DÉCRYPTAGE – Comment faire pour se préserver des dangers en tant que cycliste à Grenoble ? Même dans la « capitale du vélo », il ne faut en effet pas tout attendre des aménagements cyclables mais adopter de bonnes pratiques pour sa propre sécurité et celle des piétons. Pour ce faire, des structures comme l’ADTC – se déplacer autrement ou bien la nouvelle école du vélo municipale de Grenoble, proposent leurs services. Et la demande est croissante. État des lieux.
Installée sous les tribunes de l’anneau de vitesse, l’école du vélo de Grenoble inaugurée en novembre 2023 n’a toujours pas ouvert ses portes. « Les travaux ont pris un peu de retard, explique Vincent Maisonnas, son coordinateur et par ailleurs ancien formateur mobilité. Dès que nous serons ouverts, en mai, nous tiendrons des permanences pour accueillir le public. On a vocation à être un lieu ressources, de mise en réseau, à répondre aux questions sur le vélo mais aussi à rediriger vers les structures existantes ».
Nous nous employons à lever les peurs chez certains enseignants réticents à organiser des cours d’apprentissage du vélo, souligne Vincent Maisonnas, coordinateur de l’école du vélo de Grenoble.
Au demeurant, les activités de la structure ont bien démarré en septembre 2023. Depuis, les trois agents de l’école – un coordinateur et deux mécaniciens – s’emploient ainsi à faciliter la mise en œuvre des cours d’apprentissage du vélo auprès des scolaires. La mission des deux mécaniciens ? Vérifier, en amont des cours, que les vélos des élèves sont en état de marche. Sachant que Sachant qu’un cycle « Savoir rouler à vélo » par classe correspond à huit à douze heures d’enseignement.
« C’est autant de temps qui n’est pas amputé sur l’enseignement de la pratique auprès des jeunes scolaires », souligne Vincent Maisonnas. Un enseignement dispensé par un éducateur territorial des activités physiques et sportives (Étaps) de la Ville de Grenoble. 35 Étaps ont ainsi été formés à l’apprentissage du vélo pour accélérer la diffusion du « savoir rouler » dans les écoles.
L’école du vélo va aussi prêter des deux-roues aux élèves qui n’en ont pas. grâce à sa flotte de 70 vélos. « Notre rôle est d’apporter une aide technique aux ateliers “savoir rouler à vélo” organisés dans les écoles du CP au CM2, résume Vincent Maisonnas. On a d’ailleurs entamé la deuxième grosse période d’apprentissage de l’année, qui se tient sur avril, mai, juin. »
Sur l’année scolaire 2023 – 2024, 55 classes du CP au CM2 à Grenoble auront bénéficié de ces séances. « Nous allons monter en charge dans les années à venir », assure Vincent Maisonnas. Sachant que cela ne se fera pas sans la coopération des enseignants, qui décident ou pas d’intégrer ce cycle dans l’emploi du temps des élèves.
« Il nous faut aussi trouver des solutions quand, dans les écoles, il est difficile de stocker les vélos. » Plus globalement, le personnel de l’école du vélo s’emploie à lever certaines peurs. « Certains enseignants peuvent encore être réticents alors même que les élèves sont encadrés par les éducateurs de la Ville », commente Vincent Maisonnas.
ENCOURAGER LES JEUNES À FAIRE DU VÉLO POUR L’ÉCOLOGIE ET LEUR SANTÉ
Le lancement de l’école du vélo de Grenoble s’inscrit dans le cadre d’une stratégie nationale « Savoir rouler à vélo » (SRAV). L’enjeu étant qu’en 2027 tous les élèves entrant au collège aient appris à faire du vélo à l’école élémentaire.
Dans cette optique, l’État a confié aux rectorats le soin de travailler avec les communes la mise en œuvre d’ateliers du « savoir rouler à vélo » dans les diverses écoles. En 2024, une nouvelle étape a été franchie : les communes de plus de 150 000 habitants ont désormais l’obligation de mettre sur pied un plan d’action pour déployer plus massivement le SRAV.
