Grenoble annonce avoir livré une centaine de repas aux migrants hébergés au Patio sur le campus. Une livraison faite contre l'avis des militants sur place…

Tribune libre : « Multiplions les soli­da­ri­tés avec les per­sonnes exilées ! »

Tribune libre : « Multiplions les soli­da­ri­tés avec les per­sonnes exilées ! »

TRIBUNE LIBRE – Depuis le 5 décembre 2017, plu­sieurs dizaines de migrants sont héber­gés sur le cam­pus de Saint-Martin-d’Hères au sein du bâti­ment Le Patio. Soutenus par le col­lec­tif du Patio Solidaire, qui a récem­ment lancé une col­lecte en ligne, ils ont obtenu du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion de l’Université Grenoble-Alpes de pou­voir demeu­rer sur place jus­qu’à la fin de la trêve hiver­nale. Tandis que des mobi­li­sa­tions simi­laires voient le jour par­tout en France, le Patio Solidaire et d’autres “occu­pants” de Lyon, Nantes ou Poitiers, lancent un appel à la solidarité. 

Militants du Patio solidaire et « occupants » d'autres villes de France appellent à la convergence des solidarités avec les personnes migrantes.Le Patio Solidaire © Manuel Pavard - Place Gre'net

Le Patio soli­daire © Manuel Pavard – Place Gre’net

Le mou­ve­ment d’occupation qui agite les uni­ver­si­tés et les villes de France nous montre chaque jour un peu plus que les per­sonnes exi­lées ne sont pas accueillies mais chas­sées, triées, cri­mi­na­li­sées. Parvenu.e.s à pas­ser les fron­tières de l’Europe for­te­resse, les exilé.e.s sont confronté.e.s à une poli­tique migra­toire qui assume publi­que­ment la pri­va­tion de leurs droits fondamentaux.

Être exilé.e en France aujourd’hui, c’est se voir refu­ser le droit au loge­ment, au tra­vail, à la sco­la­ri­sa­tion. C’est être la cible d’un har­cè­le­ment quo­ti­dien fait de vio­lences poli­cières et bureau­cra­tiques. C’est devoir jus­ti­fier à l’infini les causes d’un exil tou­jours consi­déré avec sus­pi­cion. C’est être réduit à un ensemble d’assignations dis­cri­mi­nantes qui dis­tinguent notam­ment “migrants éco­no­miques”, “migrants poli­tiques” ou “mineurs iso­lés étran­gers”. C’est vivre en per­ma­nence dans l’angoisse d’une expul­sion bru­tale via la pro­cé­dure Dublin, laquelle empêche tout pro­jet d’installation dans le pays choisi.

Aux fron­tières et dans les villes, le “délit de soli­da­rité” est employé par le gou­ver­ne­ment pour com­battre juri­di­que­ment et poli­ciè­re­ment les per­sonnes qui les sou­tiennent. Médias et dis­cours poli­tiques entre­tiennent un cli­mat anxio­gène qui divise la popu­la­tion en fai­sant des exilé.e.s les nou­veaux “enne­mis inté­rieurs” (ter­ro­ristes, vio­leurs, cri­mi­nels, res­pon­sables du chô­mage…), jus­ti­fiant le déve­lop­pe­ment d’un État poli­cier. Cette situa­tion est la conti­nuité des poli­tiques colo­niales, racistes et impé­ria­listes qui ont fait de la France une “puis­sance mon­diale”. La “Françàfric”, le franc CFA, les dettes injustes et les ventes d’armes aux dic­ta­tures ne sont que des exemples de ces poli­tiques qui assurent le main­tien d’un mode de vie extrê­me­ment vorace en res­sources entre­te­nant misère éco­no­mique, guerres et bou­le­ver­se­ments climatiques.

