FOCUS – Prévenir et lutter contre le surendettement, tel est l’objectif de la convention de partenariat signée entre la Banque de France et le Centre communal d’action sociale de Grenoble, le 23 novembre dernier. Avec, à la clé, un “observatoire des créances” pour ouvrir le dialogue entre acteurs législatifs, économiques et financiers, mais aussi un volet éducatif visant à former la population en matières financière et budgétaire.
« Mieux se protéger contre le surendettement est une problématique collective », souligne Francis Bénet, le directeur départemental Isère de la Banque de France. C’est pourquoi il a signé avec Alain Denoyelle – le vice-président du centre communal d’action sociale (CCAS) de Grenoble – une convention de partenariat, le 23 novembre dernier. Objectif de cette coopération ? Prévenir le surendettement et apporter des solutions à l’accumulation des dettes bancaires.
Francis Bénet (à gauche) et Alain Denoyelle (à droite) lors de la signature de la convention de partenariat entre la Banque de France et le CCAS © Anaïs Mariotti – Place Gre’net
Concrètement, cette convention propose un cadre d’accompagnement budgétaire qui comprend l’inclusion financière par l’octroi de microcrédits et l’éducation bancaire et financière. Pourquoi un tel partenariat ? « Il vise à resserrer les liens entre la Banque de France et le CCAS pour offrir aux citoyens des outils de compréhension du surendettement », expliquent les signataires.
Depuis 1989, « la Banque de France se charge du surendettement. Elle est un rouage central dans les négociations entre les créanciers bancaires et les acteurs financiers », assure Francis Bénet. Quant au CCAS, c’est un service public de proximité, capable d’interagir directement avec la population.
Le surendettement, un facteur d’isolement
Personne n’est totalement à l’abri du surendettement, explique Alain Denoyellle. En outre, « il faut prendre en compte les aléas de la vie comme la perte d’un emploi, la maladie, le chômage etc », poursuit-il. L’accumulation des crédits a souvent des effets pervers, en particulier quand un prêt est contracté dans le but de rembourser un autre crédit arrivé à échéance. Ce cumul peut alors avoir un effet boule de neige, susceptible d’affecter la santé physique et morale du débiteur.
Hormis les difficultés financières, « le surendettement peut déclencher un sentiment d’isolement et de honte », affirme le directeur départemental de la Banque de France. « L’accompagnement leur permettra de se rendre compte qu’ils ne sont pas seuls à vivre ce type de situation », assure-t-il. Souvent, l’exclusion financière complique aussi le retour sur le marché de l’emploi.
Pour lutter contre ce phénomène, les signataires de la convention proposeront des réformes au législateur, au gré de leurs observations. Ils auront aussi et surtout un rôle de conseil et d’éducation budgétaire auprès des citoyens. En définitive, la Banque de France et le CCAS entendent ainsi se placer en tant que médiateur entre le législateur et la population.
Prévenir et anticiper le surendettement
« Il est nécessaire de connaître les causes de l’endettement pour trouver des solutions adéquates », explique Francis Bénet. C’est pourquoi un “observatoire des créances” sera mis en place à travers ce partenariat. Il s’agira d’observer les comportements des acteurs financiers – à long et moyen terme – pour proposer des réformes au législateur. Mais aussi d’ouvrir le dialogue entre les acteurs législatifs, économiques et financiers pour mener des travaux de réflexion.
Agence de la Banque de France à Grenoble. © Joël Kermabon – Place Gre’net
Deuxième initiative ? « Éduquer davantage la population en matières financière et budgétaire », expliquent les acteurs du projet. Comment ? En formant directement les professionnels – notamment le personnel du CCAS – et en menant des campagnes de prévention auprès des citoyens. Selon eux, l’Éducation nationale a aussi pleinement un rôle à jouer dans cette démarche.
« Nous interviendrons dans les établissements scolaires », assurent les partenaires. Objectif ? Former les professeurs pour enseigner les clefs des politiques financières et budgétaires.
