La tente des glaneurs passe à la distribution © Ludovic Chataing - placegrenet.fr

Glanage : une solu­tion anti-crise qui évite le gaspillage

Glanage : une solu­tion anti-crise qui évite le gaspillage

REPORTAGE – Tous les dimanches, des béné­voles de l’association la Tente des gla­neurs montent une grande tente devant le col­lège Fantin-Latour. Placés stra­té­gi­que­ment entre le mar­ché Saint-Bruno et celui de l’Estacade, ils récu­pèrent les inven­dus des com­mer­çants pour les dis­tri­buer à des per­sonnes en situa­tion de pré­ca­rité mais pas seulement.

Ce dimanche midi de mai, ils sont cinq à s’activer devant la grille du col­lège Fantin-Latour et à ins­tal­ler l’a­bri pliable de la Tente des gla­neurs. Cette fran­chise de l’association mère lil­loise ne recherche pas spé­cia­le­ment la publi­cité, c’est le moins que l’on puisse dire. Car si des repor­tages télé­vi­sés lui ont fait gagner en visi­bi­lité, ils ont aussi généré des dif­fi­cul­tés sur le terrain.

Affiche de La tente des glaneurs devant le collège Fantin-Latour de Grenoble. Objectif : organiser le glanage.

Tente des gla­neurs devant le col­lège Fantin-Latour de Grenoble. © Ludovic Chataing

« Des gens arrivent avec leur kit », explique Mama, membre de l’association. Malintentionnés, cer­tains ont essayé d’exploiter la struc­ture poli­ti­que­ment ou reli­gieu­se­ment. Et il y a une réelle dif­fi­culté, selon elle, à « occu­per un espace public de façon tota­le­ment laïque ». D’autres ont même pro­posé d’en faire un busi­ness ren­table. La média­ti­sa­tion du gla­nage semble ainsi nuire à sa pra­tique, par défi­ni­tion « tota­le­ment gra­tuite ».

Le gla­nage, phé­no­mène de mode

Jérôme, bénévole de La tente des glaneurs, récupère des légumes auprès des producteurs. Glanage

Jérôme, béné­vole de La tente des gla­neurs, récu­père des légumes auprès des pro­duc­teurs. © Ludovic Chataing

13 heures. Jérôme, l’un des membres de l’association, part vers le mar­ché de l’Estacade pour “gla­ner” du côté pro­duc­teurs locaux. Il vient envi­ron une fois par mois depuis Saint-Hilaire du Touvet (à 27 km de Grenoble) pour don­ner un coup de main à la Tente des gla­neurs et ce depuis six mois.

A en croire Jérôme, le gla­nage est devenu “un truc à la mode” pour une par­tie de la popu­la­tion. Certaines per­sonnes viennent ainsi gla­ner, alors qu’elles ont les moyens d’acheter sur les mar­chés, contrai­re­ment à d’autres qui sont vrai­ment dans le besoin, ce qui pose par­fois problème.

Jérôme, béné­vole au sein de l’as­so­cia­tion, explique la démarche de La tente des gla­neurs tout en fai­sant le tour du marché.

Pendant la col­lecte des béné­voles auprès des dis­tri­bu­teurs et des pro­duc­teurs, quelques dames âgées attendent assises sur des chaises. Visiblement trop fati­guées pour pra­ti­quer le gla­nage. C’est d’ailleurs suite à la demande de per­sonnes qui ne pou­vaient plus phy­si­que­ment gla­ner que la Tente des gla­neurs a vu le jour à Grenoble, en mars 2013.

Olivier, producteur sur le marché de l'Estacade, donne régulièrement à La tente des glaneurs. Glanage.

Olivier, pro­duc­teur sur le mar­ché de l’Estacade, donne régu­liè­re­ment à La tente des gla­neurs. © Ludovic Chataing

Une fois le gla­nage réa­lisé, les pro­duits récu­pé­rés sont triés par poids et par caté­go­ries pour évi­ter les écra­se­ments dans les sacs.

Il est 13 h 40. Les mar­chés Saint-Bruno et de l’Estacade sont ter­mi­nés. Viendra bien­tôt l’heure de la redistribution.

Sara, étu­diante, arrive en avance. C’est la pre­mière fois qu’elle vient. Deux cama­rades de fac lui ont donné ren­dez-vous. Au terme de gla­nage, elle pré­fère celui de “récup”. « La plu­part des étu­diants font de la récup », explique-t-elle.

