DÉCRYPTAGE - Après l'évacuation du camp illicite de l'avenue Edmond Esmonin, interrogations et critiques fusent. Certaines associations sont vent debout contre « une expulsion injustifiable », tandis que l'opposition municipale dénonce une gestion irresponsable du dossier. État des lieux après le passage des pelleteuses.
Du bidonville de l'avenue Esmonin quasiment plus rien ne subsiste. Les débris des cabanes ont presque tous été enlevés, de gros blocs de pierre les remplaçant pour dissuader toute nouvelle tentative d'installation. Il ne reste plus aucun signe indiquant que, quelques jours plus tôt, plus de trois cents personnes “habitaient” là.
Certes, sous un pauvre toit « mais un toit quand même », rétorquent les sympathisants et, comparé à la rue, c'était toujours ça.
Après ce que certains n'hésitent pas à qualifier de « sale boulot », les réactions sont vives. De la critique de la méthode, où se rejoignent associations et opposition municipale, en passant par l'opinion des riverains jusqu'aux folles rumeurs aux relents xénophobes des réseaux sociaux, quelques éléments de décryptage de cette situation complexe s'imposent.
« Existe-t-il des expulsions justifiables ? »
Au lendemain de l'évacuation et de la destruction du camp, la ville de Grenoble se félicitait, dans un communiqué, d'avoir mené « une évacuation inévitable et nécessaire qui s'est déroulée dans le calme, le respect des personnes et de la loi ». Selon la municipalité, « les personnes évacuées ont pu être accompagnées individuellement et se sont vu proposer des solutions de relogement. Personne n'a dormi dans la rue le soir-même et n'y dormira dans les jours à venir ». Le tout, selon elle, grâce à la mobilisation de l’ensemble des acteurs : la ville de Grenoble et son CCAS, l’État et les associations partenaires.
Un avis que ne partagent pas les associations impliquées. Jo Briant avait donné le ton durant l'évacuation, dénonçant l’illégalité de la procédure et la « violence symbolique » du dispositif policier mis en place. Lui emboîtant le pas, les collectifs Hébergement-logement, Réseau et éducation sans frontières (RESF) et La Patate chaude ont, quant à eux, dénoncé une « expulsion injustifiable, pour peu qu'il puisse exister des expulsions justifiables ».
Et ces derniers d'enfoncer le clou : « Comme toutes les expulsions, cette dernière est violente et sordide, et ceci est peut-être accentué encore par le fait que la mairie a voulu en faire une expulsion “à visage humain” ». Quant au rôle joué par le CCAS dans cette évacuation, les collectifs n'en démordent pas : « Le rôle d'un CCAS n'est pas de prêter main forte à une action policière. Les personnes du bidonville d'Esmonin devaient être protégées via le droit commun, en attendant des propositions de logement ».
« Pas de caravanes dans notre quartier ! »
« Le démantèlement, nous l'avons appris par la presse !, s'insurge Sébastien Baudouin, riverain et membre du collectif Plein soleil. C'est le seul outil de communication qui est utilisé par la Ville. Nous sommes des riverains, des citoyens et nous avions le droit d'être informés. » Et ce dernier de tempérer : « Éric Piolle a enfin pris ses responsabilités ! Nous ne pouvons que nous féliciter de cette décision d'évacuation que nous attendions depuis plus d'une année. Nous n'en pouvions plus de voir notre quartier devenir une vraie poubelle, tandis que les trafics et la prostitution prenaient de l'ampleur ».
Bien que temporairement satisfait, le riverain reste néanmoins dubitatif. « Nous savons – Alain Denoyelle [l'adjoint aux solidarités, ndlr] nous l'a confirmé –, qu'il est dans les projets de la Ville d'installer des caravanes dans le quartier. Nous n'en voulons pas ! », s'inquiète-t-il. Sébastien Baudouin en est convaincu, « cela va légitimer la présence de ces gens, les inciter à revenir. S'il faut démanteler à nouveau dans quelques mois, tout ça n'aura servi à rien ! ».
Pour Alain Denoyelle, adjoint aux solidarités et vice-président du CCAS, il y a malentendu. L'aire d’accueil envisagée est celle sur laquelle le Centre communal a installé depuis 2013 des marabouts où les occupants n'ont pas été évacués. « Il y a des réflexions sur le devenir de cette aire qui est officiellement reconnue par l'État comme une aire d'accueil des gens du voyage. Elle a donc vocation à recueillir des personnes [donc des caravanes, ndlr] mais rien n'est acté quand à son développement », tient à souligner l'élu.
Une évacuation « inéluctable mais trop tardive »
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