Lionel Beffre et Eric Piolle étudient les résultats du premier tour de la présidentielle. Soirée électorale à la Préfecture de Grenoble. 23 avril 2017. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'net

Le maire de Grenoble défen­seur des migrants ? Eric Piolle rap­pelé à l’ordre par le préfet

Le maire de Grenoble défen­seur des migrants ? Eric Piolle rap­pelé à l’ordre par le préfet

EN BREF – La médaille de la ville décer­née à l’a­gri­cul­teur Cédric Herrou et les pro­pos tenus par le maire de Grenoble à l’a­dresse du pro­cu­reur de la République ne sont pas du goût du pré­fet de l’Isère. Alors qu’Eric Piolle se pose en défen­seur des migrants, le repré­sen­tant de l’État déplore ses pro­pos qui appellent à com­mettre des infrac­tions ou des actes illégaux.

Soirée électorale à la Préfecture de Grenoble. 23 avril 2017. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'net

Lionel Beffre, pré­fet de l’Isère. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

Le ton monte entre le pré­fet de l’Isère et le maire de Grenoble. Alors qu’Eric Piolle a, lundi 28 mai, décerné la médaille de la ville à Cédric Herrou – l’a­gri­cul­teur condamné en appel à quatre mois de pri­son avec sur­sis pour avoir aidé des migrants en situa­tion irré­gu­lière – Lionel Beffre vient de rap­pe­ler le pre­mier magis­trat à ses devoirs. À savoir qu’un maire est « d’a­bord le garant du res­pect de la loi ».

Car le maire de Grenoble ne s’est pas contenté d’é­pin­gler une médaille sur le revers de la veste de l’a­gri­cul­teur niçois. Eric Piolle en a aussi pro­fité pour por­ter le fer contre la loi Asile et Immigration et son délit de soli­da­rité dont il demande l’abrogation.

Dans un post publié sur Facebook, le pre­mier magis­trat s’est lancé dans une longue dia­tribe adres­sée au… pro­cu­reur de la République de Grenoble.

« Va-t-on nous pla­cer en garde à vue ? »

« À l’exa­men de la loi et de la juris­pru­dence : nos actions col­lec­tives en tant que Ville de Grenoble et avec les asso­cia­tions et habi­tants qui s’y asso­cient, font cou­rir un risque pénal », sou­ligne notam­ment Eric Piolle.

« Va-t-on nous pla­cer en garde à vue, voire nous traî­ner en cor­rec­tion­nelle à cause de la contre­par­tie maté­rielle indi­recte que l’é­tran­ger aidé pour­rait, en retour, faire à un aidant ? En ache­tant quelques courses de temps à autres (sic) pour gar­nir la table, en don­nant quelques sous pour aider à payer le loyer du loge­ment qu’ils par­tagent, voire pour­quoi pas en fai­sant la vais­selle (ça s’est vu en 2015 à Perpignan, je n’invente rien)… Peut-être même notre action recouvre-t-elle la notion de « bande orga­ni­sée » visée à l’ar­ticle L622‑5 du Ceseda et qui est repro­chée aux jeunes gens qui seront jugés ce jeudi par le tri­bu­nal cor­rec­tion­nel de Gap pour leur par­ti­ci­pa­tion à une mani­fes­ta­tion à Briançon il y a quelques semaines ? »

Eric Piolle, lors de son interview pour Place Gre'net, 12 avril 2017. © Yuliya Ruzhechka - Place Gre'net

Eric Piolle, 12 avril 2017. © Yuliya Ruzhechka – Place Gre’net

L’interpellation n’a guère été du goût du repré­sen­tant de l’État. Qui a rap­pelé Eric Piolle à son devoir d’exem­pla­rité. Le pré­fet ne conteste pas la pos­si­bi­lité pour un élu d’a­voir et d’ex­pri­mer ses opi­nions, « qui s’ins­crivent ainsi dans un débat d’in­té­rêt géné­ral et relèvent de l’ex­pres­sion poli­tique ou mili­tante ». Mais il déplore des pro­pos qui « appellent à com­mettre des infrac­tions ou des actes illé­gaux alors même qu’ils sont tenus par un maire auquel les lois de la République confient des res­pon­sa­bi­li­tés d’of­fi­cier de police judi­ciaire et la charge de faire res­pec­ter l’ordre public dans le res­sort de sa commune ».

« Prôner l’illé­ga­lité ou cau­tion­ner des infrac­tions pour­tant condam­nées par l’au­to­rité judi­ciaire n’est pas une conduite ano­dine », enfonce le pré­fet au len­de­main de la céré­mo­nie de remise de médaille visi­ble­ment orga­ni­sée devant un par­terre de médias par­ti­cu­liè­re­ment réduit. Une sor­tie que pour­fend éga­le­ment le séna­teur de l’Isère Michel Savin (Les Républicains) alors que la Haute Assemblée doit encore exa­mi­ner le pro­jet de loi Asile et immigration.

« La soli­da­rité est l’une des valeurs de la France, mais il est n’est pas accep­table qu’un élu de la République se dise soli­daire d’une per­sonne en rai­son de sa condam­na­tion pénale et appelle à com­mettre des infrac­tions ou des actes illé­gaux, s’in­surge le par­le­men­taire. L’exemplarité des élus est une abso­lue nécessité » *.

Du dis­cours natio­nal… à la réa­lité locale

Grenoble, terre d’ac­cueil des migrants ? En jan­vier der­nier, le maire de Grenoble avait, les pieds dans la neige dans une vidéo tour­née au col de Montgenèvre, déjà exhorté le pré­sident de la République à abo­lir le délit de soli­da­rité. Un dis­cours très “natio­nal”… quelque peu en déca­lage avec la situa­tion locale.

Le camp Valmy, derrière le Stade des Alpes, est occupé par une centaine de migrants des Balkans.

Le camp Valmy, der­rière le Stade des Alpes à Grenoble. © Manuel Pavard – pla​ce​gre​net​.fr

En avril 2017, la Ville de Grenoble avait en effet demandé l’é­va­cua­tion du camp Valmy occupé par des migrants ori­gi­naires pour la plu­part d’Albanie, de Macédoine et de Serbie, sans pro­po­ser de solu­tions de relogement.

Et s’é­tait faite taper sur les doigts par le tri­bu­nal admi­nis­tra­tif, le juge des réfé­rés consi­dé­rant que l’é­va­cua­tion n’é­tait pas jus­ti­fiée faute de solu­tion alter­na­tive d’hébergement**.

En trois ans, Grenoble a certes accom­pa­gné quatre cents ini­tia­tives soli­daires, entre dons de vête­ments chauds, cours de fran­çais et de cui­sine, mise à dis­po­si­tion d’un toit, repas, tickets de trans­ports et même sor­ties en mon­tagne, comme le rap­pelle Eric Piolle dans son post.

Pas de quoi convaincre cepen­dant les mili­tants et asso­cia­tions qui avaient sur­tout vu dans la livrai­son de repas sur le cam­pus et la signa­ture de conven­tions d’oc­cu­pa­tion tem­po­raire, des opé­ra­tions de communication.

PC

*Article mis à jour le 29 mai à 13 h 55.

** Le camp Valmy a fina­le­ment été éva­cué un mois plus tard pour cause de troubles à l’ordre public.

Patricia Cerinsek

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