FIL INFO – Le Synchrotron de Grenoble vient de mettre en évidence la présence de plomb dans l’encre des papyrus de l’Égypte antique. Du plomb utilisé pour accélérer le séchage de l’encre, soit une méthode qui allait être utilisée bien des siècles plus tard par les peintres de la Renaissance.
Un mystère de l’Égypte antique serait-il résolu grâce au Synchrotron de Grenoble ? Après les peintures de Munch ou de Rembrandt, c’est en effet sur l’encre des papyrus égyptiens que l’ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) s’est penché. Objectif ? Connaître la composition des encres noires et rouges de ces documents vieux de presque deux millénaires. Une étude menée conjointement avec l’Université de Copenhague.
« De nombreuses études scientifiques ont été menées pour élucider l’invention et l’histoire de l’encre dans l’Égypte ancienne et dans les cultures méditerranéennes de la Grèce antique et Rome », expliquent les équipes de l’ESRF. Et la question n’a rien de futile, insiste Marine Cotte, co-auteure de l’étude parue dans la revue scientifique PNAS : elle permet au contraire de « contribuer à améliorer notre connaissance des pratiques de l’écriture ».
Une encre plus complexe qu’il n’y paraît
Certaines découvertes n’ont rien d’une surprise. Ainsi, l’encre rouge (utilisée pour les titres et les mots-clés) provient-elle de l’ocre. En revanche, la présence de plomb dans l’encre utilisée sur les papyrus intrigue. « Nous avons constaté que du plomb était ajouté au mélange d’encre, probablement pas comme colorant, mais plutôt comme siccatif », décrit Marine Cote. Autrement dit, le plomb était employé pour accélérer le temps de séchage de l’encre.
Cela signifierait que les Égyptiens utilisaient déjà, de 100 à 200 ans après JC, une technique picturale encore employée… à la Renaissance. « Au XVe siècle, lorsque les artistes ont développé la peinture à l’huile en Europe, le défi était de sécher l’huile dans un laps de temps raisonnable », souligne Marine Cotte. Leur solution ? « Les peintres ont alors réalisé que certains composés de plomb pouvaient être utilisés comme siccatifs efficaces ».
L’utilisation du plomb comme siccatif dans les papyrus de l’Égypte antique étudiés démontre aussi que l’encre utilisée « ne pouvait pas être fabriquée par n’importe qui », juge pour sa part l’égyptologue danois Thomas Christiansen. Et comme toute nouvelle découverte soulève toujours de nouvelles questions, le co-auteur de l’étude émet l’hypothèse que les encres en question étaient préparées dans des ateliers spécialisés.