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Stéphane Gemmani

“Le cen­trisme, c’est la décision”

“Le cen­trisme, c’est la décision”

ENTRETIEN – Dans un contexte de forte recom­po­si­tion du centre gre­no­blois entre un Modem éclaté, une UDI conqué­rante et la for­ma­tion nais­sante du Rassemblement citoyen, Stéphane Gemmani, élu muni­ci­pal en charge de l’accessibilité et de la pré­co­ni­sa­tion sociale, pré­sente cette coopé­ra­tive poli­tique dont il est désor­mais le vice-pré­sident. Il nous livre éga­le­ment les idées qu’il sou­haite défendre dans ses nou­velles fonc­tions à Cap21 et dans la pro­chaine majo­rité municipale.
Stéphane Gemmani
© Véronique Serre
Président fon­da­teur du Samu social gre­no­blois en 1990 et chef d’entreprise, Stéphane Gemmani s’est d’a­bord engagé dans la société civile. « Politique plu­tôt que poli­ti­cien », il intègre la frange ségui­niste du RPR « pour l’émotion que le gaul­lisme sus­ci­tait » dans les yeux de son grand-père, émi­gré ita­lien en Isère et résis­tant. Il quitte un parti « en pleine droi­ti­sa­tion », lors d’un retour revan­chard en poli­tique d’Alain Carignon « qui n’avait tiré aucune leçon de sa condamnation ».
Co-fon­da­teur du Mouvement démo­crate (Modem) en Isère, il devient en 2008 conseiller muni­ci­pal de Grenoble, en charge du han­di­cap et de l’accessibilité. Son tra­vail est récom­pensé par plu­sieurs prix euro­péens et celui de l’Association des para­ly­sés de France, qui a classé en avril der­nier Grenoble comme la ville la plus acces­sible de France. Il est exclu du Modem en 2012, « devenu le parti d’un seul homme », pour avoir sou­tenu François Hollande au pre­mier tour de l’élection pré­si­den­tielle. Il vient, par ailleurs, tout juste d’être élu vice-pré­sident et porte parole du Rassemblement citoyen.
Alors que le dis­po­si­tif d’hé­ber­ge­ment d’ur­gence a récem­ment été remis en ques­tion en Isère, quel est votre diag­nos­tic pour l’ag­glo­mé­ra­tion grenobloise ?
Stéphane Gemmani

© Véronique Serre

Les situa­tions que nos équipes de béné­voles vivent actuel­le­ment sont sans pré­cé­dent. Je suis plus que jamais pes­si­miste sur nos capa­ci­tés à main­te­nir le niveau d’aide que nous essayons de main­te­nir depuis plus de 23 ans. Une incons­cience, asso­ciée à une inac­tion et au déni de res­pon­sa­bi­lité par­ta­gée des déci­deurs poli­tiques, a fait la peau petit à petit à l’en­ga­ge­ment des béné­voles dans ce sou­tien au quo­ti­dien de ces publics les plus pré­caires. Je pré­co­nise, depuis plus de 20 ans, de l’hé­ber­ge­ment dif­fus et réparti sur les com­munes, afin de répondre à toutes les formes de sans-abrisme. C’était déjà vrai à l’é­poque, alors que n’a­vions pas encore des flux aussi impor­tants de deman­deurs d’a­siles. Nous ne pour­rons conti­nuer nos mis­sions si ce réveil ne se fait pas. Les béné­voles, faute d’ou­tils et de consi­dé­ra­tion de leurs exper­tises, déser­te­ront à jamais nos struc­tures qui ne fonc­tionnent que par cet enga­ge­ment citoyen.
Vous pro­po­sez donc de par­ta­ger l’hé­ber­ge­ment entre com­munes, plu­tôt que de concen­trer les places dans les grandes villes. Comment s’or­ga­ni­se­rait ce dispositif ?
Stéphane Gemmani

© Véronique Serre

Maintenant, plus que jamais, un bon sens citoyen et civique doit se déve­lop­per dans les com­munes, et cela même dans les plus petites. L’amorce qui est ten­tée depuis peu par la Métro est tar­dive. Si elle n’est pas sui­vie mas­si­ve­ment et rapi­de­ment, nous allons vers un enchaî­ne­ment de drames huma­ni­taires. Il faut que cet héber­ge­ment soit har­mo­nieux, c’est à dire de deux places pour les plus petites com­munes à dix places pour les plus grandes, afin de favo­ri­ser les qua­li­tés d’ac­cueil, d’op­ti­mi­ser les enca­dre­ments et, grâce à cette répar­ti­tion dif­fuse, de déve­lop­per la quan­tité d’ac­cueils d’ur­gence sans créer de lieux ingé­rables. Outre la réponse à l’hé­ber­ge­ment, la créa­tion de ces struc­tures est indis­pen­sable pour l’a­pai­se­ment des consciences. Ces flux migra­toires de forme fami­liale, com­po­sés à moi­tié d’en­fants, concentrent l’at­ten­tion et les aides de nos struc­tures, en négli­geant par­fois nos publics tra­di­tion­nels qui ne manquent alors pas de l’ex­pri­mer très vertement…
Passons aux ques­tions poli­tiques. Vous avez été nommé, début juin, au bureau poli­tique de Cap21. Avez-vous enfin trouvé le parti qui vous convient ?
Stéphane Gemmani