Le « savoir rouler à vélo » est aussi important dorénavant que le « savoir nager » martèle-t-on au ministère des Sports. De fait, si des générations de jeunes ont appris le vélo avec leurs parents, il ne s’agit plus d’une simple activité de loisir. Il est devenu un mode de déplacement du quotidien que les pouvoirs publics veulent déployer massivement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, cause de l’accélération du dérèglement climatique.
La pratique du vélo est en effet le seul mode de transport qui n’émet aucun gaz à effet de serre, contrairement à la voiture ou aux transports en commun, (dans une bien moindre proportion). L’ambition de l’État est ainsi d”«[ancrer] les réflexes d’aller vers une mobilité décarbonée dès le plus jeune âge ».
S’ajoute une autre raison sanitaire impérieuse de mettre les jeunes sur des vélos. Ces derniers sont devenus trop sédentaires, au point de compromettre leur capital santé.
Des cours de vélo gratuits pour les adultes à la rentrée 2024
Les adultes désireux d’apprendre à faire du vélo ou de “dépoussiérer” leur pratique pouvaient jusqu’ici s’adresser à des acteurs comme l’ADTC – se déplacer autrement. Près de 200 adultes suivent ainsi chaque année des cours de l’association.
Mais la demande est forte et les listes d’attente s’allongent. À compter de septembre 2024, l’offre va toutefois s’étoffer. L’école du vélo proposera, elle aussi, « des cours gratuits », annonce Vincent Maisonnas.
Tandis que les cours de l’association sont proposés en journée dans la semaine, les enseignements de l’école du vélo se dérouleront en soirée pour toucher d’autres publics. En définitive, les nouveaux cours pourraient être également dispensés par l’ADTC – autrement puisque l’école du vélo va sous-traiter ces nouveaux cours. « Nous avons lancé un marché pour sélectionner notre prestataire », indique le coordinateur.
Le rôle de l’école du vélo ne s’arrête en outre pas à inscrire des adultes dans les différents cours. « L’idée est de pouvoir ensuite accompagner les personnes qui auront suivi une formation pour les conseiller afin de louer ou d’acheter un vélo en les aidant à bénéficier des subventions de l’État et des collectivités. »
Un contexte favorable pour se mettre au vélo
L’appétence pour apprendre ou réapprendre à faire du vélo est grandissante, à en croire le succès des séances organisées par l’association ADTC – se déplacer autrement. Il est vrai que le contexte est porteur. L’extension du réseau des pistes cyclables facilite les déplacements. Et le nombre croissant de cyclistes peut aussi avoir un effet d’entraînement.
En outre, avec la hausse des prix, le coût d’une voiture pèse de plus en plus lourd sur le budget des ménages. A contrario, le vélo permet de réduire considérablement ses dépenses. D’autant qu’il existe des aides incitatives pour acquérir un deux-roues.
L’ADTC – se déplacer autrement propose, d’une part, les séances « remise en selle » pour les adultes qui ont appris à rouler à vélo mais qui n’ont pas beaucoup pratiqué et voudraient se dérouiller et, d’autre part, les séances « premiers coups de pédales » pour ceux qui n’ont jamais appris.
Première obserbvation des éducateurs : les femmes sont plus nombreuses à suivre les cours de l’association. Certains cycles sont même suivis par un public exclusivement féminin, comme ce matin de février 2024 où le groupe s’est retrouvé à l’anneau de vitesse.
Les motivations des personnes sont s’avère, quant à elles, très diverses. Majl, 34 ans, explique prendre des cours pour pouvoir se rendre au travail en vélo. Deaa, 24 ans, voudrait pouvoir pratiquer avec ses enfants. Laure, 46 ans, sort d’un cancer et cherche à se mettre au sport. Le vélo lui semble un bon moyen de joindre l’utile à l’agréable. Elle gagnerait aussi du temps pour faire ses courses et pourrait partager des moments avec son fils, explique-t-elle.
