REPORTAGE VIDÉO – L’évacuation du bidonville de l’avenue Esmonin s’est déroulée dès 6 heures du matin, ce mercredi 29 juillet. Annoncée depuis la mi-mai, l’opération a été déclenchée suite à un arrêté d’expulsion pris par Éric Piolle, le maire de Grenoble, ce lundi 27 juillet. Personne ne devrait dormir dehors…
Dès 6 heures du matin ce mercredi 29 juillet, un important dispositif policier composé de 150 CRS et gardes mobiles verrouillait les abords du bidonville de l’avenue Esmonin.
Une barrière très efficace, renforcée par les véhicules de service, qui a rendu toute approche impossible, cantonnant presse, sympathisants, riverains et curieux de l’autre côté de l’avenue.
En face, dans le camp, une grande activité régnait, les habitants du bidonville réunissant rapidement des affaires, avant de s’installer dans des bus, sous le regard des enfants un peu hébétés devant toute cette agitation. L’évacuation s’est déroulée dans le calme. Sur le coup de 9 h 30, les occupants encore sur place ont été pris en charge, avant que les pelleteuses n’entrent en action.
Annoncé depuis la mi-mai, le démantèlement était très attendu par les riverains. D’ailleurs, quelques-uns d’entre eux, présents sur les lieux, ne manquaient pas de marquer leur satisfaction de voir enfin leurs “problèmes” s’éloigner, même si beaucoup posaient la question : pour combien de temps ? L’empathie était par ailleurs également visible chez la plupart des personnes présentes. Beaucoup s’inquiétaient en effet de savoir où et comment les familles expulsées allaient être relogées.
Réalisation Joël Kermabon
Six personnes placées en centre de rétention
Ne pas expulser sans proposer des solutions d’accompagnement et d’hébergement. Cétait un engagement du maire de Grenoble. Ainsi que nous le relations dans un précédent article, l’élu s’était engagé à demander l’application de la circulaire interministérielle du 26 août 2012 ou circulaire Valls.
Un engagement suivi d’effets qui a permis de trouver quelques solutions pour les personnes évacuées. Un tiers d’entre-elles environ ont ainsi été prises en charge par la ville. Elles seront relogées dans les préfabriqués du Rondeau.
Un autre tiers a été pris en charge par le CCAS, sachant que des négociations sont ouvertes avec l’État afin qu’il augmente sa participation. Cinquante-trois personnes, dont trente-trois mineurs, ont déjà été prises en charge par ce dernier.
Enfin, six adultes en situation irrégulière au regard du droit au séjour en France ont été placés en centre de rétention administrative en vue d’être renvoyés vers leur pays d’origine.
Le compte n’y est pas
Mis à part les personnes hébergées au Rondeau, toutes les autres ont été conduites, dans un premier temps, au centre scolaire Élisée Chatin. Elles seront ensuite dirigées vers différents hôtels, dans l’attente de relogements.
La ville de Grenoble précise : « Pour ceux qui vont être pris en charge par l’État, l’hôtel est une situation transitoire. Nous réfléchissons ensemble à un dispositif qui soit beaucoup plus pérenne que l’hôtel et puisse permettre d’insérer les gens ».
Pour autant, le compte n’y est pas. Un précédent dénombrement avait comptabilisé environ 385 personnes sur le site.
Au final, seules 142 personnes, dont soixante-dix mineurs (dix-neuf familles dénombrées), selon la préfecture de l’Isère, auront été évacuées et redirigées vers des solutions de relogement. Selon la représentante d’une association, beaucoup ont pris les devants et sont partis du camp avant l’arrivée des forces de l’ordre.
« L’illégalité c’est le juge qui la définit ! »
Quid des soutiens métropolitain et départemental ? Bien qu’Éric Piolle ait souhaité ardemment que la question du relogement puisse être traitée à l’échelle de la Métropole et du département, aucune des communes la composant n’a joué le jeu en prenant des familles en charge. Pas plus que le Conseil départemental qui n’a rien proposé. Au final, l’État et la ville de Grenoble se sont retrouvés bien seuls regrette-t-on au cabinet du maire.
Quant aux deux exceptions d’illégalité de la procédure d’expulsion – cf. vidéo – relevées par Jo Briant, porte-parole de la Coordination iséroise de solidarité avec les étrangers migrants (Cisem), la ville de Grenoble met les points sur les i. « L’illégalité c’est le juge qui la définit. Les associations auraient pu faire un recours dès le lundi soir devant le tribunal administratif, un référé liberté ».
Pour ce qui concerne la notification d’expulsion, la municipalité crie à la désinformation : « Elle a été faite dans les règles par l’huissier qui a distribué les notifications en main propre aux personnes présentes dans le camp lors de son passage, elle n’a pas seulement été placardée, c’est un vrai mensonge ! ».
Allant même plus loin, le cabinet justifie l’utilisation d’un tel arrêté. « Si l’État a débloqué des fonds c’est grâce à l’interpellation de François Hollande par Éric Piolle, c’est ce qui a conditionné le fait que nous soyons passé par un arrêté. » En effet, étant sûre d’obtenir des fonds et donc des solutions de relogement, la ville a ainsi pu précipiter le mouvement et engager la procédure d’expulsion. « Cela ne servait à rien de faire durer la mise en danger des gens dans le bidonville », souligne la ville de Grenoble.
Joël Kermabon