FOCUS – La phase dite de « co-construction active » du futur projet d’aménagement du quartier de l’Esplanade est achevée. Jugée fructueuse et innovante pour Vincent Fristot, adjoint à l’urbanisme, l’association Vivre à Grenoble la considère totalement biaisée. Malgré cette polémique, un dernier après-midi d’ateliers ce samedi 3 décembre doit conclure cette séquence participative.
Pendant deux mois, les habitants et les usagers de l’Esplanade ont pu s’exprimer sur les trois scénarios présentés aux Grenoblois par HDZ. L’animateur de la participation autour du projet de requalification de l’Esplanade, avait levé le voile sur ces trois orientations d’aménagement, jeudi 29 septembre dernier.
L’heure est à présent au bilan pour Vincent Fristot, adjoint à l’urbanisme : « Plusieurs centaines de propositions ont été collectées pendant la phase de co-construction active. » Et ce par différents biais : site Internet, déambulation du tri-porteur, maison du projet, travail en ateliers… Trois groupes de citoyens se sont en outre réunis pour réfléchir plus intensivement sur les problématiques saillantes du quartier en devenir : stationnement, futur parc, flux de circulation, espace public, espace de commerces, devenir de la grande esplanade.
Bref un bel exercice de co-construction innovant, de l’avis de Vincent Fristot. « Une première à Grenoble de cette ampleur, une démarche unique peut-être en France », va même jusqu’à dire l’adjoint.
L’appréciation sur la conduite de la participation diffère radicalement pour l’association Vivre à Grenoble, laquelle a participé au groupe « métropolitain ».
« Cette co-construction est une supercherie, elle s’est en fait apparentée à un simple recueil d’avis. Et encore quand on a bien voulu le prendre, l’entendre… Ce sont les élus qui décident, qui vont décider au final » en est persuadé Bruno de Lescure, l’un des porte-paroles de Vivre à Grenoble. Et de passer en revue une série de dysfonctionnements, en pointant les promesses de campagne pour le quartier de l’Esplanade d’Eric Piolle, partiellement reniées par l’exécutif en place.
Recueil d’informations ou co-construction ?
Vincent Fristot parle, après tout, lui aussi de « collecte » de propositions, mais il maintient que le processus participatif, orchestré par l’agence HDZ, consiste bel et bien à associer divers acteurs pour faire de la « co-construction ». Et de s’en expliquer : « Nous sommes partis à dessein, de trois scénarios contrastés pour favoriser le débat, ouvrir le champ des possibles, c’était notre engagement ! Ensuite le fonctionnement itératif, les aller-et-venues entre les habitants, HDZ et la Ville : c’est ça le principe même de la co-construction autour de ce projet du quartier de l’Esplanade ! ».
Le collectif Vivre à Grenoble affirme, pour sa part, s’en tenir à ce qu’il constate. Et il ne mâche pas ses mots. Sur la forme, il déplore des temps de réflexion courts ( 2 x 2 heures ) dans des salles mal chauffées, des réunions « caporalisées » avec une forte présence de la Ville, des groupes encore scindés en deux parfois, pour « éviter la confrontation des points de vue ». Enfin Vivre à Grenoble assure avoir voulu transmettre des documents, sans que ce ces derniers n’aient été pris en compte.
Certains habitants ne viendront pas ce samedi
La liste des griefs est-elle épuisée ? Pas encore. Bruno de Lescure poursuit : « En plus de réunions au pas de course, on a perdu beaucoup de temps à écouter, en début de deuxième réunion, le bilan des autres réunions des autres groupes ! »
Pour les mêmes raisons, les associations de quartier du groupe « proximité » sont également parties fâchées de leur second atelier.
Trop courts ces temps en petit groupe ? « Il y a des gens qui pourraient faire des réunions pendant des jours, mais il y en a aussi qui disposent de moins de temps », rappelle Vincent Fristot.
Quoi qu’il en soit, certains habitants ont décidé de bouder les ateliers organisés ce samedi 3 décembre après-midi, destinés à clôturer deux mois de « co-construction ». Pas de quoi affoler l’adjoint : « Certains ont des humeurs, claquent la porte et reviennent… La porte reste toujours ouverte de notre côté. »
Un projet trop dense ?
