FIL INFO – La chaire grenobloise Brittle’s Codex se dote d’un nouveau lanceur de projectiles qui permet d’étudier le comportement dynamique des matériaux fragiles sous conditions extrêmes. Inauguré le 20 mai 2019, cet instrument est le plus performant d’Europe dans le champ universitaire. Installé au sein du laboratoire Sols, solides, structures risques (3SR) sur le campus de Saint-Martin‑d’Hères, il constitue l’équipement principal de la plateforme d’expérimentation ExperDyn.
« L’inauguration de ce lanceur est un jalon très important dans le développement de la chaire Brittle’s Codex* », souligne Laurent Pierrot, directeur recherche et développement du centre de profits (business unit) Performance Ceramics & Refractories du groupe Saint-Gobain, mécène de la chaire.
L’inauguration du nouveau lanceur de projectiles a eu lieu le 20 mai dernier sur le campus universitaire de Saint-Martin‑d’Hères au laboratoire Sols, solides, structures risques (3SR)** où il est installé. À cette occasion, Pascal Forquin, professeur à l’Université Grenoble Alpes (UGA) et porteur du projet de lanceur, souligne la qualité de cette acquisition.
Les partenaires de la chaire Brittle’s Codex lors de l’inauguration de son lanceur. © Brittle’s Codex
« Les performances de notre moyen d’expérimentation dynamique et son instrumentation font de la plateforme ExperDyn l’une des plus performantes en laboratoire universitaire au niveau européen pour la caractérisation expérimentale du comportement dynamique des matériaux », se réjouit-il.
De quoi, l’espère-t-il, satisfaire ainsi l’ambition de la chaire qui est de mieux étudier les matériaux dits fragiles. À savoir, les bétons, le verre, les roches, les céramiques ou encore la glace, « dont les propriétés sont encore assez mal connues sous conditions extrêmes », estime le chercheur. Comment vont-ils procéder ? En les exposant à des conditions qui conduisent à leur déformation ou leur fragmentation en quelques microsecondes. Tel un choc, une haute pression, un impact à haute vitesse ou encore un écaillage.
Des vitesses de projection jusqu’à 1100 m/s
Avec ses douze mètres de longueur et ses quatre tubes de diamètres différents (25, 80, 100 et 120 mm), l’instrument est capable d’envoyer des projectiles de plusieurs centaines de grammes à plus de 1 100 m/s (soit 4000 km/h). Autrement dit, à plus de trois fois la vitesse du son !
« Ce qui permet de générer dans la cible des pressions pouvant atteindre 200 000 bars sur des temps de chargement compris entre quelques dizaines de nanosecondes et une dizaine de microsecondes », souligne Pascal Forquin. L’équipement, ajoute-t-il, « est en outre capable de générer jusqu’à 400 bars de pression ».
À la qualité de l’instrumentation vient s’adosser une méthode expérimentale novatrice. Celle-ci repose sur « une technique d’impact de plaques texturées de grand diamètre ayant fait l’objet d’un brevet », poursuit le chercheur.
Avec de telles performances et niveaux d’expertises intégrées, rien d’étonnant à ce que le colosse de six tonnes ait coûté la coquette somme de 710 000 euros. « Sans l’apport de nos mécènes, cet investissement très important n’aurait pas été possible », précise le porteur de la chaire Brittle’s Codex. Outre le géant français Saint-Gobain présent dans soixante-sept pays dans le monde, compte aussi au nombre de ses contributeurs le leader mondial des matériaux et des solutions de construction LafargeHolcim.
« Cet équipement va nous permettre d’acquérir des données de grande valeur »
À l’arrière, une chambre sous vide de près de 8 m3 équipée de grands hublots permet au moyen de caméras ultra-rapides et d’interféromètres, de capturer et de caractériser les impacts. Et, grâce à la radiographie aux rayons X, l’instrument permet également de voir littéralement à l’intérieur des échantillons au moment du choc.
« Cet équipement va nous permettre d’acquérir des données de grande valeur grâce à la caractérisation du comportement de matériaux dans des plages de sollicitations rarement explorées », pressent Laurent Pierrot, le directeur recherche et développement chez Saint-Gobain.
Ce qui, formulé différemment par Pascal Forquin, revient à « [éclaircir] le lien entre la microstructure des matériaux, leurs comportements mécaniques et leurs mécanismes d’endommagement ».
« Il permettra de réaliser des innovations de rupture qui seraient autrement inaccessibles »
Laurent Pierrot est également convaincu de l’intérêt de mener ces travaux de recherche fondamentale. « Ils fourniront une base de connaissances et des outils d’analyse qui permettront à Saint-Gobain et à d’autres industriels de réaliser des innovations de rupture qui seraient autrement inaccessibles », se félicite-t-il.
Mais pas seulement. Emmanuel Garcia, directeur recherche et développement, en charge du département Bétons et granulats à l’Innovation center de LafargeHolcim, vise d’autres objectifs connexes. « Pour nous, les résultats générés sont utiles à trois niveaux : pour mieux comprendre notre matériau, pour en optimiser les utilisations et aussi en concevoir de nouveaux usages. »
Et de citer le cas du béton. « Les usages du béton se développent sans cesse. Il est par exemple maintenant utilisé pour protéger des bâtiments contre des explosions ou des attaques armées », précise-t-il.
Toutefois, grâce aux performances de son nouveau lanceur, la chaire Brittle’s Codex vise en outre bien d’autres problématiques. Notamment, les structures de protection en céramique vis-à-vis d’impact et l’abattage de roche à l’explosif en carrière. Ou le forage par impact et la vulnérabilité des structures en béton sous chargement d’impact. Ou encore la fragmentation de certains déchets en vue de leur recyclage. Sans compter, l’optimisation des vitrages blindés ou l’étude des impacts de grêlons sur les fuselages d’avion.
VM
* Créée en 2017 pour une durée de quatre ans, la chaire Brittle’s Codex est portée par la Fondation UGA avec le soutien en mécénat de Saint-Gobain et LafargeHolcim. Auquel s’ajoute un partenariat technologique avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Côté ressources humaines, quatre doctorants, deux post-doctorants et trois chercheurs composent cette chaire.
** 3SR – CNRS / Grenoble INP / Université Grenoble Alpes