© Véronique Serre

Mon entrée à Cap21 s’inscrit dans la suite logique d’une ren­contre construc­tive dès 1997 avec Corinne Lepage. Elle a quitté le Modem, déçue par l’hégémonie de François Bayrou dans ce parti n’ayant qu’une ambi­tion pré­si­den­tielle. Philippe de Longevialle, qui est un ani­mal poli­tique froid, me reproche de ne plus être cen­triste, mais le Modem n’a pas le mono­pole du centre à Grenoble, ni ailleurs. Je ne sou­haite pas repro­duire à Cap21 les erreurs du Modem consis­tant en un « entre deux », sans posi­tion­ne­ment et sans consigne de vote. C’est un poids poli­tique de sou­tien exi­geant qui doit être uti­lisé. Le cen­trisme, c’est la déci­sion. En com­plé­ment, je par­ti­cipe avec Corinne Lepage au pro­jet du Rassemblement citoyen, une coopé­ra­tive poli­tique qui ras­semble plu­sieurs par­tis, tout en conser­vant leurs iden­ti­tés et leurs enga­ge­ments propres. Les déci­sions se font aux deux tiers des votes pour faire évo­luer la pra­tique démocratique.
En quoi Cap21 se démarque-t-il des autres par­tis cen­tristes existants ?
Stéphane Gemmani

© Véronique Serre

Cap21 et le Rassemblement citoyen incitent la société civile à s’engager sur les ques­tions envi­ron­ne­men­tales, dans les domaines de l’éducation et de l’entrepreneuriat et sur les enjeux de soli­da­rité. Nous sou­hai­tons per­mettre à des per­son­na­li­tés dis­po­sant d’une exper­tise acquise dans un enga­ge­ment citoyen, de la mettre à pro­fit à tra­vers un enga­ge­ment poli­tique, plu­tôt que d’être récu­pé­rées par les par­tis clas­siques comme simples consul­tants ou cau­tion morale.
Que sou­hai­tez-vous por­ter ou impul­ser à tra­vers vos nou­velles fonc­tions natio­nales à Cap21 ?
Stéphane Gemmani

© Véronique Serre

Mes posi­tions res­tent les mêmes, mais j’apporte le regard d’un élu local. Le refus du cumul des man­dats simul­ta­nés et leur limi­ta­tion dans le temps, ainsi que l’évolution de la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive à l’échelle muni­ci­pale, sont des pro­jets qui me tiennent à cœur. Ce n’est pour­tant pas ins­crit dans notre tra­di­tion poli­tique, contrai­re­ment à la Suisse par exemple. En France, ni les ins­tances poli­tiques, ni les grands par­tis, ni les citoyens eux-mêmes ne sont prêts à déve­lop­per la démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive, mais nous devons insuf­fler cette évo­lu­tion. Cela passe par des mesures simples et effi­caces. Par exemple, nous pour­rions inté­grer dans l’équipe muni­ci­pale des membres de l’opposition ayant une démarche construc­tive. Cela ren­for­ce­rait la légi­ti­mité de l’exécutif. Nous pour­rions éga­le­ment modi­fier le règle­ment inté­rieur du conseil muni­ci­pal pour don­ner une place aux avis des repré­sen­tants des conseils consul­ta­tifs de sec­teur ou des parlementaires.
Ces mesures prennent un écho par­ti­cu­lier au regard de la situa­tion gre­no­bloise. Remettent-elles en ques­tion votre par­ti­ci­pa­tion à la majo­rité muni­ci­pale, cri­ti­quée par rap­port à l’absence de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive et menée par Michel Destot qui cumule les mandats ?
Stéphane Gemmani

© Véronique Serre

Michel Destot et Jérôme Safar connaissent mes posi­tions qui pèse­ront, je l’espère, sur le choix et les enga­ge­ments du can­di­dat de la majo­rité sor­tante pour l’élection muni­ci­pale de l’année pro­chaine. Nous n’avons pas atteint, dans le groupe des sociaux démo­crates, un point de rup­ture qui com­pro­met­trait notre appar­te­nance à la majo­rité. Cependant, nous ne repar­ti­rons pas en 2014 dans les mêmes condi­tions de cumul des man­dats et de fonc­tion­ne­ment res­serré de l’exécutif. Par ailleurs, d’autres for­ma­tions comme Europe-Ecologie les Verts (EELV) ou le Réseau citoyen ont éga­le­ment sou­haité nous ren­con­trer, Morad Bachir-Chérif et moi-même, en pers­pec­tive de cette échéance.
Est-ce là les pré­mices d’une alliance avec les oppo­sants éco­lo­gistes, le Réseau citoyen et le Front de gauche comme le sou­hai­te­rait EELV ?
J’ai conscience des désac­cords his­to­riques qui ont pro­vo­qué la rup­ture entre les éco­lo­gistes et les socia­listes à Grenoble, mais je crois encore en un large ras­sem­ble­ment pos­sible, incluant la majo­rité sor­tante. Jérôme Safar a la volonté de faire évo­luer la situa­tion en pon­dé­rant l’hégémonie socia­liste dans les unions. Chacun doit cal­mer le jeu des désac­cords pas­sés pour évi­ter l’éparpillement des voix et offrir un pro­jet à Grenoble. Sinon, les citoyens conti­nue­ront de per­ce­voir la classe poli­tique comme car­rié­riste et dés­in­té­res­sée du pro­grès commun.
Propos recueillis par Victor Guilbert
L’entretien a été réa­lisé à Grenoble le ven­dredi 14 juin sur le par­vis de l’Hôtel de ville, puis com­plété le 29 juin, en fonc­tion des der­nières actua­li­tés. Il n’a pas été sou­mis à relecture.
- Consultez ici les autres entre­tiens poli­tiques du Dimanche de Place Gre’net. 

VG

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