FOCUS - La suppression d'une centaine de postes de General Electric sur les sites de Belfort et Boulogne-Billancourt va-t-elle bénéficier à Grenoble ? Une vingtaine d'emplois pourraient être transférés dans la capitale du Dauphiné en 2021. Les syndicats dénoncent une logique purement financière de la firme américaine. Mais aussi le manque de volonté politique de la France.
La suppression d'une centaine de postes chez General Electric sur les sites de Belfort et Boulogne-Billancourt va-t-elle “profiter” à Grenoble ?
En comité local et central, la direction du géant américain a confirmé le plan de restructuration, annoncé le 10 septembre dernier, pour une mise en œuvre en 2021. Notamment sur sa filière Hydro, l'une des deux branches touchées avec la filière Réseaux.
Entre la fermeture de Belfort et le transfert du siège de Boulogne-Billancourt, entre 89 et 119 emplois sont concernés, le différentiel s'expliquant par les propositions de transfert qui devraient être faites à une vingtaine de salariés pour rejoindre la capitale du Dauphiné. Grenoble serait-elle donc épargnée ? Après un plan social en 2018, les représentants du personnel ne se font pas beaucoup d'illusions...
"On délocalise dans une logique purement financière"
"On craint que les possibles transferts ne viennent pas, pointe Rosa Mendès, délégué GE Hydro pour la CGT. Comment cela va-t-il alors se passer ? Va-t-il y avoir création d'emplois ? On nous dit que oui mais, par expérience, on sait que cela n'arrive pas. Et si cela arrive, il faut compter avec le temps de formation, quand cela ne s'accompagne pas de pertes de compétences."
Un déménagement qui laisse les représentants du personnel de Belfort dubitatifs. "Pour pousser au transfert, on met en avant un moindre prix des loyers à Grenoble ! », s'étrangle Philippe Petitcolin, coordinateur CFE-CGC à GE Belfort.
La gestion de projets, dont se chargeaient jusque-là les deux sites français, sera demain partagée entre Grenoble et la Turquie. Laquelle récupérera également la partie achats de Belfort, quand le service bureau d'études doit, lui, être délocalisé vers l'Inde. "L'argument est classique : on délocalise vers les pays à bas coûts dans une logique purement financière. À Belfort, toutes les entités sont touchées. On continue le démantèlement."
"Chaque année, il faut réduire les coûts de 30 %"
Raison avancée par la direction de la firme américaine ? Le fait que le groupe soit toujours en proie à des difficultés financières inextricables, avec une dette de plus de 100 milliards d'euros. Et donc la nécessité de réduire la base des coûts. Entendez le montant des frais que représentent les salaires et les charges de fonctionnement. "D'après les explications de la direction, la base des coûts est aujourd'hui de 22 %. Demain, elle devra être de 15 %, explique Rosa Mendès. Alors on délocalise là où la main d'œuvre est moins chère."
"Chaque année, il faut réduire les coûts de 30 %. Comme on ne sait pas le faire techniquement, on le fait sur le coût du travail. Mais la réalité des délocalisations, c'est un très fort turnover en Inde, poursuit Philippe Petitcolin. C'est l'accident assuré dans cinq ou dix ans."
Une logique strictement financière, donc. Et pour les syndicats, une fuite en avant qui risque de se payer cher.
"En 2018, on a fragilisé les turbines en délocalisant, souligne Rosa Mendes. Aujourd'hui, on complète en fermant la partie alternateurs. Que nous reste-t-il ? Notre plus-value, c'est l'exécution clé en main. En délocalisant, on perd cette plus value ! », s'inquiète la déléguée CGT.
Car Alstom ne se contente pas seulement de fabriquer des composants à très haute valeur ajoutée comme les turbines à gaz. Une autre partie de son activité consiste à concevoir et installer des centrales électriques. Une compétence unique que les représentants des salariés craignent de voir s'envoler. Pas seulement sous d'autres cieux mais définitivement.
General Electric a perçu plus de 200 millions d'euros d'aides en cinq ans
Et la colère est d'autant plus grande que GE n'a pas tenu une promesse faite en 2015, du temps où Emmanuel Macron était ministre de l'Économie. En l'occurrence, celle de créer mille emplois en échange du rachat de la branche énergies d'Alstom. Pire, les restructurations se succèdent depuis, sans que Paris ne tape du poing sur la table. Ou presque : Bercy exige ainsi le paiement d'une amende contractuelle de 50 millions d'euros en contrepartie des emplois non créés. Amende dont le produit devait être réinvesti sur le site de Belfort...
C'est peu comparé à ce que la firme US a engrangé ces cinq dernières années en France. D'après Libération, le groupe américain a ainsi reçu une trentaine de millions d'euros par an de l'État sous forme de crédits d'impôt CIR et CICE depuis 2015. Soit plus de 200 millions d'euros d'aides.
"Ce qui manque, c'est une volonté politique", résume Philippe Petitcolin. Alors que la France mise sur son plan de relance économique, entre exigence de souveraineté industrielle et d'indépendance énergétique, les annonces de GE viennent apporter un autre éclairage, très concret, de son poids sur l'échiquier.
Le pouvoir "piégé par la responsabilité d'Emmanuel Macron dans ce désastre industriel"
"Il faut avoir à l'esprit l'exigence du gouvernement américain qui, lui, fait son boulot en demandant à General Electric de rapatrier le maximum d'unités de production dans le monde sur son site américain de Greenville", pointait en juin dernier dans Marianne Oliver Marleix, député LR qui a dirigé la commission d'enquête parlementaire sur la vente controversée d'Alstom Energie à General Electric. "Pendant ce temps-là, en France, nous avons un pouvoir qui est aux abonnés absents, piégé par la responsabilité politique personnelle d'Emmanuel Macron dans ce désastre industriel qu'est l'affaire Alstom-General Electric."
Un espoir reste-t-il possible ? Quelques jours après l'annonce de la restructuration, avec à la clé la suppression de 753 emplois sur les branches Hydro et Réseaux, General Electric a sorti une autre carte de son chapeau : la création de 400 emplois dans l'éolien off-shore à Saint-Nazaire.
Patricia Cerinsek
2 réflexions sur « Plan social à General Electric : le site de Grenoble appelé à récupérer les pots cassés »
Quels aides GE HYDRO FRANCE Grenoble a‑t-il reçu pendant la période de pandémie de Covid 19 ?
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