Les banques privées sont également responsables en matière de prévention. En effet, elles sont les seules à avoir accès aux comptes des clients. Ainsi, « si une personne est endettée, on pourrait imaginer un système d’alerte par les banques pour éviter le surendettement », explique Francis Bénet.
Parmi les solutions, l’effacement des dettes
Pour les ménages déjà surendettés, des solutions existent. « Nous avons les moyens de les mettre en œuvre », assure Francis Bénet. Concrètement, la loi permet depuis 1989 un effacement total ou partiel des dettes à travers la commission de surendettement de la Banque de France (cf. encadré). Sur l’ensemble des dossiers déposés en 2016, 34 % ont bénéficié d’un effacement total des dettes et 20 % ont obtenu un effacement partiel.
En général, « les personnes qui bénéficient d’un réaménagement de dettes ne retombent pas dans le surendettement », assure Francis Bénet. Il est aussi important de souligner que « deux dossiers sur trois concernent une personne seule », affirme-t-il. À travers ce partenariat, le personnel du CCAS sera formé afin d’accompagner les citoyens dans ces procédures administratives.
Les partenaires mobilisés contre le surendettement des foyers © Anaïs Mariotti – Place Gre’net
Hormis l’effacement, le législateur a permis d’allonger la durée des remboursements pour éviter la vente des biens personnels. « Être exclu de son domicile, il n’y a rien de pire pour la vie sociale », estime Francis Bénet. La Banque de France cherche donc des solutions alternatives pour lutter contre ce type d’exclusion financière et sociale. C’est pourquoi, les partenaires travailleront également avec les bailleurs sociaux.
Enfin, la Banque de France et le CCAS insistent sur un autre volet de l’inclusion bancaire : le droit au compte. « Quand un individu n’arrive pas à ouvrir un compte à la banque, la Banque de France peut choisir un banquier d’office. » L’idée est de protéger les citoyens et d’encourager l’égalité financière.
À long terme, les partenaires espèrent enregistrer une baisse du nombre de dossiers déposés à la commission de surendettement. Ils se montrent optimistes au regard des chiffres plutôt encourageants : « Depuis deux ans, nous constatons une baisse de 6 % en Isère et sur le territoire national », assure le directeur départemental de la Banque de France.
Anaïs Mariotti
LA COMMISSION DE SURENDETTEMENT EN BREF
Présente dans chaque Banque de France départementale, la commission de surendettement peut être saisie par toute personne physique qui se trouve dans l’incapacité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes, non professionnelles (Article L 711 – 1 et L. 712 – 2 du Code de la consommation).
La Loi Lagarde du 1er juillet 2010, qui visait à mieux protéger le consommateur en matière de crédit à la consommation, a notamment permis de réduire les délais d’attente – de six à trois mois – relatifs à la recevabilité des dossiers auprès des commissions de surendettement.
Quatre solutions possibles pour les bénéficiaires
Après le dépôt du dossier, la commission examine sa recevabilité dans un délai de trois mois. Si celui-ci est recevable, quatre solutions s’offrent au bénéficiaire :
- Un rééchelonnement, un report et/ou un effacement partiel des dettes
- Un effacement total des dettes, quand la situation financière du débiteur est irrémédiablement compromise (procédure de rétablissement personnel)
- Un effacement des dettes quand le débiteur n’est pas en mesure de vendre des biens, à l’exception des biens nécessaires à la vie courante et à l’activité professionnelle (absence de liquidation judiciaire)
- Vente des biens (uniquement avec l’accord du débiteur) à l’exception des biens nécessaires à la vie courante et à l’activité professionnelle (liquidation judiciaire).
Conséquemment, le passage en commission entraîne une inscription pendant cinq ans sur le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP). Durant cette période, l’individu ne peut pas contracter de prêt. Encore une fois, l’idée est de protéger le citoyen pour ne pas aggraver sa situation par une dette supplémentaire.