REPORTAGE – Le collectif Café paysan réalisait, samedi 30 mai, une action surprise de sensibilisation aux dangers des pesticides de la marque Roundup, dans le cadre du mouvement national « Roundup non merci » demandant le retrait des rayons des produits de Monsanto. La quinzaine de militants présents ce jour-là a investi, pour la deuxième fois, le magasin Castorama de Saint-Martin-d’Hères. Une action pacifique destinée à informer la clientèle et à interpeller le directeur du magasin.
La quinzaine de militants conduits par le collectif Café paysan comptait débarquer par surprise ce samedi en milieu d’après-midi, jour de grande affluence au Castorama de Saint-Martin-d’Hères. Quel n’a pas été son étonnement de voir Georges Lombard, le directeur du magasin de bricolage, sortir sur le parking et venir aimablement à sa rencontre, avec quelques employés.
Le personnel du magasin était, en effet, sur le qui-vive depuis la première action datant du 21 mars dernier. Une surveillance accrue, couplée à une stratégie d’approche incertaine de la part des militants, a permis au directeur de les devancer.
Un flop donc pour cette entrée en matière. Visiblement assez fermé à la discussion, Georges Lombard n’a cependant pas opposé de résistance, cette fois-ci, à ce que les personnes entrent dans son magasin et poursuivent leur action.
Santé publique versus intérêts économiques
Une fois à l’intérieur, le groupe s’est dirigé vers le rayon des pesticides et s’est emparé de plusieurs bidons de la marque Roundup, avant de s’installer devant la ligne de caisses. Les participants ont alors revêtu des T‑shirt porteurs du message « Roundup non merci » et disposé des affichettes interpellant directement le directeur : « Monsieur Lombard, s’il vous plaît ». Le message était clair. Les activistes lui demandaient purement et simplement de retirer le Roundup de son magasin.
Le collectif met en avant le problème de santé publique et environnemental, comme l’explique Philippe Champeley, agriculteur biologique à Anneyron. « Nous ciblons le Roundup parce que le glyphosate, sa molécule active, est la plus utilisée dans le monde et que les gens sont plus attentifs car le produit est déjà très médiatisé. Mais nous pourrions nous attaquer à plein d’autres produits extrêmement dangereux ».
De fait, comme rappelé dans les tracts distribués samedi aux clients par les militants, le glyphosate se retrouve dans 80 % des eaux de surface, selon un récent rapport de l’État. De quoi remettre en cause la biodégradabilité rapide du produit annoncée par les industriels.
D’autant plus que, depuis mars 2015, l’agence de l’OMS spécialisée dans le cancer considère le Roundup comme « cancérigène probable ».
« Il n’y a qu’à questionner les habitants des village au Brésil, qui se prennent du Roundup sur la tête lors des épandages en avion et qui tombent malade, pour comprendre que nous ne sommes pas face à un produit sympathique », renchérit Philippe Champeley.
Or, en France, le Roundup est massivement utilisé par les jardiniers amateurs qui seraient également une population à risque.
Dialogue de sourds entre les deux parties
Pointer du doigt le Roundup alors que d’autres marques utilisent le glyphosate revêt par ailleurs une autre dimension. « Le Roundup est la marque commerciale de la firme Monsanto. Donc, symboliquement, nous nous attaquons aussi à eux », précise Philippe Champeley.
« Monsanto a de grands projets pour s’approprier le vivant. Elle développe des semences OGM résistantes au Roundup, qui est un désherbant total, pour pouvoir épandre le produit là où c’était impossible avant. »
Des argumentaires repris, pour la plupart face, au directeur du Castorama, à la réplique claire et sans appel : « Tant que la loi nous permettra de vendre du Roundup, nous continuerons à le commercialiser. Nous répondons à l’attente des clients. Si la loi évolue, nous nous plierons à la loi. » Un dialogue de sourds, donc, entre deux parties aux préoccupations bien différentes.
A plusieurs reprises, le directeur s’est retranché derrière son statut de salarié d’un grand groupe n’ayant pas la liberté de décider le retrait ou non des produits. Ce à quoi le collectif lui a objecté que le Castorama de Paris-Crimée avait décidé de retirer la marque nord-américaine de ses rayons en 2014. Georges Lombard a alors coupé court aux discussions, ne souhaitant pas s’exprimer davantage.
Réalisation : Véronique Magnin.
2022 : fin des pesticides chimiques ?
Une chose est sure, Castorama respecte bien la loi en vigueur, même si la législation est en passe d’être modifiée. Le gouvernement prévoit en effet l’interdiction de la vente et l’utilisation de pesticides chimiques d’ici 2022. Alors, pourquoi mener une telle action aujourd’hui ? « C’est important de faire pression car beaucoup de décisions de ce genre n’ont pas été respectées à terme », explique Philippe Champeley. « Et pourquoi attendre cinq ou six ans pour arrêter de commercialiser des produits dont on sait maintenant qu’ils sont dangereux et probablement cancérigènes ? ».
Durant l’action, qui a duré moins d’une heure, les clients n’ont pas manifesté de soutien appuyé. Certains étaient d’accord avec les revendications, d’autres relevaient son caractère vain. Beaucoup semblaient indifférents. Et tous passaient leur chemin sans s’appesantir en discussions.
Les marques de soutien auraient toutefois été plus présentes lors des précédentes actions, aux dires des militants. Leur détermination ne fléchit d’ailleurs pas, même si le bilan de l’action de samedi reste mitigé. Sur les 25 personnes attendues, seules 15 se sont présentées.
Une trentaine de participants aurait plus de poids et serait plus entendue, selon Philippe Champeley. Le collectif invite ainsi les volontaires intéressés à participer à ses prochaines actions et leur donne rendez-vous au Café paysan qui se tiendra le mardi 2 juin à 20 heures à la MJC des Eaux-Claires. L’occasion de discuter des alternatives aux pesticides.
Delphine Chappaz
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