FOCUS – Mercredi 26 juin au matin, des militants isérois des associations Action non violente-Cop 21 et Extinction rébellion se sont rendus dans cinq mairies du Grésivaudan afin de décrocher le portrait du président de la République. En fin de matinée, trois portraits avaient été décrochés à Biviers, Bernin et au Versoud et une personne placée en garde-à-vue. Une « journée historique » pour les activistes climat qui ont mené des actions similaires dans toute la France.
Neuf militants d’Action non violente Cop 21 se sont retrouvés près de la mairie de Biviers mercredi matin pour décrocher le portrait d’Emmanuel Macron. Errant l’air de rien dans le parc, ils attendaient le signal pour entrer dans la salle des mariages.
Quelques minutes plus tard, ils ressortent hâtivement de la mairie, prennent une photo avec le portrait et s’en vont rapidement, après avoir embarqué l’affiche dans une voiture. Celle-ci rejoindra sa cachette pour les mois à venir.
Les militants dénoncent « l’hypocrisie du gouvernement »
Dans les heures qui suivent, les activistes grenoblois visent trois autres mairies du Grésivaudan. À Paris et à Poitiers aussi des militants réalisent les mêmes actions de désobéissance civile. En tout, une quinzaine de portraits ont été « réquisitionnés » hier en France.
La raison invoquée ? L’inaction du gouvernement en matière de politique environnementale. Quelques jours après le discours d’Édouard Philippe annonçant que « ces douze prochains mois seront ceux de l’accélération écologique », les militants dénoncent l’hypocrisie du gouvernement qui, dans le même temps, veut profiter de l’été pour faire ratifier l’intégralité du Ceta*.
Pour Jérémie, entré dans l’association en octobre, « c’est une campagne qui a du sens car pas grand chose n’a évolué en terme d’action climatique ». Plus symbolique qu’autre chose, la campagne « Décrochons Macron ! » veut représenter l’absence du président de la République dans la transition écologique. « Ce qui me motive c’est l’urgence, la volonté de forcer [les dirigeants] à agir », explique-t-il. Pour lui, les discours du gouvernement ne sont qu’une « imposture » car les mesures ne suivent pas.
Cinq mairies visées dans le Grésivaudan
Au départ, les militants d’Action non violente Cop 21 visaient cinq mairies : Biviers, Saint-Nazaire-Les-Eymes, Bernin, Froges et Le Versoud. C’était sans compter sur la police municipale qui s’est présentée à Froges, entraînant l’annulation de l’action.
À Saint-Nazaire-Les-Eymes, un policier a interpellé l’un des militants qui prenait la fuite avec le portrait. Jamais de gestes brusques durant une action non violente. Le militant s’est donc laissé faire et a suivi le policier à l’intérieur de la mairie.
Olivier, du groupe Extinction rébellion, a ensuite été placé en garde-à-vue et perquisitionné. ANV a rapidement formé un comité pour le soutenir devant la gendarmerie de Meylan.
Plusieurs personnes placées en garde-à-vue à la suite de l’action
Plus tard, le rassemblement a donné lieu à de nombreux contrôles d’identité et un autre militant, qui n’avait pas participé à l’action du matin, a lui aussi été placé en garde-à-vue. De plus, trois autres activistes ont été auditionnés et perquisitionnés et l’un d’entre eux placé en garde-à-vue pendant plusieurs heures.
Depuis le début de la campagne, le 21 février, la justice a auditionné une centaine de personnes dont soixante-quatre placées en garde-à-vue. Ces dernières ont donné lieu à plus de cinquante perquisitions dans toute la France.
« On ne le fait pas par plaisir, mais si nous devons nous faire arrêter et juger pour que les choses changent, nous sommes prêts », a déclaré l’un des activistes climat grenoblois.
Une date symbolique
S’ils ont choisi le 26 juin pour mener leur action, ce n’est pas un hasard. C’est ce mercredi qu’avait lieu le procès de trois militants d’ANV Cop 21 à Strasbourg. Accusés de « vol en réunion » pour avoir décrocher le tableau du président dans une mairie alsacienne, le 5 mars dernier.
Ils ont finalement été relaxés par le tribunal correctionnel de Strasbourg. Pourtant, les activistes climat risquaient gros puisque la loi prévoit cinq ans d’emprisonnement et une amende de 75 000 euros.
Déjà, le 28 mai dernier, six militants d’Action Non Violente-Cop 21 étaient jugés pour « vol en réunion avec ruse » à Bourg-en-Bresse, après avoir décroché le tableau d’Emmanuel Macron à Jassans-Riottier, dans l’Ain. Bilan : 500 euros d’amende avec sursis. Une peine jugée « disproportionnée » par ANV en raison du prix de l’affiche présidentielle : 8,70 euros.
Une dizaine de procès sont encore prévus dans les mois à venir, dont un le 4 novembre à Grenoble. Une répression jugée « démesurée » par les militants tandis que plusieurs dirigeants politiques, comme Bruno Le Maire, apportent leur soutien aux mairies et dénoncent une « atteinte aux symboles de la République ».
80 tableaux « réquisitionnés » dans toute la France
En tout, 15 portraits ont quitté leur mairie hier, portant à 80 le nombre d’affiches décrochées dans toute la France. En Isère, les 3 tableaux s’ajoutent à celui décroché le 3 avril dans la mairie de Poisat.
Si l’association écologiste préfère le terme « réquisitionné », c’est parce qu’elle n’entend pas voler les tableaux.
Ces actions veulent symboliser le décrochage de la France des accords signés lors de la Cop-21. « Nous les ramènerons quand M. Macron prendra des mesures effectives pour lutter contre le réchauffement climatique » avait, en effet, déclaré un des militants jugés à Grenoble le 7 mai dernier.
L’objectif ? 125 portraits avant la tenue du G7 fin août à Biarritz. Les militants espèrent, en effet, pouvoir les amener pour dénoncer l’inaction climatique devant des journalistes du monde entier. Le nombre 125 aussi est symbolique puisqu’il représente le nombre de jours écoulés avant que la France ne dépasse son empreinte écologique.
Des militants d’ANV étaient présents hier soir sur la place Andry-Farcy. Ils voulaient informer les citoyens des actions menées dans la journée et appeler au soutien envers les deux hommes encore en garde-à-vue.
Ils ont pris la parole à la fin des discours concernant la privatisation des aéroports de Paris prononcés par le député François Ruffin et le maire de Grenoble. Pour eux, même combat, « justice sociale et climatique » pour tout le monde.
Ce jeudi matin, deux militants sont encore en garde-à-vue après leurs transferts dans des gendarmeries différentes. Des actions de soutien sont prévues dans la journée.
Nina Soudre
*Canada-EU Trade Agreement : accord de libre-échange entre la France et l’Amérique du Nord