou encore Traversée, dans laquelle la jeune Nour raconte son exil, avec sur scène une comédienne et une marionnette. « Une façon très juste d’aborder avec les enfants la question des migrations », souligne Delphine Gouard.
Reste une dernière thématique, quand bien même celle-ci n’apparaît pas sur le programme : la question du réchauffement climatique. Celle-ci apparaît dans Mort d’une montagne, présentée par la compagnie Les Non Alignés, où le village (imaginaire) de Rochebrune s’inquiète des éboulements liés à la fonte des glaciers. Ou dans Dimanche, spectacle fantasque qui figure une humanité s’acharnant à vivre son quotidien face au chaos qui emporte tout sur son passage.
Des centres d’intérêt très proches de ceux de la municipalité
Autant de thématiques qui, du moins pour les trois dernières, entrent totalement en résonance avec la philosophie de la Ville de Grenoble. Qui se dresse, elle aussi, contre le tabou des menstruations et revendique son combat contre le réchauffement climatique. Tandis que son maire Éric Piolle multiplie les communications en faveur de l’accueil des migrants, y compris récemment concernant la situation de crise en Afghanistan.
Faut-il, dès lors, voir dans le choix des thématiques une main-mise de la municipalité sur la programmation ? Et ceci alors qu’il lui a déjà été reproché de “municipaliser” les lieux culturels au détriment de ses précédents gestionnaires ? « Je n’ai absolument aucune pression de la Ville, c’est une liberté totale de programmation », répond Delphine Gouard. Qui dément toute « commande politique » de la part de la majorité municipale.
« Ces thèmes sont ressortis, et ça me semblait important que le théâtre en parle », explique encore la directrice. Et de poursuivre : « Ce sont des thématiques d’actualité, parce que c’est ce que nous sommes en train de traverser, et les artistes ou les auteurs sont très poreux à ce qui se passe actuellement ». D’où, conclut-elle, « l’intérêt de programmer des artistes d’aujourd’hui [qui] parlent du monde d’aujourd’hui ».