Selon Vivre à Grenoble, l’affaire est entendue : il s’agit d’une parodie de co-construction car, sur le fond, d’importants sujets n’ont pas été abordés en groupe de travail. Et que la Ville préférait passer sous silence ? Par exemple ? « La densité ! On n’a pas eu notre mot à dire là dessus répond Bruno de Lescure. Aucune explication ne nous a été apportée. Ce qu’on constate c’est qu’elle risque d’être encore plus élevée que dans le projet de l’ancien maire Michel Destot ! Alors qu’Eric Piolle s’était engagé à baisser le nombre de logements et, donc, la densité. Rappelez vous les engagements 78 et 80 du programme du maire et le projet pour le quartier, présenté pendant la campagne « Grenoble,ville pour tous » [cf. carte-ci dessous ndlr] ».
Le nombre de logements sur les différents scénarios s’annoncent en effet élevés, alors même que la grande esplanade ne sera pas construite, contrairement au projet de l’ancienne majorité. Seul le scénario B, avec 650 logements, se rapproche du programme de campagne d’Eric Piolle, mais le scénario A en compte 890, et le C…960.
« Oui et même qu’on monte moins dans les hauteurs, avec les nouvelles normes du PLU ! » ajoute même Vincent Fristot, faisant mine de défier les esprits querelleurs. Au demeurant, l’adjoint à l’urbanisme n’a aucunement le sentiment de renier les engagements de campagne. « Je comprends que si on met les chiffres en regard, les gens s’interrogent. Mais la question ne se pose pas en ces termes ! Tout est question d’équilibre […] Travaillons à une bonne insertion pour accueillir les futurs ménages dans des logements de grande qualité. Et puis, il faut bien des logements, car il y a un axe de tramway à desservir, des pôles commerciaux, qui, pour vivre ont besoin d’une certaine fréquentation. »
La double couronne d’arbres sera forcément impactée
Accepter que les futurs aménagements amputent la double couronne d’arbres ? Encore un compromis auquel Vivre à Grenoble ne peut se résoudre.
Et sur ce point non plus, point de discussion possible, au cours de la « co-construction ». « La grande esplanade pourrait même accueillir des voiries… Comment peut fonctionner la foire dans ces conditions ? » interroge Bruno de Lescure.
Pour Vincent Fristot, cette défense opiniâtre de la double couronne d’arbres ne mène nulle part :
« Il y a des gens qui ont des comportements d’immobilisme. Il faut savoir que des arbres devront très certainement être remplacés… Et ils seront remplacés, nous sommes bien sûr en faveur de la végétalisation en ville ! […] Cette entrée nord-ouest ne peut plus rester en l’état. On peut toujours dire qu’on ne veut rien toucher, mais à un moment, on atteint les limites. »
Un projet de construction de logements sur la petite Esplanade ?
Cerise sur le gâteau, l’association Vivre à Grenoble s’est procurée la dernière version de travail du Plan local de l’habitat 2017 – 2022. Sa déconvenue a été grande d’y trouver un projet de construction de logements sur la petite Esplanade. Et d’en conclure que les dés de la « co-construction » sont archi pipés…
« Cela écarte d’emblée, l’un des scénarios, le B en l’occurrence… Encore une preuve qu’on nous concerte et que par derrière, les élus décident ! », s’agace Bruno de Lescure.
L’adjoint Vincent Fristot balaie la polémique d’un revers de main : « Cette liste d’opérations n’est vraiment qu’indicative… Le PLH ne nous engage pas à faire ces opérations ! ». Donc la petite Esplanade restera vierge de constructions, si la co-construction penchait en faveur du scénario B ? Affirmatif, répond l’adjoint.
Double couronne d’arbres, densité, stationnement et autres réjouissances pourraient bien s’inviter au menu des ateliers participatifs de ce samedi après-midi. A suivre…
Séverine Cattiaux
Les conseils citoyens indépendants présents pour « observer et contrôler »
Nouvelle pratique que la Ville a initiée à l’occasion de cette co-construction : la convocation de membres des conseils citoyens indépendants aux ateliers. Leur mission ? Observer les débats, la teneur et la tenue des réunions et rendre un avis à la Ville sur ce qu’ils ont constaté. Un retour qui devrait être intéressant… Et peut-être donner du grain à moudre aux déçus de la co-concertation ?
Pas de quoi enthousiasmer Vivre à Grenoble. Au lieu de « scrutateurs » , les adhérents de Vivre à Grenoble auraient souhaité que les CCI participent pleinement à la co-construction. « Les membres des CCI se sont comportés comme les soldats de l’ONU. Ils ont vu les problèmes, mais ils ne sont pas intervenus ! », ironise Bruno de Lescure.