Très au cou­rant des pra­tiques dans l’agglomération, elle pré­cise que les étu­diants vont sur les mar­chés, ceux-ci n’é­tant « pas trop inves­tis par les Roms », contrai­re­ment aux pou­belles de super­mar­chés où « il y a plus de bagarres ». Souvent, les Roms attendent ainsi à dix ou quinze devant les maga­sins sur le point de fer­mer avant de se jeter lit­té­ra­le­ment sur les pou­belles et d’en extraire les den­rées récu­pé­rables. C’est notam­ment le cas cours Jean-Jaurès.

Tout comme Jérôme, elle juge qu’il y a une part d’ef­fet de mode dans le gla­nage depuis deux ans, en lien avec les pre­mières cou­ver­tures média­tiques de la lutte contre le gas­pillage. En juin 2013, déjà, Guillaume Garot pré­sen­tait en effet Le pacte natio­nal contre le gas­pillage, en tant que ministre délé­gué à l’agroalimentaire. Et en octobre de la même année, une charte était signée contre le gas­pillage ali­men­taire par les ins­ti­tu­tions et acteurs isé­rois.

Lutter contre le gas­pillage ali­men­taire… et la pauvreté

Alexia et Solène rejoignent Sara. Leurs moti­va­tions ? L’excès de gas­pillage, mais aussi le prix exces­sif de cer­tains légumes. Pour elles, grâce à l’association, « ça passe mieux auprès des pro­duc­teurs » et cela peut per­mettre à « ceux qui n’osent pas » d’en pro­fi­ter aussi.

Collecte de la tente des glaneurs sur le marché de l'Estacade. Le glanage a bien fonctionné.

Collecte de la tente des gla­neurs sur le mar­ché de l’Estacade. © Ludovic Chataing

Si toutes trois ne sont « pas obli­gées de le faire finan­ciè­re­ment » – Solène pré­ci­sant même que ses parents peuvent l’ai­der – elles recon­naissent que l’association a ce « côté social ».

Parmi les autres béné­fi­ciaires, ce jour-là, deux qua­dra­gé­naires, sur­tout inté­res­sés par l’as­pect éco­no­mique, mais aussi par la lutte contre le gas­pillage ali­men­taire. Deux aspects qui se che­vauchent à la Tente des gla­neurs. Mais c’est ce com­bat contre la misère sociale mené par l’association que Jérôme qua­li­fie de “geste lourd”. Une mis­sion qu’il juge par­fois fatigante.

« Une per­sonne, une tomate ! »

En tout, 70 per­sonnes envi­ron attendent ce dimanche-là devant la Tente des gla­neurs. Essentiellement des étu­diants ou de jeunes actifs et des per­sonnes âgées. Leur nombre varie en géné­ral entre 40 et 130, d’après Mama. Alignés en file comme à la caisse d’un maga­sin, ils pré­sentent leur sac, tour à tour. Les béné­voles leur pro­posent la récolte du jour : arti­chauts, auber­gines, concombres… Il faut choi­sir et par­ta­ger. « Puis-je avoir plus de tomates ? », demande une dame. La règle est rap­pe­lée : « Une per­sonne, une tomate ! ».

La tente des glaneurs passe à la distribution. Le glanage à Grenoble.

La tente des gla­neurs passe à la dis­tri­bu­tion. © Ludovic Chataing

L’ensemble de la col­lecte est réparti le plus équi­ta­ble­ment pos­sible dans l’ordre et le calme. Parfois, les béné­fi­ciaires pré­cisent le nombre de per­sonnes pré­vues pour le repas et récu­pèrent un peu plus, en fonction.

Une fois tout le monde servi, il reste quelques légumes. Ils iront à l’association Cuisine sans fron­tières, place Saint-Bruno, où des plats seront cuisinés.

Chaque béné­vole essaie de gar­der le sou­rire, quelles que soient les situa­tions, mais la tâche n’est pas tou­jours aisée. Les quatre heures du rituel domi­ni­cal res­tent phy­siques. Et une fois le don ter­miné, il faut encore laver les tables, les remettre dans les cad­dies pour les rame­ner au local, et plier la tente pour le dimanche suivant…

Ludovic Chataing

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