FOCUS – Le syndicat des jeunes agriculteurs de l’Isère prend la parole pour s’insurger contre les actions du collectif anti-pesticides de synthèse « Nous voulons des coquelicots ». Exprimant leur ras-le-bol des clichés et des critiques sur leur métier, ces derniers contre-attaquent après l’agression de deux producteurs. Soucieux de ne pas attiser la polémique avec leurs détracteurs, les jeunes agriculteurs déclarent néanmoins vouloir continuer à favoriser un dialogue constructif.
« Nous avons des coquelicots ! », clame le syndicat des Jeunes agriculteurs de l’Isère (JA). Ces derniers en ont gros sur le cœur et prennent la parole sur le sujet ô combien sensible des pesticides utilisés dans l’agriculture.
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase ? Deux agressions de producteurs et l’expression « cognons ensemble sur les empoisonneurs », utilisée sur le compte Twitter du collectif « Nous voulons des coquelicots ». Un mouvement citoyen lancé en 2018 par Fabrice Nicolino et soutenu par nombre d’associations environnementales.
Son combat ? Exiger de nos gouvernants « l’interdiction de tous les pesticides de synthèse » en France. Une lutte que ce collectif mène en s’appuyant sur de nombreux rassemblements un peu partout en France. Tout autant que sur l’Appel des coquelicots qui a recueilli, à ce jour, plus de 623 000 signatures en ligne.
Face à tout cela, les jeunes producteurs contre-attaquent, exprimant leur « ras-le-bol des clichés et des critiques sur leur métier ». Loin de vouloir amplifier la polémique, ces derniers affirment vouloir continuer à « favoriser un dialogue constructif » avec leurs détracteurs.
« Il est urgent de ne plus donner l’impression de seulement se défendre »
« De nombreux agriculteurs sont pris à partie au moment d’épandre des produits de protection sur leurs cultures », indiquent les Jeunes agriculteurs dans un communiqué. Un phénomène marginal ? Pas tant que ça. « Sur le terrain, les interpellations d’agriculteurs sont de plus en plus importantes, même si elles ne finissent – heureusement – pas toujours par une agression physique », relate Sébastien Poncet. Le président des JA de l’Isère l’affirme : « le collectif Nous voulons des coquelicots va à l’encontre du dialogue constructif que nous essayons de mettre en place ».
« L’agriculture doit-elle se poser en victime ? », questionne Sébastien Poncet. Le syndicaliste s’inscrit en faux contre « une posture sans doute tentante ». Surtout, ajoute-t-il, que « de tels incidents auront toujours tendance à créer une sympathie bienvenue pour un secteur souvent éreinté ».
La volonté généralisée du monde agricole de s’expliquer est, selon lui, incontestable. « Il est urgent, pour l’agriculture, de ne plus donner l’impression de seulement se défendre, mais de communiquer positivement. » En d’autres termes, expliquer davantage la réalité d’une profession peu, voire mal connue. C’est en tout cas ce que s’efforcent de faire les JA de l’Isère. Notamment « à travers des actions de communication auprès du grand public lors d’évènements comme la fête de la Nature à Voiron », expliquent-ils.
Les agriculteurs affirment avoir réduit de 45 % le volume de produits phytosanitaires
L’occasion pour Sébastien Poncet de citer quelques chiffres. La consommation de produits phytosanitaires à l’hectare de surface agricole utile (SAU) a diminué d’un tiers entre 2000 (3,28 kg/ha) et 2010 (2,28 kg/ha). Ses sources ? L’Union des industries de la protection des plantes (UIPP) et le Service de la statistique et de la prospective (SSP) du ministère de l’Agriculture.
Quant aux agriculteurs, ces derniers ont réduit de 45 % l’utilisation de produits phytosanitaires en volume depuis 1990. Par ailleurs, les doses moyennes nécessaires pour traiter un hectare ont été divisées par plus de 34 en l’espace de soixante ans. Quand la toxicité moyenne a été divisée par 8,5.
Le résultat ? Ramenée au nombre d’hectares, la consommation française de produits phytosanitaires arrive en 9e position au niveau européen. Et ce derrière les Pays-Bas, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne. C’est du moins ce que révèlent des statistiques européennes fournies par Eurostat 2015, est-il précisé.
Dans la pratique ? « Les agriculteurs priorisent les alternatives lorsque cela est possible et optimisent l’efficacité des traitements obligatoires pour sauver la récolte », assure Sébastien Poncet. Quid des produits de nouvelles générations ? « Ils sont utilisés à des doses à l’hectare plus faibles. Ainsi, entre 1950 et 2000, les doses appliquées ont été divisées par neuf », précise le syndicaliste. Citant là des valeurs obtenues auprès de BASF France division Agro.