« L’une des choses qu’on explique aux cyclistes débutants c’est qu’il est préférable de bien connaître son itinéraire, en préparant son circuit un jour où il y a peu de circulation » recommande Basile Diaz.
Pourquoi prendre des cours pour faire du vélo ? « Pour se sentir à l’aise à vélo, pour sa sécurité, répond Basile Diaz, éducateur mobilité à l’association ADTC – se déplacer autrement depuis huit ans. « De la même manière qu’on ne conduit pas une voiture sans avoir appris le code de la route ni suivi des cours dans une auto-école, rouler à vélo réclame la connaissance du code de la route, en particulier des règles qui régissent des déplacements des cyclistes et l’acquisition de certaines aptitudes », explique-t-il.
C’est d’ailleurs par l’acquisition d’aptitudes que les apprentis vont commencer. Lors des premières séances, les débutants vont acquérir l’équilibre, apprendre à lâcher une main tout en maintenant une trajectoire droite, à regarder derrière soi, à freiner… Une fois ces techniques maîtrisées, ils passeront à la mise en situation, d’abord sur un parcours en milieu sécurisé, puis en ville avec un peu de circulation. « C’est en étant confrontés à diverses situations que les élèves vont intégrer les bonnes attitudes et des réflexes », assure Basile Diaz.
Un exemple ? « Dans une rue étroite de 2,50 mètres où il n’y a pas la place de se faire doubler par une voiture, on va leur conseiller de rouler au centre de la rue plutôt que de se coller aux voitures en stationnement », illustre l’éducateur mobilité vélo.
Au fil des séances, l’éducateur délivre aussi des conseils de bons sens. « L’une des choses qu’on explique aux cyclistes débutants c’est qu’il est préférable de bien connaître son itinéraire, en préparant son circuit un jour où il y a peu de circulation, pour voir où sont les aménagements et les difficultés… Cela permet, quand il y a un peu plus de pression motorisée, de le faire plus sereinement ». À la fin du cycle, l’éducateur propose à chacun des conseils personnalisés.
GLORIA, VÉLO-TAXI : « LES COURS DE VÉLO, C’EST GÉNIAL POUR LES FEMMES »«Oui, ça peut être impressionnant pour un ou une cycliste qui débute de se retrouver dans la circulation », conçoit Gloria Leroy, taxi-vélo à Grenoble. Moi, je ne me pose plus la question en ville, je suis toujours à vélo. Mais beaucoup de gens ne respectent plus grand chose, alors tout le monde se méfie. C’est ça qui évite une forte accidentalité. Les gens y vont un peu à l’œil. »
Avec 80 000 km de distance à vélo dans les jambes, il n’est pas surprenant que Gloria n’ait plus d’appréhension à vélo. Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas constamment sur ses gardes.
« En vélo, le maître mot c’est l’anticipation… » Quand on lui parle des cours de vélo pour les adultes, cette professionnelle applaudit des deux mains. Elle trouve “génial” que des adultes apprennent à faire du vélo, les femmes en particulier. « Le vélo, c’est un outil d’indépendance des femmes. Certaines ont besoin d’être mobiles sur des heures un peu décalées par rapport aux transports en commun. »
Un certain nombre d’automobilistes auraient aussi intérêt à se mettre à la page, tance la professionnelle. La signification des panneaux vélo semble en effet échapper à beaucoup d’entre eux. « Je me fais très souvent insulter quand je passe à un feu rouge alors que j’en ai le droit quand il y a un panneau triangle qui l’autorise ! », rappelle-t-elle.
Une réflexion sur « Ecole du vélo, associations… Les cours pour circuler à deux-roues en plein boom à Grenoble »
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