EN BREF – La médaille de la ville décernée à l’agriculteur Cédric Herrou et les propos tenus par le maire de Grenoble à l’adresse du procureur de la République ne sont pas du goût du préfet de l’Isère. Alors qu’Eric Piolle se pose en défenseur des migrants, le représentant de l’État déplore ses propos qui appellent à commettre des infractions ou des actes illégaux.
Le ton monte entre le préfet de l’Isère et le maire de Grenoble. Alors qu’Eric Piolle a, lundi 28 mai, décerné la médaille de la ville à Cédric Herrou – l’agriculteur condamné en appel à quatre mois de prison avec sursis pour avoir aidé des migrants en situation irrégulière – Lionel Beffre vient de rappeler le premier magistrat à ses devoirs. À savoir qu’un maire est « d’abord le garant du respect de la loi ».
Car le maire de Grenoble ne s’est pas contenté d’épingler une médaille sur le revers de la veste de l’agriculteur niçois. Eric Piolle en a aussi profité pour porter le fer contre la loi Asile et Immigration et son délit de solidarité dont il demande l’abrogation.
Dans un post publié sur Facebook, le premier magistrat s’est lancé dans une longue diatribe adressée au… procureur de la République de Grenoble.
« Va-t-on nous placer en garde à vue ? »
« À l’examen de la loi et de la jurisprudence : nos actions collectives en tant que Ville de Grenoble et avec les associations et habitants qui s’y associent, font courir un risque pénal », souligne notamment Eric Piolle.
« Va-t-on nous placer en garde à vue, voire nous traîner en correctionnelle à cause de la contrepartie matérielle indirecte que l’étranger aidé pourrait, en retour, faire à un aidant ? En achetant quelques courses de temps à autres (sic) pour garnir la table, en donnant quelques sous pour aider à payer le loyer du logement qu’ils partagent, voire pourquoi pas en faisant la vaisselle (ça s’est vu en 2015 à Perpignan, je n’invente rien)… Peut-être même notre action recouvre-t-elle la notion de « bande organisée » visée à l’article L622‑5 du Ceseda et qui est reprochée aux jeunes gens qui seront jugés ce jeudi par le tribunal correctionnel de Gap pour leur participation à une manifestation à Briançon il y a quelques semaines ? »
L’interpellation n’a guère été du goût du représentant de l’État. Qui a rappelé Eric Piolle à son devoir d’exemplarité. Le préfet ne conteste pas la possibilité pour un élu d’avoir et d’exprimer ses opinions, « qui s’inscrivent ainsi dans un débat d’intérêt général et relèvent de l’expression politique ou militante ». Mais il déplore des propos qui « appellent à commettre des infractions ou des actes illégaux alors même qu’ils sont tenus par un maire auquel les lois de la République confient des responsabilités d’officier de police judiciaire et la charge de faire respecter l’ordre public dans le ressort de sa commune ».
« Prôner l’illégalité ou cautionner des infractions pourtant condamnées par l’autorité judiciaire n’est pas une conduite anodine », enfonce le préfet au lendemain de la cérémonie de remise de médaille visiblement organisée devant un parterre de médias particulièrement réduit. Une sortie que pourfend également le sénateur de l’Isère Michel Savin (Les Républicains) alors que la Haute Assemblée doit encore examiner le projet de loi Asile et immigration.
« La solidarité est l’une des valeurs de la France, mais il est n’est pas acceptable qu’un élu de la République se dise solidaire d’une personne en raison de sa condamnation pénale et appelle à commettre des infractions ou des actes illégaux, s’insurge le parlementaire. L’exemplarité des élus est une absolue nécessité » *.
Du discours national… à la réalité locale
Grenoble, terre d’accueil des migrants ? En janvier dernier, le maire de Grenoble avait, les pieds dans la neige dans une vidéo tournée au col de Montgenèvre, déjà exhorté le président de la République à abolir le délit de solidarité. Un discours très “national”… quelque peu en décalage avec la situation locale.
En avril 2017, la Ville de Grenoble avait en effet demandé l’évacuation du camp Valmy occupé par des migrants originaires pour la plupart d’Albanie, de Macédoine et de Serbie, sans proposer de solutions de relogement.
Et s’était faite taper sur les doigts par le tribunal administratif, le juge des référés considérant que l’évacuation n’était pas justifiée faute de solution alternative d’hébergement**.
En trois ans, Grenoble a certes accompagné quatre cents initiatives solidaires, entre dons de vêtements chauds, cours de français et de cuisine, mise à disposition d’un toit, repas, tickets de transports et même sorties en montagne, comme le rappelle Eric Piolle dans son post.
Pas de quoi convaincre cependant les militants et associations qui avaient surtout vu dans la livraison de repas sur le campus et la signature de conventions d’occupation temporaire, des opérations de communication.
PC
*Article mis à jour le 29 mai à 13 h 55.
** Le camp Valmy a finalement été évacué un mois plus tard pour cause de troubles à l’ordre public.