À contre-cou­rant d’une société tou­jours plus individualiste

De Villars-les-Dombes à Briançon, des métro­poles aux cam­pagnes, nous sommes nom­breux-ses à nous orga­ni­ser contre leur cynisme, à construire des soli­da­ri­tés par nos dif­fé­rentes luttes. Nos occu­pa­tions ne s’inscrivent pas dans des démarches huma­ni­taires, pater­na­listes et édu­ca­tives. Nous ne deman­dons pas la cha­rité, mais exi­geons l’égalité et la jus­tice. Ces lieux de ren­contre sont des labo­ra­toires d’auto-organisation, des espaces d’échange de savoir-faire qui bou­le­versent quo­ti­diens et pra­tiques d’accueil. Par la décons­truc­tion des logiques de domi­na­tion, ainsi que par l’action col­lec­tive, nous tis­sons de nou­velles manières de vivre ensemble.

Partant du constat de l’échec des poli­tiques publiques, nous pro­po­sons une alter­na­tive soli­daire, bâtie avec l’expérience de toutes et tous. Nous réaf­fir­mons l’inconditionnalité de l’accueil et des droits inalié­nables pour toutes les per­sonnes, qu’elles soient deman­deuses d’asile, sans-papier, sans-abris, mineures ou majeures. Aucune fron­tière n’empêchera jamais les peuples de déci­der du lieu sur lequel ils sou­haitent vivre. Pourquoi lorsqu’un fran­çais migre vers un pays afri­cain pour tra­vailler, il est nommé “expa­trié” plu­tôt que ”migrant économique” ?

Nos pra­tiques sou­haitent aller à contre-cou­rant d’une société tou­jours plus indi­vi­dua­liste, cris­pée et anxieuse. Nous dénon­çons ensemble le dis­cours de la peur, omni­pré­sent et mani­pu­la­teur. Discours qui par­ti­cipe de la déshu­ma­ni­sa­tion des exilé.e.s, envisagé.e.s comme des enva­his­seurs ainsi qu’à l’inscription de l’état d’urgence dans le droit commun.

Un réseau de soli­da­ri­tés inter-occu­pa­tions et inter-villes

En 2016, l’INSEE recen­sait 2,9 mil­lions de loge­ments vides en France. L’Etat peut les réqui­si­tion­ner. A l’inverse, Lyon Métropole, comme d’autres agglo­mé­ra­tions, fait le choix de dépen­ser 1,8 mil­lions d’euros pour la sur­veillance de ses bâti­ments vides. L’exclusion spec­ta­cu­laire dont sont vic­times toutes les per­sonnes sans-abri n’est pas une fata­lité mais un choix politique.

Nous appe­lons à déve­lop­per un réseau de soli­da­ri­tés inter-occu­pa­tions et inter-villes. Il s’agit main­te­nant de sus­ci­ter une prise de conscience col­lec­tive. Nous appe­lons à pour­suivre et étendre les mou­ve­ments d’occupation dans les uni­ver­si­tés et ailleurs. Toutes les com­pé­tences sont néces­saires dans cette lutte qui se joue au quo­ti­dien. L’expérience nous apprend que la déso­béis­sance civile est une stra­té­gie effi­cace. Que chacun.e s’empare de ces ques­tions. Elles nous concernent tous.tes

Nous appe­lons aussi à une conver­gence des luttes entre le mou­ve­ment contre la réforme de l’université et nos mou­ve­ments d’occupation. Ce sont les mêmes action­naires, poli­tiques et médias qui ont inté­rêt à sélec­tion­ner, que ce soit aux fron­tières de l’État ou à celles de la fac. Leurs inté­rêts com­muns entre­tiennent le racisme sys­té­mique et divisent celles et ceux qui subissent leur poli­tique. Inspirons-nous des Nantais.e.s qui occupent aujourd’hui un châ­teau construit pour les négriers ; réqui­si­tion­nons les 11 mil­lions de loge­ments vides que compte l’Europe ; retrou­vons-nous chaque fois que l’occasion d’exiger l’égalité se pré­sente, comme ce sera le cas le 17 mars dans de nom­breuses villes françaises !

***

Rappel : Les tri­bunes publiées sur Place Gre’net ont pour voca­tion de nour­rir le débat et de contri­buer à un échange construc­tif entre citoyens d’o­pi­nions diverses. Les pro­pos tenus dans ce cadre ne reflètent en aucune mesure les opi­nions des jour­na­listes ou de la rédac­tion et n’engagent que leur auteur.

Vous sou­hai­tez nous sou­mettre une tri­bune ? Merci de prendre au préa­lable connais­sance de la charte les régis­sant.

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