FOCUS – Les piscines municipales des Dauphins et Jean-Bron de Grenoble sont restées portes closes jeudi 27 juin. Le personnel a exercé son droit de retrait suite à une altercation survenue le mardi précédent, mais aussi et surtout suite aux deux opérations burkini des 17 mai et 23 juin. Si la polémique ne retombe pas, des organisations politiques et syndicales font savoir leur soutien aux actions de l’Alliance citoyenne.
« Pour l’heure, les conditions ne sont pas réunies pour permettre une réouverture des piscines jeudi 27 Juin ». En une phrase, par voie de communiqué, la Ville de Grenoble a fait savoir que les piscines municipales des Dauphins et Jean-Bron seraient fermées pour une deuxième journée consécutive. Pour quel motif ? Les personnels des deux établissements ont fait valoir leur droit de retrait, suite à un incident survenu mardi 25 juin.
Mais l’incident en question, une algarade avec un usager insistant pour se baigner en short malgré le règlement intérieur, semble surtout la goutte d’eau qui a mis le feu au lac. Le droit de retrait des employés témoigne en effet avant tout d’un ras-le-bol, suite aux deux opérations burkini menées par l’Alliance citoyenne les vendredi 17 mai et dimanche 23 juin. Des manifestations largement médiatisées, dont la deuxième s’est conclue par une intervention de la police municipale.
Les piscines rouvriront « dès que possible »
La Ville de Grenoble ne s’y trompe pas. Dans son communiqué, celle-ci évoque des piscines « actuellement la cible d’opérations communautaristes et [qui] ont fait l’objet ces derniers jours de nombreuses incivilités ». Un cran de plus dans la condamnation de ces actions burkini ? C’est la première fois que le terme « communautariste » apparaît sous la plume de la municipalité, son maire Éric Piolle évoquant jusqu’ici des « actions militantes et médiatiques ».
Mais si la Ville assure « se [mobiliser] pour assurer la sécurité de toutes et tous [et] permettre à ses agents d’exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions », les agents en question n’ont pas encore l’intention de reprendre le chemin des bassins. Une issue en vue ? Les services municipaux préfèrent ne pas s’engager : « Les discussions se poursuivront demain [jeudi 27 juin, ndlr] pour rouvrir les piscines dès que possible. »
Difficile en effet de savoir si la tension peut rapidement retomber. En particulier lorsque l’Alliance citoyenne annonce publiquement une nouvelle action le dimanche 30 juin, via diffusion d’un formulaire sur les réseaux sociaux. En prétextant une « sortie piscine en famille », l’association propose ainsi de prêter des burkinis aux participantes qui le désireraient. Le lieu de rendez-vous de la nouvelle action n’est, pour sa part, pas précisé.
Quand la parole publique s’empare de l’affaire des burkinis de Grenoble
La fermeture de deux piscines municipales en pleine période de canicule a de quoi susciter des réactions. Sur les réseaux sociaux d’une part, où les uns blâment et moquent les « fonctionnaires », quand les autres reprochent à l’Alliance citoyenne de pénaliser l’ensemble de la population. Mais aussi dans les prises de parole publique, alors que la presse nationale s’est largement emparée de l’affaire des burkinis de Grenoble.
Pour exemple, une chronique de Cécile Pina dans les colonnes du Figaro, où l’essayiste tire à boulets rouges contre ce qu’elle estime « une stratégie à la fois de conquête de l’espace public comme de désaveu ou de soumission des institutions ». Ou les prises de parole du blogueur militant Naëm Bestandji, pour qui « Alliance citoyenne et ses alliées islamistes ont réussi à faire bouger les choses : cliver (c’était leur but) et faire fermer les piscines ».
Des critiques qui n’épargnent jamais Éric Piolle, dont la position est souvent jugée « ambiguë ». Pour enfoncer le clou, Stéphane Gemmani partage un extrait de vidéo dans lequel le maire de Grenoble note : « D’un côté on va se retrouver dans pas longtemps à promouvoir de plus en plus des maillots couvrants pour se protéger du soleil, mais par contre si c’est le même maillot couvrant mais que vous le faîtes avec une intention religieuse, à ce moment-là ça ne va pas ! »
L’Alliance citoyenne soutenue par les jeunes NPA et Insoumis
Si la grande majorité des réactions politiques condamne les opérations burkini de l’Alliance citoyenne, l’association ne compte pas moins des soutiens. À commencer par la section Jeunes du NPA (Nouveau parti anticapitaliste) qui, dans un premier communiqué, criait dès le 24 juin « Non à la discrimination raciste dans les piscines municipales ». Et qualifiait l’intervention de la police municipale le 23 juin à Jean-Bron de « campagne raciste et sexiste ».
Le NPA Jeunes fait de nouveau entendre sa voix dans un second communiqué, cette fois coécrit avec les Jeunes communistes de l’Isère, les Jeunes insoumis Grenoble, l’Unef, l’UNL et la structure Village 2 santé d’Échirolles. Des signataires qui jugent « injuste de demander aux femmes de renier leur religion pour accéder à un équipement municipal ». Et invitent Éric Piolle à « garantir l’égalité d’accès aux services publics ».
Et les organisations de dénoncer « une approche liberticide et islamophobe [qui] s’est diffusée dans de nombreuses organisations de gauche où de nombreuses personnes sont passées de la critique de la religion qui est légitime (…) au rejet d’un groupe social à cause de sa religion ». Les adjoints ou conseillers municipaux Insoumis de la Ville de Grenoble apprécieront-ils cette prose, à laquelle souscrit la section Jeunes de leur propre mouvement ?