FOCUS – Pas de nouvelle opération burkini ni de nudisme sauvage dans les piscines municipales de Grenoble, dimanche 30 juin. L’Alliance citoyenne et le collectif « Tous à poil » n’ont pas investi les bassins. L’association a tout de même engagé le dialogue avec les usagers de la piscine Jean-Bron, avec la volonté de « calmer le jeu », tandis que la polémique libère une parole outrancière.
Ni “culs-nus”, ni burkinis : la journée du dimanche 30 juin avait tout du cauchemar annoncé pour les agents des piscines municipales de Grenoble, mais s’est finalement déroulée sans accrocs. D’une part, l’Alliance citoyenne a renoncé à une troisième opération burkini pourtant annoncée sur les réseaux sociaux. D’autre part, l’appel à se baigner « tous à poil » pour faire obstacle à « l’Islam radical » n’a pas non plus trouvé preneur.
Une journée comme les autres ? Pas exactement. Les horaires des piscines des Dauphins et Jean-Bron sont toujours revus à la baisse, suite au droit de retrait exercé par le personnel, le mardi 26 juin. Et si elle l’Alliance citoyenne n’a pas tenté une nouvelle fois d’imposer des burkinis dans le bassin de la piscine Jean-Bron, ses militants n’en étaient pas moins devant la piscine pour échanger avec les usagers, avec la volonté de « calmer le jeu ».
Éric Piolle appelle l’État à trancher
C’est peu dire en effet que les opérations burkini de l’association ont focalisé l’attention. Largement reprises dans les médias, elles ont mené à de nombreuses prises de paroles. Ainsi que beaucoup de condamnation de la part de la classe politique, allant jusqu’à celle du premier ministre Édouard Philippe. Après plusieurs semaines de silence, le maire de Grenoble a pour sa part indiqué que le règlement des piscines ne serait pas modifié… tout en appelant l’État à trancher.
« Édouard Philippe doit dire si les piscines sont un lieu sanctuarisé comme les écoles, ou si c’est un service public et, auquel cas, ce sont les règlements de base qui s’appliquent », a ainsi déclaré Éric Piolle devant la caméra de France Bleu. Et d’ajouter : « Il ne peut pas y avoir 36 000 versions de l’égalité. Ce n’est pas à chaque maire de définir ce que c’est que l’égalité face aux droits de la République, c’est le travail du gouvernement ! »
Quant aux prises de positions de Marlène Schiappa ou encore de Nicole Belloubet, le maire de Grenoble les accueille avec une certaine acrimonie. La secrétaire d’État à l’Égalité entre les hommes et les femmes en prend pour son grade : « On a compris tout et son contraire dans [sa] position », assène Éric Piolle. Tandis que la ministre de la Justice est accusée de « se cacher derrière le règlement, ce qui n’est finalement pas sa responsabilité ».
« Des religieux qui veulent faire de la politique »
Piqué au vif ? Dans les rangs de ses adversaires de droite comme de gauche, les voix ne manquent pas pour reprocher au maire de Grenoble une forme d’ambigüité vis-à-vis de la question soulevée par l’Alliance citoyenne. De quoi, peut-être, amener Éric Piolle à durcir encore le ton vis-à-vis d’une association par ailleurs subventionnée par la Métro. « Il est hors de question de discuter de ces règlements avec ces religieux qui veulent faire de la politique », lance-t-il ainsi.
L’Alliance citoyenne n’avait pas manqué de répondre au maire de Grenoble quelques jours plus tôt aux premières critiques. Dans un texte diffusé sur les réseaux sociaux, l’association conteste tout communautarisme ou appartenance à « l’Islam politique », et cite le politologue Olivier Roy pour qui le burkini est « une tenue moderne, qui n’a rien de traditionnel ou de fondamentaliste ». Tout en contestant les arguments d’hygiène ou de sécurité avancés contre le burkini.
« Porcs blancs kouffar » contre « Rentrez chez vous »
Très critiquée pour ses actions, l’Alliance citoyenne a également reçu beaucoup de marques de soutien, et notamment de l’Unef, l’UNL ou encore les Jeunes Insoumis. Mais aussi de nombreux internautes… dont quelques-uns ne masquent guère leur radicalisme religieux. « On est ensemble avec les sœurs contre les kouffars [pluriel de kafir, terme désignant l’incroyant, l’infidèle, le mécréant, ndlr] », écrit ainsi une femme voilée sur le compte Facebook de l’association. Un message depuis retiré mais toujours visible via Google.
La même personne signe un autre commentaire tout aussi remarquable, et qui circule désormais sur les réseaux sociaux : « Bientôt la piscine sera à nous on sera pas obligée de se baigner avec les porcs blancs »… En retour, l’Alliance citoyenne invite chacun à ne pas généraliser. Tout en mettant parfois elle-même dans un même panier de « fachos » les opposants à ses actions, comme s’en émeut Stéphane Gemmani cité par Le Figaro.
Il n’en demeure pas moins réel que les opérations burkini de l’Alliance citoyenne déchaîne sur les réseaux sociaux une parole ouvertement raciste, à grands renforts d’insultes et de « rentrez chez vous ». Si l’Alliance est la première concernée dans les commentaires de ses publications, les modérations des sites d’actualité relayant ses actions et leurs répercussions sont, elles aussi, soumises à rude épreuve. Une raison de plus de « calmer le jeu » ?
Florent Mathieu
DES BURKINIS À GRENOBLE… AU TOPLESS À ANNECY
Par temps de canicule, les piscines municipales deviennent-elles le lieu de toutes les revendications ? Alors que l’Alliance citoyenne milite à Grenoble pour le droit au port du burkini, des habitantes d’Annecy revendiquent la liberté… de se baigner seins nus. À l’appel d’un événement baptisé Free the nipple (« Libérez le téton »), six femmes ont ainsi fait du topless au cœur de la piscine des Marquisats, le samedi 29 juin, relate le Dauphiné libéré.
À l’origine du mouvement, Céline Saint-Julien. Une Annécienne qui explique avoir découvert cette année que le règlement de la piscine interdisait aux femmes les seins nus dans son enceinte. « Pendant ce temps là, les hommes peuvent se promener tranquillement les tétons à l’air », proteste-t-elle, en jugeant la mesure « discriminatoire et sexiste ». Avant de déplorer que, en 2019, le corps des femmes « dérange encore ».