« Si vous souhaitez connaître la réalité, contactez les bonnes personnes ! »
« Les agriculteurs reçoivent une formation individuelle à l’utilisation responsable des produits phytopharmaceutiques », rappelle en outre le jeune agriculteur. Ce n’est qu’à l’issue de cette formation, précise-t-il, qu’ils reçoivent un agrément pour l’achat et l’utilisation des produits. Un agrément non perpétuel, à renouveler tous les cinq ans. De même que tous les pulvérisateurs utilisés pour l’application des produits phytosanitaires, eux aussi contrôlés tous les cinq ans.
« Les jeunes agriculteurs de l’Isère montrent tous les jours leur motivation à renouveler leurs méthodes pour plus de durabilité », affirme Sébastien Poncet. Selon lui, « les réunions Nous voulons des coquelicots ne permettent pas le dialogue et l’échange ». L’occasion d’interpeller le collectif anti-pesticides. « Si vous souhaitez connaître la réalité, contactez les bonnes personnes. Allez à la rencontre de ces jeunes agriculteurs ! », les admoneste-t-il.
Avant de conclure : « Ainsi, vous pourrez découvrir tout le travail de ces femmes et de ces hommes qui œuvrent pour une agriculture de qualité et en constante évolution ».
Joël Kermabon
En France, l’usage de pesticides est reparti à la hausse en 2017
Qu’en est-il de la consommation de produits phytosanitaires en France ? Le premier plan Écophyto, lancé en 2008 et son successeur, Ecophyto 2, visant à réduire progressivement leur emploi de 50 % en dix ans, avaient abouti tous deux à des échecs patents. De fait, il s’agissait bien d’une contre-performance puisque, après une légère baisse en 2016 de 2,2 %, le chiffre est reparti à la hausse en 2017 avec 0,3 % d’augmentation.
La consommation de pesticides de synthèse a ainsi globalement augmenté de 12 % entre 2014 et 2016. « Écophyto n’a pas marché car c’est une approche punitive et stigmatisante », s’était justifiée auprès d’Actu environnement Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA. « Les solutions n’étaient pas disponibles, le climat [n’a] pas aidé et l’approche était élitiste », ajoutait-elle encore.
En tout cas, largement de quoi alimenter les craintes de nombreuses associations de protection de l’environnement. Et celles du collectif Nous voulons des coquelicots.
Écophyto 2+, une version améliorée d’Écophyto
Pour forcer ce sevrage quelque peu laborieux, le gouvernement a lancé au cours de l’été dernier une version améliorée renforçant le plan Écophyto 2, baptisée Écophyto 2+. Ses principaux objectifs ? Accélérer notamment le retrait des substances les plus préoccupantes et « promouvoir la reconnaissance et la diffusion des produits de biocontrôle ».
Mais aussi « renforcer la prévention de l’exposition de la population aux pesticides ainsi que de leurs impacts sur l’environnement et la biodiversité ». Le tout sans oublier le soutien à la recherche et l’innovation ainsi que l’accompagnement des agriculteurs dans la transition. Ainsi va-t-on consacrer 71 millions d’euros chaque année au plan Ecophyto. Ce grâce au prélèvement « d’une redevance sur les ventes de produits phytopharmaceutiques », assurent les instances gouvernementales.
L’Isère 62e département pour les ventes de produits phytosanitaires
Quid des ventes de pesticides en Isère ? Si notre département ne figure pas au rang des très bons élèves, il n’en est pas pour autant un cancre. C’est du moins ce qui ressort de la carte établie par Génération future, où l’Isère arrive au 62e rang des 101 départements français, avec 313,46 tonnes achetés en 2017. Un chiffre à mettre en perspective avec celui de l’Aube, en tête de liste avec 3 276 tonnes de substances actives vendues.
Par ailleurs, c’est le glyphosate qui est le pesticide de synthèse le plus acheté en Isère devant le S‑metolachlore et le soufre pour pulvérisation.
Ce qui peut inquiéter à juste titre quand on sait qu’en plus d’être probablement responsable de cancers, le glyphosate serait également susceptible d’être un perturbateur endocrinien.
Quant au S‑metolachlore, cette substance active de produits herbicides utilisés, entre autres, pour la culture du noyer, elle est considérée comme « préoccupante ». Une classification qui ne manque pas d’inquiéter les populations vivant à proximité des nucicultures. Ces dernières redoutent en effet les impacts des pulvérisations sur leur environnement et leur santé.